Endettement de la Côte d’Ivoire: le PPA-CI critique le discours de Ouattara, « manipulation propagandiste de certains chiffres à des fins électoralistes »

Dans sa Tribune de jeudi 27 avril 2023, PPA-CI fait le décryptage du discours du président Ouattara devant le Congrès sur l'endettement de la Côte d'Ivoire.

Dans nos précédents numéros de la tribune , nous avons décrié le niveau de l'endettement de la Côte d'Ivoire qui ne cesse de croitre tant au niveau de la dette extérieure que de la dette intérieure.

Dans son discours, le président de la République a qualifié notre endettement de modéré sur la base de l'encours de la dette estimé à 24.000 milliards de FCFA (24.774,4) et un ratio d'endettement de 55% du PIB dont la norme communautaire est inférieure ou égale à 70%.

En réalité, selon les chiffres communiqués par le Trésor public de Côte d'Ivoire et les services du FMI, ce ratio connait une tendance à la hausse passant de 58% en décembre 2022 à 58,7% en 2023, 59,8% en 2024 et 60,4% en 2025. Au PPA-CI nous doutons de la sincérité des prévisions d'endettement. En effet, le rythme d'endettement s'est resserré à partir de 2021 à cause de la fermeture des marchés des capitaux, notamment celui des euro bonds. La Côte d'Ivoire qui n'a plus accès à ce marché a du mal à faire le revolving (remboursement d'une ancienne dette par de nouvelles dettes) de son encours de dettes. D'où le recours au FMI. Selon un document du ministère de l'économie et des finances élaboré par le Comité national de la dette publique (CND) intitulé Stratégie de gestion de la dette à moyen terme SDMT 2022-2026, la tendance de resserrement des marchés des capitaux se confirme. En effet, sur des attentes de financement extérieurs de 1303 milliards de FCFA, la Côte d'Ivoire n'a obtenu que 1131 milliards. Soit un taux de recettes de 60%. En revanche sur le marché régional, le gouvernement a récolté 1939 milliards. Soit un taux de succès de 147%. Cette tendance se poursuit au point de rendre le marché régional très compétitif avec des taux d'intérêt très élevés. Les dernières émissions (Avril 2023) ont été levées avec à plus de 6% des taux d'intérêts. La rareté des concours extérieurs a une incidence sur la dette intérieure. En effet, les données du SDMT à fin 2021 se présente comme suit :

• Total dettes sans le C2D (dettes publiques et dettes publiquement garanties) = 20 924,3 milliards de FCFA contre 16 802 milliards en 2020.

• Dette extérieure 12623,9 milliards de FCFA milliards (60, 3%) sur la dette totale

• Dette intérieure 8300,7 milliards de FCFA (39,7%) de la dette totale.

C'est le taux d'endettement le plus élevé des 22 dernières années. Selon le site SIKA finances, la dette intérieure a connu un bon de 2142, 7 milliards contre 1298,7 milliards pour la dette extérieure. Néanmoins, la dette libellée en CFA représente 46,9% du volume total de la dette contre 53,1% pour les devises étrangères, notamment 37, 6% pour l'Euro et 11,5% pour le dollar. Cette situation expose davantage notre pays aux chocs extérieurs sur lesquels il n'existe aucun moyen de contrôle. Le SDMT a d'ailleurs admis que les fluctuations du taux EURP/USD demeurent un facteur de vulnérabilité même si, selon eux, la dette exposée aux fluctuations du taux de change de représente que 16% du portefeuille global de la dette.

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Autre caractéristique de la dette ivoirienne comparée à celle des années avant PPTE. Le volume actuel de la dette ivoirienne est composé essentiellement de dettes privées, (43% d'Euro Bonds et 11,3% de dettes commerciales) dont le traitement est plus compliqué et comporte plus de risques que les dettes avant PPTE qui était essentiellement publique. C'est cette caractéristique qui a permis son retraitement dans le cadre du PPTE.

Le recours à l'endettement intérieur à une conséquence énorme sur les entreprises et les acteurs économiques endogènes, et par voie de conséquence sur la production économique interne, la seule capable de juguler le chômage des jeunes, nouveaux amis de monsieur Ouattara. Le SDMT ne dit pas autre chose lorsqu'il affirme « A court-terme, la concentration des échéances de la dette intérieure est la principale vulnérabilité du portefeuille. Environ 49,2% de cette dette intérieure est à refinancer au cours des 3 prochaines années, c'est-à-dire avant l'échéance 2025. A moyen terme, le remboursement des échéances des obligations du Trésor pourraient également entrainer des pressions de refinancement ». En d'autre termes, la Côte d'Ivoire sous le régime du RHDP est entrain dans une spirale de la dette sans fin, une sorte de serpent de mer qui se mord la queue.

