La CAP-Côte d'Ivoire a dénoncé ce 5 mai 2025 de graves irrégularités dans la liste électorale provisoire distribuée en mars 2025 et réclame un audit avant la présidentielle.
Liste électorale défaillante et processus d'enregistrement incomplet. Telles sont les accusations portées par la Coalition pour l'Alternance Pacifique en Côte d'Ivoire (CAP-CI) contre la Commission électorale indépendante (CEI). Lors d'une conférence de presse tenue lundi à Abidjan, Simone Ehivet Gbagbo, porte-parole de la coalition, a présenté une analyse détaillée de la liste électorale provisoire distribuée le 17 mars 2025, révélant selon elle de nombreuses anomalies qui entachent la crédibilité du processus électoral à cinq mois de la présidentielle.
Cette liste, établie à l'issue de la révision des listes électorales (RLE) menée d'octobre à novembre 2024, comporterait « plus de six millions d'électeurs inscrits en violation flagrante de l'article 7 du code électoral ». La coalition réclame un audit complet et une nouvelle opération d'enregistrement en 2025 pour permettre aux nouveaux majeurs et aux personnes récemment en possession de leurs documents d'identité de s'inscrire sur les listes.
Des anomalies multiples
L'examen de la liste électorale provisoire par les représentants de l'opposition a révélé, selon eux, des irrégularités préoccupantes. La CAP-CI a énuméré plusieurs catégories d'anomalies : « des électeurs plus âgés que leurs géniteurs », « des électeurs qui n'ont pas de lieu de naissance », « des électeurs dont le lieu de naissance du père est inconnu », « des électeurs dont le lieu de naissance de la mère est inconnu » et « des électeurs mineurs au moment de leur enrôlement ».
La coalition a également dénoncé des « migrations sauvages d'électeurs d'une commune à l'autre sans leur consentement », ainsi que la présence de « nombreux morts figurant encore sur le fichier électoral ». Ces irrégularités suggèrent, selon l'opposition, des manipulations délibérées visant à fausser les résultats du scrutin présidentiel prévu en octobre 2025. « Malgré les appels de l'opposition pour faire le point sur ce qui précède et pour faire auditer cette liste, le Gouvernement RHDP et la CEI ont refusé d'entendre raison », a affirmé Simone Ehivet Gbagbo.
Une révision des listes électorales insuffisante
La CAP-CI critique également le bilan de la révision des listes électorales menée en 2024. Initialement programmée du 19 octobre au 10 novembre 2024, l'opération avait été prolongée d'une semaine, jusqu'au 17 novembre, en raison du faible taux de participation. Malgré cette prolongation, les résultats sont restés bien en deçà des objectifs fixés.
« L'objectif de l'opération était d'enregistrer 4,5 millions de requérants. La CEI elle-même a annoncé qu'elle a recensé 769 747 nouveaux électeurs », a souligné la porte-parole de la coalition. Un chiffre jugé insuffisant par l'opposition, qui pointe la nécessité d'organiser une nouvelle révision en 2025 pour permettre à tous les citoyens en âge de voter de participer au scrutin présidentiel. « Les nouveaux majeurs et les personnes qui ont pu se faire délivrer des documents en vue de se faire inscrire sur la liste électorale sont donc exclus du processus électoral », a-t-elle déploré.
Une Commission électorale contestée
Les critiques sur la liste électorale s'accompagnent d'une remise en cause plus globale de la légitimité de la Commission électorale indépendante. La récente suspension des représentants de trois partis d'opposition (PPA-CI, PDCI-RDA et FPI) des activités de la CEI a renforcé la défiance de l'opposition envers cette institution.
« Avec la suspension des activités de la CEI de ces trois partis d'opposition, la Commission centrale de la CEI est entièrement contrôlée par le parti au pouvoir », a déclaré Simone Ehivet Gbagbo. La coalition a également pointé le déséquilibre au niveau local, affirmant que « sur 630 commissions électorales locales, 610 sont présidées par des militants du RHDP, parti au pouvoir ». Cette situation conduit l'opposition à considérer que « cette CEI n'a plus de fondement légal et ne peut donc plus organiser d'élection légale ».
Face à ces constats, la CAP-Côte d'Ivoire formule plusieurs exigences pour rétablir la confiance dans le processus électoral. En premier lieu, elle demande « l'organisation de la RLE en 2025 conformément aux dispositions du code électoral » afin de permettre l'inscription de tous les citoyens en âge de voter. Elle réclame également « la dissolution de la CEI et la mise en place d'un autre organe véritablement indépendant capable d'organiser des élections crédibles sans la présence de représentants des partis politiques ».
L'audit de la liste électorale figure également parmi les revendications prioritaires de la coalition. Cette opération permettrait, selon l'opposition, d'identifier et de corriger les nombreuses anomalies constatées dans la liste provisoire. La CAP-CI exige par ailleurs la réintégration de plusieurs personnalités de l'opposition sur la liste électorale, dont l'ancien président Laurent Gbagbo et l'ex-Premier ministre Guillaume Soro.
Les controverses autour de la liste électorale s'inscrivent dans un contexte plus large de tensions socio-politiques que l'opposition juge préoccupant. « L'environnement socio-politique s'est fortement dégradé à l'occasion de la révision de la liste électorale en 2025 et il est à craindre qu'il se dégrade encore plus, au cours de la mise en œuvre des différentes phases du processus électoral et à l'approche des élections d'octobre 2025 », a averti Simone Ehivet Gbagbo.
La coalition rappelle que les précédentes élections présidentielles ont été marquées par des violences meurtrières, avec 30 morts en 1995, 300 en 2000, 3 000 en 2010 et 87 en 2020. Pour éviter que ce cycle ne se reproduise, la CAP-CI appelle à l'ouverture d'un dialogue politique et annonce plusieurs actions dans les prochaines semaines, dont un grand meeting prévu le 31 mai à Abidjan.
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