Depuis 2019, Wave bouscule le marché en Côte d'Ivoire avec des commissions à 1% sur les transferts d'argent, provoquant une baisse de 44% des revenus des agents locaux.
Wave transforme le marché des transferts d'argent en Côte d'Ivoire depuis son arrivée en 2019. L'application américaine pratique des commissions de seulement 1%, nettement inférieures aux tarifs traditionnels du secteur. Cette politique tarifaire a rapidement conquis de nombreux utilisateurs ivoiriens à la recherche de solutions économiques pour leurs transactions financières.
En peu de temps, cette plateforme s'est positionnée comme un acteur central du paysage financier local. Cette évolution soulève cependant des questions sur la viabilité de l'écosystème économique existant, particulièrement pour les milliers de petits commerçants qui proposaient ces services dans les quartiers et constituent un maillon essentiel de l'économie informelle.
Baisse significative des revenus pour les agents
Les revendeurs subissent directement les conséquences de cette nouvelle concurrence. Pour une transaction de 100 000 FCFA, ces commerçants percevaient auparavant environ 2 400 FCFA. Aujourd'hui, ils ne reçoivent plus que 1 350 FCFA pour la même opération, représentant une diminution de 44% de leurs revenus.
Cette situation a conduit à une mobilisation du secteur. Le 21 juin 2022, les agents ont organisé une grève nationale pour dénoncer l'« ubérisation » de leur métier. Adama, gérant d'un point de vente à Yopougon, témoigne : « On pensait que la technologie allait nous aider. Mais aujourd'hui, elle est en train de nous remplacer ». Les discussions entamées avec le ministère de l'Emploi n'ont pas encore abouti à des mesures concrètes pour protéger ces travailleurs.
Une stratégie déjà expérimentée sur d'autres marchés
La démarche de Wave reproduit un modèle économique observé sur d'autres marchés numériques. La stratégie consiste à attirer les utilisateurs avec des tarifs avantageux, puis à consolider sa position avant d'imposer des conditions moins favorables aux partenaires. Ce phénomène a été constaté avec Yango en Côte d'Ivoire, qui prélève désormais jusqu'à 26% sur les courses.
Un précédent similaire existe avec Glovo en Espagne, où la dégradation des conditions de travail a provoqué plus de 40 grèves. Le rapport de la GSMA publié en mars 2024 met en garde contre les limites de ce modèle. Si l'inclusion financière progresse à court terme, l'affaiblissement du réseau d'agents physiques risque de compromettre l'accès aux services financiers, notamment dans les zones rurales.
Face à cette situation, plusieurs options réglementaires s'offrent aux autorités ivoiriennes. L'instauration d'un plancher de commissions minimales pourrait préserver les revenus des agents. Une autre approche consisterait à conditionner l'accès au marché à des obligations de redistribution locale.
Des exemples internationaux démontrent l'utilité de l'intervention publique. Au Royaume-Uni, la Cour suprême a accordé en 2021 aux chauffeurs Uber le statut de « workers » avec les droits sociaux correspondants. L'Espagne a adopté une législation protégeant les travailleurs des plateformes. Ces précédents pourraient servir de référence aux institutions ivoiriennes pour encadrer ce secteur en mutation.
Selon les estimations syndicales, entre 30 000 et 40 000 points de revente seraient actuellement menacés en Côte d'Ivoire. L'enjeu dépasse la simple concurrence commerciale et concerne l'équilibre socioéconomique du pays. Sans régulation adaptée, ces nouveaux acteurs technologiques pourraient fragiliser durablement le tissu économique local, affectant particulièrement les emplois des jeunes et des femmes dans le secteur informel.
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