À Abidjan, des milliers de militants du PDCI ont manifesté contre l'exclusion de Tidjane Thiam de la présidentielle. L'opposition ivoirienne durcit sa position à cinq mois du scrutin.
Des milliers de partisans du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) se sont rassemblés samedi à Abidjan pour dénoncer l'éviction de Tidjane Thiam de la course présidentielle. Une mobilisation d'envergure qui marque un tournant dans la stratégie du parti, désormais résolu à descendre dans la rue pour contester la décision de justice du 22 avril ayant radié son candidat des listes électorales.
Le rassemblement, le plus important organisé par le PDCI depuis l'annonce de cette exclusion, intervient dans un contexte électoral tendu. À cinq mois du scrutin présidentiel, les principales figures de l'opposition ivoirienne se retrouvent écartées de la compétition, dont l'ancien président Laurent Gbagbo, également exclu en raison de condamnations judiciaires antérieures.
[Une opposition qui durcit le ton]
« Ayons le courage, armons-nous de courage et de détermination pour faire reculer cette injustice flagrante dans notre pays, cette tyrannie et la peur », a déclaré Noël Akossi Bendjo, vice-président du PDCI, s'exprimant au nom de Tidjane Thiam. L'ancien banquier international de 62 ans, actuellement en France, reste le candidat unique du parti selon ses dirigeants.
Le ton se durcit considérablement chez les cadres du parti. « Ils pensaient qu'ils allaient nous avoir à l'usure… Ils vont constater que c'est maintenant que ça va commencer », a affirmé le député Yohou Dia Houphouet Augustin, s'adressant aux militants. Une escalade verbale accompagnée d'un calendrier d'actions concrètes, avec un rassemblement des jeunes du PDCI prévu dimanche au siège du parti et un meeting programmé jeudi au Plateau, quartier névralgique d'Abidjan.
[Le contentieux de la nationalité]
Le différend juridique au cœur de cette crise porte sur la nationalité de Tidjane Thiam. Né en Côte d'Ivoire, l'ancien directeur général du Crédit Suisse a obtenu la nationalité française en 1987, avant d'y renoncer en mars 2024 pour se conformer aux exigences électorales ivoiriennes interdisant les candidatures de binationaux.
Mais les autorités judiciaires ont invoqué l'article 48 du code de la nationalité, datant des années 1960, qui stipule que l'acquisition d'une autre nationalité entraîne automatiquement la perte de la nationalité ivoirienne. « Le président Tidjane Thiam est ivoirien et sa nationalité ne souffre d'aucune contestation », a maintenu fermement le vice-président du PDCI face à la foule scandant « Titi, président ! ».
Un front d'opposition qui se consolide
Cette mobilisation s'inscrit dans un contexte plus large de contestation politique. L'ancien président Laurent Gbagbo a récemment lancé le mot d'ordre « Trop, c'est trop », dénonçant un pays divisé entre « opprimés » et « privilégiés ». Son parti a déjà prévenu qu'il pourrait intensifier ses actions dans les semaines à venir.
Guillaume Soro, ancien Premier ministre vivant en exil et également écarté de la course présidentielle, a pour sa part critiqué une « dérive autoritaire assumée » dans une vidéo diffusée le 1er mai. Il accuse le pouvoir d'avoir « choisi l'injustice comme méthode, l'arbitraire comme politique, la peur comme stratégie ».
Face à cette montée des tensions, le président Alassane Ouattara, 83 ans, au pouvoir depuis 2011, garde le silence sur une éventuelle candidature, bien qu'il ait déjà exprimé son désir de « continuer à servir son pays ». La publication de la liste électorale définitive, attendue pour le 20 juin, constituera un moment décisif dans cette séquence politique ivoirienne de plus en plus tendue.
Pour les partisans du PDCI présents au rassemblement, l'enjeu dépasse la simple candidature. « Thiam peut aider la Côte d'Ivoire. Il a des idées novatrices. Donc l'empêcher d'être candidat à la présidentielle est une injustice qu'on ne peut pas accepter », a confié Kouassi Adou, un chauffeur de 50 ans venu manifester son soutien.
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