Côte d’Ivoire : faire « Barka » ou demander « Gouassou », c’est refuser la redistribution des richesses

Marché Préfet Abidjan

Pour Vincent Toh Bi Irié, Préfet d'Abidjan, marchander avec les petits vendeurs de Côte d'Ivoire, c'est refuser la redistribution des richesses.

Il y a quelques jours , je me promenais à pied et en civil sur une route menant à l'un des villages sous mon administration. Le genre d'endroit rural où il fait bon sentir l'air non corrompu des campagnes.

De nombreuses femmes sorties des plantations voisines vendaient des produits de la terre au bord de la route.

J'ai vu une jeune dame qui vendait de gros régimes de bananes plantains dont sortait encore de la sève fraîche. À côté, elle avait également un grand panier dans lequel frétillaient de grosses carpes noires, juste pêchées.

La jeune dame habillée pratiquement en pagnes déchirés était en pleine discussion avec le conducteur d'une puissante et grosse 4X4 sur le prix des bananes et du poisson.

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Je l'ai entendue dire : « Tonton, le prix que tu dis là est trop petit. Vas au marché d'Adjamé, même 20.000 frs tu peux pas gagner ça. Mais si je ne te vends pas , ça va pourrir dans ma main. C'est pourquoi je dis faut prendre tout ça à 5.000 frs”.

Trois immenses régimes de bananes et des grappes de gros poissons, le tout à 5.000 frs. J'aurais tant aimé que ce Monsieur démarre et que je sois l'acheteur pour récompenser des personnes comme elle, mais ça aurait été incourtois et une concurrence déloyale. Le Monsieur à la 4X4 a sous acheté de si beaux produits de la terre et est parti en trombe.

Cette courte discussion dont j'ai été témoin m'a fait mal au cœur et m'a projeté dans mon enfance où je voyais ma mère vendre au marché de Dabou à vil prix ses piments, aubergines et maniocs vers 16h pour avoir un peu d'argent pour nos besoins et pour que ses produits ne pourrissent pas le lendemain avec pour conséquence une perte sèche sur son petit investissement.

Je me demande encore aujourd'hui pourquoi nous autres nous achetons tous les articles de supermarchés et autres magasins sans discuter le prix, même quand il est élevé. Souvent même, ce sont ces mêmes produits ou de moindre qualité que nous achetons 5 à 6 fois plus cher.

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Et lorsque nous nous retrouvons devant des personnes démunies ( petites vendeuses, jardiniers, cordonniers, éboueurs, cireurs, tôclô, petits menuisiers, etc), nous achetons à des prix bas âprement discutés. Alors que nous savons pertinemment qu'à ces prix là nous ne pouvons jamais acheter ces produits ou ces services dans un commerce normal.

La redistribution des richesses ne concerne pas que le Gouvernement qui s'y attelle, ça vous concerne vous aussi.

Quand vous vivez très bien chez vous et que vous achetez des produits de commerçants désespérés à bas prix , quand vous marchandez tout ce qu'ils vous proposent, vous les appauvrissez et ne permettez pas la circulation des richesses et du bien-être social et collectif.

Pardonnez, arrêtez vos « barka », « gouassou » quand vous achetez avec mes petits commerçant(e)s d'. Ils vivent de ce qu'ils vous vendent et nourrissent des centaines de milliers de familles.

Je les rencontre sur leurs lieux de travail et les reçois à longueur de journées et suis témoin de la façon dont ils gagnent honnêtement leurs vies en luttant dur.

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Ils ne vous demandent pas de la pitié ni de la compassion. Ils demandent juste que vous ne profitiez pas de leurs faiblesses. Ils demandent juste que vous achetiez au juste prix parce qu'ils sont pour beaucoup honnêtes et sincères .

C'est tellement vrai que les Occidentaux exigent à leurs propres pays aujourd'hui de payer au juste prix les produits qui viennent de certains pays pauvres. Ce qu'ils appellent « Fair Trade ».

Alors, demain matin, quand vous irez au marché ou que vous circulerez sur les pistes rurales, ne discutez pas trop avec les mamans . Payez leurs produits au prix que Dieu dans sa bonté infinie pour tous ses enfants vous inspirera. Payez le tôclô, le cireur, le videur de vos caniveaux et de vos WC, le jardinier saisonnier, à des prix qui reflètent vous-mêmes votre niveau de vie.

Ne soyons pas heureux seuls sinon nous serons en danger.

Moi mon Département d'Abidjan a besoin que chacun pense à l'autre pour que nous tous on puisse bien avancer et être heureux tous.

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Quand vous regardez dans les yeux des pauvres femmes et puis vous dites « gouassou », vous n'avez pas honte ni de remords?

Ahiaaa, vous n'avez même pas pitié des pauvres commerçant(e)s un peu seulement ! Pour vous la c'est comment même ??

*barka: diminuez le prix
*gouassou: ajoutez moi des suppléments gratuits sur ce que j'ai acheté.

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