Côte d’Ivoire : Prévarications et mauvaise gestion au Port Autonome d’Abidjan (Mamadou Koulibaly)

Mamadou Koulibaly fait une analyse de la gestion interne de plusieurs entités d'État dont et le Port Autonome d'Abidjan (PAA).

« On leur dit que le PAA est mal géré, ils disent qu'ils inaugurent le 5ième terminal à conteneurs ! […] Chez eux tout est dans l'infrastructure, le béton et rien dans la superstructure, la gestion. » .

Pour ceux qui ne le savent pas, la Cour des comptes (CC) est l'organisme indépendant de l'État chargé d'auditer les comptes des comptables du secteur public et des sociétés d'État. Dans son rapport public annuel pour 2018(*), elle relève des pratiques extrêmement préoccupantes de dévoiement des règles, le manque de gouvernance et la médiocrité de la gestion interne de plusieurs entités d'État dont l'Ageroute et le Port Autonome d'Abidjan (PAA). Le rapport fait état de violations gravissimes du règlement intérieur et de la loi, ainsi que de la mise en place de mécanisme de neutralisation du système de contrôle interne du port, là où ils existent, pour permettre les détournements.

L'étendue des irrégularités, le montant des malversations ainsi que l'extrême médiocrité de la gestion choquent. Cette semaine nous analysons pour vous quelques-unes des conclusions du rapport sur le PAA. Elles montrent que nos dirigeants et fonctionnaires rivalisent de créativité dans leurs techniques de pillage de l'argent public qu'ils/elles ont la charge de préserver et de faire fructifier pour le compte des Ivoiriens. En cela, ils/elles ne se limitent plus à la pratique notoire et tout aussi illégale de la passation des marchés de gré à gré ou de celle des marchés fictifs.

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Commençons par le cumul de postes et de la corruption des systèmes de contrôle interne. Le 5 mars dernier, le #TTMK publiait un article intitulé « Cumul de postes : à quoi servent donc les lois en Côte d'ivoire ? » pour dénoncer la pratique du cumul qui semble être le sport favori des élus et fonctionnaires ivoiriens, surtout ceux du . Nous y évoquions la violation du Code électoral, entre autres par le DG du PAA, M. Hien Yacouba Sie, qui cumule à ce jour son poste de dirigeant d'une société contrôlée à 100% par l'État avec, non pas un, mais deux mandats électifs puisqu'il est à la fois député et maire d'Adiaké ! Appliquée à la gestion interne du PAA, cette pratique a conduit à la neutralisation des mécanismes de contrôle interne pour faciliter vols et autres concussions. Ainsi le rapport nous apprend que le « Contrôleur Général qui a la charge de la gestion du contrôle interne exerce à la fois, les fonctions de Directeur Qualité et de Directeur du Contrôle de Gestion » et souligne que ce cumul « met en cause l'objectivité des décisions du responsable de l'audit interne, qui ne peut être à la fois juge et partie (…) et pose le problème (…) de l'efficacité du contrôle exercé sur les activités relevant de ces trois importantes directions. ». Ainsi, tout le monde peut « bouffer » à son aise.

Parlons maintenant des mécanismes de malversations. La CC révèle que les dirigeants du port ont attribué des primes d'un montant total de 139 millions de FCFA sans aucune justification à certains travailleurs, en violation flagrante du règlement intérieur. Selon elle, alors que l'article 32 de ce règlement autorise des récompenses « aux travailleurs qui ont fait preuve de courage ou de dévouement en cas de péril ou exécuté des tâches particulièrement complexes ayant permis à la société de faire des économies, réaliser des gains ou éviter des pertes, les employés (récompensés Ndlr) n'ont fait preuve ni de courage ni de dévouement particulier, encore moins, exécuté des tâches particulièrement complexes car les travaux en cause sont non seulement des tâches ordinaires relevant de leurs attributions respectives mais sont nés par la faute de ces derniers. » Cinglant !

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En clair, il s'agit tout simplement de détournement de deniers publics. Des kleptomanes qui usent de subterfuges et de techniques diverses pour remplir leurs poches et celles de leurs petits amis ; impunément.

En outre, puisque la direction du PAA affectionne particulièrement la technique des primes comme moyens de prévarication, elle décide, très grand seigneur, de payer à son personnel, toutes catégories confondues, au titre des années 2012 et 2013, « 16 types de primes et indemnités diverses d'un montant cumulé de plus 6,8 milliards de FCFA », de nouveau sans fondement légal. Quelle générosité au frais des contribuables ! Mais bon, nous savons tous lire entre les lignes.

Quant à la direction même du port (DG, Conseillers Techniques auprès du Directeur Général et Directeurs sectoriels), elle s'octroie, en plus de sa quote-part des primes susmentionnées, la bagatelle de 2.1 milliards de FCFA, de nouveau en toute illégalité.

Ces pratiques relèvent clairement de l'abus de biens sociaux (certains diraient de gangstérisme). À votre avis, la direction du PAA a-t-elle été débarquée ? Sanctionnée ? Poursuivie par la justice ? Vous connaissez bien évidemment les réponses à ces questions.

Pour finir, nous concluons avec le constat global par la CC sur la médiocrité de la gestion quotidienne des activités opérationnelles et juridiques du PAA par ses dirigeants. Illustration :

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Adoption des méthodes de gestion défiant toute orthodoxie comme par exemple, le remboursement anticipé de nombreux emprunts à la fin de l'exercice 2012 pour un montant global de 33.6 milliards alors que le PAA «signait, début 2013, un accord de prêt de 24 milliards avec la (BOAD), pour le financement partiel de ses projets ». Et le CC de conclure : « Face à de réels besoins de financement exprimés par le PAA, la Cour s'est interrogée sur l'opportunité du remboursement d'emprunts par anticipation ». Une approche, en effet, bien curieuse et dont les dessous portent des relents nauséabonds. Le rapport relève une litanie d'autres problèmes de gestion avec pour résultat, dans un cas, la perte de 3 milliards FCFA en 2013 ! Incompétence crasse ? ou système de spoliation bien huilé? Nous penchons pour un mélange particulièrement toxique des deux. Ce qui est sûr, c'est que le PAA est très mal géré, voire pas géré. Cette gabegie est intolérable dans un pays pauvre dont la jeunesse est sacrifiée, condamnée à une émigration misérabiliste.

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Voilà donc comment certains de nos établissements publics sont « gérés » et nos deniers, durement gagnés surtout par nos paysans très démunis, sont gaspillés et détournés au profit de mafias organisées au plus haut niveau. Il est plus que temps de nous aussi nous organiser pour les bouter dehors. Réveillons-nous ! II en va de notre avenir.

Written by Mamadou Koulibaly

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