Coup d’Etat au Mali, en Guinée et Burkina: Affi réagit, « le régime militaire, une fausse solution à de vrais problèmes »

Pascal Affi N'Guessan face à ses militants le 29 janvier 2022 à Abidjan a donné sa position sur les coups d'Etat au Mali, en Guinée et Burkina.

Après le Mali et la Guinée, le Burkina Faso à son tour vient de basculer brutalement dans l'aventure. Le lundi 23 janvier 2022, le Président Rock Christian Kaboré a été renversé. Je voudrais, au nom du Front Populaire Ivoirien () exprimer toute notre compassion à notre Camarade Président et tout notre soutien et notre solidarité au peuple burkinabé.

Pour nous, parce que nous sommes profondément démocrates, quelles que soient les difficultés que traverse un pays, le coup d'Etat ne saurait se substituer aux alternances dans et par les urnes. La remise en cause délibérée non justifiée par des circonstances prévues par la loi, de l'ordre démocratique, doit toujours être condamnée.

Ces différents coups d'Etat sont la marque d'un échec.

Le témoignage en réalité de l'absence de maturité la conscience démocratique, en donnant le sentiment que les alternances démocratiques ne constitueraient pas un idéal absolu, qu'il existerait d'autres solutions, plus efficaces et donc tout aussi légitimes. 

Nos Institutions régionales y répondent par des mises en demeure et par des sanctions. Elles sont dans leur rôle et ces sanctions sont logiques. Car finalement, c'est la construction d'un ordre international fondé sur la démocratie, l'Etat de droit et la paix qui se trouve ébranlé et fragilisé. Mais la contrepartie tragique est de dégrader encore le quotidien de populations déjà très démunies et d'alimenter une fracture dangereuse entre nos populations et nos Institutions. Mais reste pour les Institutions régionales, notamment la CEDEAO à trouver le bon équilibre et sans doute aussi la méthode et la manière. 

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L'incompréhension, la fracture ont une autre conséquence tout aussi périlleuse pour l'ensemble de notre continent : c'est la confusion regrettable entre le patriotisme et le nationalisme. Le patriotisme, c'est l'amour sincère et naturel de son pays ; le nationalisme, c'est la tentation de l'enfermement et de l'isolement. C'est le refus de l'internationalisme donc du panafricanisme.

Comment ne pas comprendre que dans un monde globalisé, l'intérêt de nos pays réside dans la constitution de blocs politiques, économiques et monétaires, qui sont des instruments d'affirmation continentale dans un rapport de forces planétaire.

La CEDEAO, l'UEMOA dans notre Sous-région, mais aussi l'Union africaine, la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ne sont pas des outils de coercition des Etats, mais des instruments de puissance pour l'ensemble de nos pays.

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Ces retours en arrière s'accompagnent toujours de justifications, souvent les mêmes, en désignant des boucs émissaires toujours les mêmes. On rejette les anciennes puissances coloniales ; on se jette dans les bras de nouveaux tuteurs ; on feint toujours d'ignorer deux règles d'or : la première, c'est qu'un Etat n'a pas d'amis mais des intérêts. Et cela vaut pour tous les Etats ; la seconde, c'est que l'union fait la force. Et il est permis de se référer à d'autres expériences dans le monde. 

En dépit des critiques, le processus d'intégration en Europe constitue un puissant levier de richesse et de paix dans un continent jusque-là meurtri par de nombreuses guerres. Il s'est traduit par une devise commune et par un espace de libre circulation des personnes et des biens. 

En Asie, le Partenariat Régional Economique Global, qui réunit depuis 2020, 15 pays dont la Chine, concentre le tiers du PIB de la planète, de la population et des échanges mondiaux. 

On pourrait évoquer l'accord Canada-Etats-Unis-Mexique qui a remplacé l'ALENA et a contribué au triplement des échanges commerciaux entre ses membres.

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Le repli sur soi est mortifère. La construction d'espaces régionaux aux racines de civilisations homogènes est une obligation pour mieux répondre aux différents enjeux internationaux : enjeux de croissance, enjeux de démocratie, enjeu climatique, et naturellement sécuritaire et migratoire dans un monde toujours plus globalisé. 

L'ouverture n'est ni l'ennemi de l'indépendance, ni l'adversaire de la souveraineté. 

En revanche, je le redis : le régime militaire, c'est une fausse solution à de vrais problèmes. 

Nous ne nions pas les problèmes. 

Cette succession d'événements nous rappelle aussi qu'il faut savoir davantage écouter nos peuples. Savoir faire preuve d'intelligence politique pour anticiper. Nos peuples réclament de nous que nous sachions bâtir des Etats forts au service de leur sécurité, des Etats impartiaux au service de la démocratie. Ils nous demandent de travailler pour leur bien-être ; ils veulent que nous leur garantissions le droit à l'éducation, à la santé et à l'emploi. Ils exigent que nous luttions de manière résolue contre la corruption. Nous devons impérativement entendre ces aspirations, respecter nos engagements politiques, développer de meilleurs outils au service d'une véritable conscience démocratique et patriotique.

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