Entre héritage colonial et nouveaux défis géopolitiques, la France voit son influence s'éroder en Afrique. Analyse des causes d'un déclin historique.
Les relations entre la France et l'Afrique connaissent une mutation profonde en 2025. Le « pré-carré » français, jadis solidement établi dans les anciennes colonies, s'effrite face à une nouvelle génération d'Africains revendiquant leur souveraineté.
Selon Kader Diarrassouba, conseiller de Guillaume Soro, la France se trouve désormais « prise dans un engrenage infernal », particulièrement dans ses anciennes colonies où elle imposait autrefois sa volonté sans contestation.
L'héritage colonial en question
Le passé colonial reste une plaie ouverte dans les relations franco-africaines. Les déclarations contradictoires des dirigeants français illustrent ce malaise persistant. Emmanuel Macron qualifiait en 2017 la colonisation de « crime contre l'humanité » avant de tempérer ses propos face aux critiques domestiques.
Plus récemment, la controverse s'est ravivée avec les propos de Bruno Retailleau évoquant « des heures noires, mais aussi des mains tendues ». Cette vision révisionniste ignore les deux millions de morts attribuables à l'exploitation coloniale française en Afrique subsaharienne, selon les historiens.
La gestion française des coups d'État en Afrique révèle une diplomatie à géométrie variable. L'année 2025 marque un tournant avec neuf pays africains ayant connu des changements de régime depuis 2020.
La France adopte des positions contradictoires : condamnation ferme des juntes au Mali, Burkina Faso et Niger, mais accueil diplomatique des putschistes du Gabon et de Guinée. Cette incohérence nourrit le ressentiment populaire et renforce l'image d'une France guidée uniquement par ses intérêts stratégiques.
Les interventions militaires contestées
Les révélations sur une possible intervention militaire française au Niger en 2023 illustrent la persistance des réflexes néocoloniaux. Jean-Marie Bockel a confirmé devant le Parlement français qu'une force de 2000 soldats avait été positionnée à Abidjan, prête à intervenir.
Cette stratégie interventionniste se heurte à une opposition croissante. L'enquête Afrobarometer de 2023 révèle que 64% des Africains rejettent toute intervention militaire étrangère, quel qu'en soit le motif.
Avec plus de 70% de sa population âgée de moins de 30 ans, l'Afrique aspire à des relations internationales équilibrées. Cette jeunesse connectée et informée refuse le statu quo colonial et exige des partenariats respectueux.
En Côte d'Ivoire, les tensions politiques illustrent ce désir de changement. Dès 2020, une lettre ouverte interpellait Emmanuel Macron sur les dangers d'un soutien implicite aux dérives autoritaires.
Les défis de la réinvention
Pour maintenir sa présence en Afrique, la France doit entreprendre une refonte complète de sa politique. L'abandon des doubles discours diplomatiques s'impose comme une nécessité première. La condamnation des dérives autoritaires doit devenir uniforme, sans distinction entre pays alliés et opposants.
La fin de l'ingérence militaire constitue le second pilier de cette transformation. Le respect de la souveraineté des États africains et une nouvelle approche de la coopération sécuritaire doivent remplacer les interventions unilatérales.
L'adaptation aux aspirations contemporaines représente le troisième axe de cette réinvention. Les partenariats économiques doivent devenir équitables, soutenant les initiatives locales tout en reconnaissant les enjeux climatiques et démographiques.
La France se trouve à un carrefour historique. Le maintien du statu quo n'est plus viable face à une Afrique en pleine mutation. Comme le souligne un proverbe ivoirien cité par Diarrassouba : « Quand on refuse, on dit non. »
La réinvention des relations franco-africaines nécessite une reconnaissance sincère des erreurs du passé. L'établissement de partenariats équitables et le respect des souverainetés nationales doivent guider cette nouvelle approche. Le soutien au développement endogène devient une priorité pour construire des relations durables.
L'année 2025 marque un tournant décisif dans les relations France-Afrique. Le choix se pose désormais entre une réinvention profonde des rapports bilatéraux ou une marginalisation progressive de l'influence française sur le continent.
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