Le manque croissant de confiance du marché financier local (UEMOA) au gouvernement se manifeste également par la structure de la dette intérieure. En effet, 77,2% des souscripteurs optent pour les obligations de Trésor qui une maturité plus courte que les bons de Trésor. Cette attitude des acteurs du marché financiers local a pour conséquence d'accroître la pression de trésorerie sur les finances publiques. Cette pression s'exerce au détriment de la dette publique des fournisseurs. L'engagement pris par le gouvernement de payer les dettes fournisseurs dans un délai de 30 jours, après un premier délai de 90 jours est devenu une simple déclaration de bonnes intentions. Le gouvernement est incapable de déterminer avec exactitude le montant de la dette fournisseur. La situation est d'autant intenable pour les fournisseurs qu'ils crient hautement leur indignation et expriment leur souffrance. C'était au cours d'une conférence de presse tenue au plateau le 12 avril dernier.

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Avec toutes ces données, le PPA-CI ne peut pas partager l'enthousiasme du Chef de l'Etat. Surtout que certains critères clés de la viabilité d'une économie sont franchement au rouge si l'on s'en tient au pacte de convergence économique de l'UEMOA signée le 19 janvier 2015 à Cotonou. La pression fiscale reste structurelle faible, moins de 13%. Le déficit budgétaire est de 6% en 2022. L'inflation se situe autour de 5%. Mais dans une précédente tribune, nous avons relevé que le taux réel sur certains produits de première nécessaire était très élevé et que la moyenne pondérée qui sert la macroéconomie ne reflète pas la réalité quotidienne des Ivoiriens. Comment le Chef de l'Etat peut soutenir le contraire dans un contexte marqué, par exemple, par la mévente de l'anacarde, la principale source de revenus des paysans du nord de la Côte d'Ivoire. Fixé à 310 FCFA/KG, soit moins que le kilogramme de riz de grande consommation, le kg d'anacarde se négocie à 250 FCFA pour les plus chanceux et 200 pour les autres. Malgré ce prix dérisoire, les stocks impressionnants sont encore visibles dans les magasins de stockage à l'attente d'éventuels acheteur. Cette situation amenuise le pouvoir d'achat d'une frange importante de la population parmi la plus démunie, qui ne mange ni pain le matin, et se déplace à vélo et à pied. Donc qui ne se sent pas concernée par les différentes subventions sur le pain et le carburant, encore moins par un taux d'inflation moyen. Même en prenant ce taux, le Chef de l'Etat et son gouvernement affirment pouvoir réduire ce taux d'inflation à 2,5% à l'orée 2026 en comptant sur la cessation des facteurs extérieurs tels la guerre entre l'Ukraine et la Russie. Cette projection reste très peu probable si l'on s'en tient aux exigences du FMI dans son accord avec le gouvernement ivoirien. Le FMI exige du gouvernement un relèvement du taux de pression fiscale pour le porter au moins à 15%, ce qu'il était avant 2011. Pour y arriver, le FMI exige la suppression de certains avantages fiscaux, notamment les exonérations de TVA frappant certains produits ou certains services. Il exige également le relèvement du taux de TVA dont bénéficient certains produits, notamment de grande consommation. Si le FMI consent à reporter l'application de ces mesures après les effets des chocs induits par le contexte international, il n'en demeure pas moins, à terme, que ces mesures aient un impact inflationniste de même nature que ceux que l'on connait maintenant. Relever le taux de TVA qui frappent l'huile, les produits alimentaires et certains services et actes médicaux ne présagent nullement d'une diminution de l'inflation. Ici encore, le gouvernement va prendre l'unique tunique de Paul pour habiller Pierre.

La dégradation du ratio Dettes/PIB va s'accentuer du fait principalement de la mobilisation de l'ancienne dette et au montant du financement du nouveau programme économique évalué à 2.100 milliards de FCFA octroyés par le FMI.

D'ailleurs, les services du FMI ont affirmé dans leur rapport pour les consultations 2022 au titre de l'ARTICLE IV que le service de la restera élevé à moyen terme de 2022 à 2027.

Au regard de tout ce qui précède, le PPA-CI considère le discours d'autocélébration du Président de la République comme un discours de campagne et le satisfécit donné publiquement à certains ministres candidats aux prochaines élection, un coup de pouce électoral. Il en va de même pour les questions d'électricité.

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• 𝗠𝗮𝗻𝗶𝗽𝘂𝗹𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗽𝗿𝗼𝗽𝗮𝗴𝗮𝗻𝗱𝗶𝘀𝘁𝗲 𝗱𝗲 𝗰𝗲𝗿𝘁𝗮𝗶𝗻𝘀 𝗰𝗵𝗶𝗳𝗳𝗿𝗲𝘀 𝗮̀ 𝗱𝗲𝘀 𝗳𝗶𝗻𝘀 𝗲́𝗹𝗲𝗰𝘁𝗼𝗿𝗮𝗹𝗶𝘀𝘁𝗲𝘀.

