Face à l'exclusion de Tidjane Thiam de la présidentielle, le PDCI a rassemblé des milliers de partisans à Abidjan. Le parti d'opposition promet d'intensifier sa mobilisation jusqu'au 20 juin.
« Ils pensaient qu'ils allaient nous avoir à l'usure… Ils vont constater que c'est maintenant que ça va commencer. » Cette déclaration du député Yohou Dia Houphouet Augustin résume l'état d'esprit qui régnait samedi lors du rassemblement du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) à Abidjan. Par milliers, les partisans du principal parti d'opposition se sont réunis pour protester contre l'exclusion de leur candidat Tidjane Thiam de la présidentielle prévue en octobre.
Cette mobilisation intervient après la décision d'un tribunal, rendue le 22 avril, qui a radié l'ancien banquier international des listes électorales au motif qu'il aurait perdu sa nationalité ivoirienne. Une situation qui s'ajoute à l'exclusion d'autres figures de l'opposition, dont l'ancien président Laurent Gbagbo, également écarté en raison de condamnations judiciaires.
Le PDCI déterminé à ne pas céder
« À partir d'aujourd'hui, on ne dort plus… de façon à ce que notre Titi soit sur la liste électorale », a lancé Emmou Sylvestre, Secrétaire exécutif du PDCI, devant la foule de partisans scandant « Titi, président ! ». Les responsables du parti ont annoncé un calendrier de mobilisation serré : rassemblement des jeunes dimanche au siège du parti à Cocody, suivi d'un meeting jeudi au Plateau, quartier des affaires et centre du pouvoir à Abidjan.
Le ton s'est considérablement durci chez les cadres du parti. « Fini la politique du salon, sortez ! », a exhorté Véronique Aka, présidente de l'Union des femmes PDCI rurale, appelant à une mobilisation plus visible et permanente. Un changement de stratégie notable pour ce parti historique, fondé par Félix Houphouët-Boigny, premier président de la Côte d'Ivoire indépendante.
Le contentieux de la nationalité
Au cœur de la controverse se trouve l'interprétation de l'article 48 du code de la nationalité ivoirien. Ce texte, datant des années 1960, stipule que l'acquisition d'une nationalité étrangère entraîne automatiquement la perte de la nationalité ivoirienne. Tidjane Thiam, né en Côte d'Ivoire, avait obtenu la nationalité française en 1987 avant d'y renoncer en mars dernier pour se conformer à la législation électorale qui interdit les candidatures de binationaux.
« Le PDCI clame haut et fort que le président Tidjane Thiam est ivoirien et sa nationalité ne souffre d'aucune contestation », a martelé Noël Akossi Bendjo, vice-président du parti, s'exprimant au nom du candidat actuellement en France. Il a réaffirmé sans ambiguïté que « le président Tidjane Thiam est l'unique candidat du PDCI à l'élection présidentielle » et qu'il n'existe « aucun autre plan ».
Une opposition qui se fédère
Cette mobilisation du PDCI s'inscrit dans un mouvement plus large de contestation du pouvoir en place. Fin avril, l'ancien président Laurent Gbagbo lançait le mot d'ordre « Trop, c'est trop », dénonçant un pays divisé entre « opprimés » et « privilégiés ». Son parti a déjà averti qu'il pourrait passer à « un nouveau palier dans la lutte » à la mi-juin.
L'ancien Premier ministre Guillaume Soro, également exclu de la course présidentielle et vivant en exil, a pour sa part dénoncé dans une vidéo du 1er mai une « dérive autoritaire assumée ». Il accuse les autorités d'avoir « choisi l'injustice comme méthode, l'arbitraire comme politique, la peur comme stratégie ».
La publication de la liste électorale définitive, attendue pour le 20 juin, représente l'échéance immédiate sur laquelle se concentre le PDCI. D'ici là, le parti entend maintenir une pression constante sur les autorités. « Ayons le courage, armons-nous de courage et de détermination pour faire reculer cette injustice flagrante dans notre pays, cette tyrannie et la peur », a exhorté Noël Akossi Bendjo, appelant à un « sursaut national ».
Pour les militants présents samedi, l'exclusion de Thiam représente plus qu'une simple manœuvre politique. « Thiam peut aider la Côte d'Ivoire. Il a des idées novatrices. Donc l'empêcher d'être candidat à la présidentielle est une injustice qu'on ne peut pas accepter », a confié Kouassi Adou, chauffeur de 50 ans venu manifester son soutien.
Face à cette montée des tensions, le président Alassane Ouattara, 83 ans, au pouvoir depuis 2011, garde le silence sur ses intentions électorales, bien qu'il se soit déjà dit « désireux de continuer à servir son pays ». Une situation qui n'apaise pas les craintes de l'opposition quant à un éventuel troisième mandat consécutif du chef de l'État.
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