Le député Assalé Tiémoko révèle un système de fraude foncière à Djorogobité-2 impliquant des responsables du ministère de la Construction et des documents officiels falsifiés.
La fraude foncière prend une dimension institutionnelle dans l'affaire de Djorogobité-2. Le député et responsable du journal « L'Éléphant Déchaîné », Assalé Tiémoko Antoine, vient de publier les résultats d'une enquête mettant en cause directement des cadres du ministère de la Construction. Ses révélations documentées pointent l'existence d'un système organisé d'appropriation frauduleuse de terrains au détriment des propriétaires légitimes.
L'enquête concerne précisément le lotissement de Bessikoi, zone particulièrement convoitée de la périphérie abidjanaise. Les mécanismes identifiés reposent sur l'utilisation de matériel officiel détourné et la production de faux documents administratifs, avec la complicité présumée de hauts responsables ministériels.
Le détournement des stickers de sécurité
L'élément central du dispositif frauduleux repose sur l'utilisation illicite des stickers officiels du ministère. Ces éléments de sécurité, initialement conçus pour authentifier les guides villageois légitimes, ont été détournés de leur usage. « Dans l'affaire de Djorogobité-2, on sait aujourd'hui que le stock résiduel des stickers fabriqués à l'initiative du ministère de la Construction à l'effet de sécuriser les guides du village de Djorogobité-2 sur le lotissement de Bessikoi, a contribué à authentifier frauduleusement des guides parallèles », explique le député.
La disparition de ces stickers a été signalée en interne. « Le sous-directeur du domaine urbain à cette époque, le nommé Yapi Roger, en 2023, avait informé le Directeur du Domaine Urbain, Diallo Abdoulaye, de ce que son bureau aurait été cambriolé et que le stock résiduel des stickers aurait été volé », précise Assalé Tiémoko. Mais l'absence de réaction officielle soulève des questions : « On sait enfin que le ministère de la Construction n'a pris aucune disposition interne pour retrouver ces stickers prétendument volés ni informé la police de ce vol ».
Ces stickers ont ensuite servi à légitimer des guides villageois parallèles, permettant la délivrance d'Attestations de Concession Définitive (ACD) à des personnes n'apparaissant ni dans les registres officiels de Djorogobité-2, ni dans leurs copies détenues par le ministère.
Un cas emblématique de falsification
L'enquête du député s'appuie sur le cas concret de M. D. Goué Jean, propriétaire légitime du lot N°2899 de l'îlot 265. Cette parcelle fait partie des 1272 lots identifiés en 2018 par le Directeur des Affaires Juridiques et du Contentieux comme étant « sans acte administratif ni titre foncier ».
Une procédure judiciaire de vérification (ordonnance de compulsoire N°4569/2021) a confirmé que tant dans le guide du village que dans son double ministériel, le terrain était bien attribué à M. Goué Jean. Pourtant, une attestation domaniale avait été délivrée en 2015 à un certain Gilbert Francis.
L'expertise graphologique a formellement conclu à la falsification : « L'Attestation domaniale datée du 18 juin 2015 est fausse ». Plus troublant encore, le procès-verbal de morcellement ayant permis la création d'un titre foncier sur cette base frauduleuse porte la signature de Diallo Abdoulaye, alors responsable du cadastre de Cocody et aujourd'hui Directeur du Domaine Urbain.
Des pratiques contradictoires et suspectes
L'enquête révèle une incohérence administrative significative. En février 2022, le même Diallo Abdoulaye a délivré une seconde attestation domaniale sur cette parcelle au profit du propriétaire légitime, M. Goué Jean, tout en sachant que cette démarche était impossible tant que le premier titre frauduleux n'était pas annulé.
Sans surprise, cette seconde attestation a été rejetée par le cadastre pour « double emploi ». Cette manœuvre apparaît comme une tentative de dissimulation de la première fraude, tout en donnant l'illusion d'une action en faveur du propriétaire légitime.
Face à ces accusations précises, l'absence de réponse des autorités ministérielles est notable. « Interrogé par ‘L'Éléphant Déchaîné' sur toutes ces pratiques illégales, Diallo Abdoulaye, depuis le 17 février 2025, n'a pas trouvé le temps de répondre à nos questions », souligne le député.
La victime de cette manipulation administrative complexe, M. Goué Jean, a saisi le parquet d'une plainte pour « faux et usage de faux » ayant conduit à son expropriation. Cette affaire pourrait n'être que la partie émergée d'un système plus large de détournement foncier institutionnalisé, concernant potentiellement des centaines de parcelles dans la région.
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