Nous ne reviendrons plus sur la question du programme de logements sociaux. La question a été largement abordée au cours d'un précédent numéro de la Tribune. Le discours du Chef de l'Etat devant le Congrès n'a fait que confirmer les constats faits par le PPA-CI. C'est-à-dire un échec complet après le lancement tambour battant de son programme phare de Songon Kassemblé en 2013. Sur 75 000 logements prévus, le Chef de l'Etat se réjouit de la remise, 10 ans après, des clés à 8000 souscripteurs.

Nous ne revenons plus non plus sur l'échec de sa politique de sa politique sanitaire. Un précédent numéro (Tribune n° 12) en avait déjà suffisamment parlé. A titre d'exemple et pour rappel :

Le RASS édition 2021 établit les ratios suivants :

– Seulement 96 services d'imagerie pour tout le territoire national avec une grande concentration dans Abidjan. Soit ISI/334 148

– Seul 40% des districts sanitaires satisfont à la norme d'un médecin pour 10 000 habitants

– Un bloc opératoire pour 218624 hbts

– Un labo/110680 hbts

– Une ambulance/ 4 établissements sanitaires.

– L'un des taux de mortalité maternelle les plus élevés de la sous-région

Le système sanitaire ivoirien est tellement performant que le Chef de l'Etat évite les hôpitaux du pays qu'il gouverne, même pour les simples coups de fatigue. Pour finir sur ce point, le PPA-CI s'interroge sur le statut réel de l'hôpital mère-enfant de Bingerville. Le PPA-CI fait ici écho des interrogations de la majorité de nos compatriotes. En revanche sur le Fond Covid-19, beaucoup d'interrogations subsistent. Dans son rapport pour la gestion 2021, la Cour des Comptes a relevé des irrégularités graves liées à la gestion des fonds Covid-19. En effet, la Cour a relevé une gestion de fait puisque ces fonds, qui sont des fonds publics ont été géré en dehors des procédures de la Comptabilité publique. Aucun agent Comptable, les seuls habilités à manipuler les fonds publics, n'a été assigné à la gestion trésorière et comptable de ces fonds. Or, selon l'étude publiée par la Francophonie et rappelée ci-dessus, Ce sont 1700 milliards de FCFA de concours sous forme essentiellement de prêts à des taux concessionnels que la Côte d'Ivoire a reçus jusqu'n fin 2021. Ces concours sont venus aggravés le poids de la dette.

L'absence de comptable public dans la gestion encline le PPA-CI à s'interroger sur la transparence dans la gestion desdits fonds. Les interrogations du PPA-CI sont d'autant fondées que le rapport de la Cour de Contrôle établi au minima, révèle que 25 milliards de dépenses issues de ces fonds restent encore non justifiées. Beaucoup de personnes annoncées comme bénéficiaires de ces fonds continuent de crier leur indignation pour, disent-ils, n'avoir pas été effectivement payés. Un bras de fer est actuellement engagé entre le DG de Conseil Café-Cacao et un syndicat de planteurs pour une affaire de 17 milliards provenant de fonds Covid-19, qui ne leur auraient pas été payés par ledit Conseil. Au total, beaucoup de points d'ombres subsistent dans la gestion des énormes fonds recueillis par le gouvernement ivoirien, pour dit-on, lutter contre le Covid-19. Beaucoup d'observateurs avertis pensent que si ces fonds avaient été judicieusement gérés, ils auraient permis une amélioration substantielle de l'appareil sanitaire ivoirien. Dans la réalité, notre pays, à l'instar des autres pays africains, a trouvé dans la pandémie du Covid19, une opportunité de s'endetter facilement en sacrifiant pour le besoin de cette cause, une bonne partie de son appareil de production économique. Il s'est comporté comme l'Imam ou le pasteur ou le curé qui feint d'être estropié pour recevoir lui-aussi l'aumône d'un donateur généreux qui se déplace ce jour dans le lieu où il officie.

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Le dernier sujet du discours sur l'état de la nation du Président Ouattara sur lequel le PPA-CI se prononce est celui relatif à l'électrification. Le Chef de l'Etat dit avoir porté le nombre de localités électrifiés de 2847 localités en 2011 (33, 33%) à 5 859 localités en 2020 (80%).Avancer de façon absolue, ces chiffres cachent une bonne réalité de la question de l'électrification. En effet, trois critères déterminent l'électrification comprise comme service social de base.

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