Dans un entretien à TV5MONDE le 5 mai 2025, Mamadou Touré, ministre ivoirien, rejette l'instrumentalisation de la justice contre Thiam à cinq mois de la présidentielle.
Élection présidentielle en Côte d'Ivoire : l'exclusion de Tidjane Thiam continue d'alimenter la tension politique. Après le rassemblement de plusieurs milliers de personnes samedi dernier à Abidjan en soutien au chef du PDCI-RDA, écarté de la course présidentielle par une décision judiciaire concernant sa nationalité, le gouvernement monte au créneau. Interrogé sur TV5MONDE le 5 mai, Mamadou Touré, ministre de la Jeunesse et porte-parole adjoint du gouvernement, fustige l'attitude de Tidjane Thiam face à cette décision.
L'attaque est frontale et sans détour. Le ministre révèle que le chef de l'opposition aurait qualifié la loi sur la nationalité de « loi sombre », une déclaration que Mamadou Touré juge inadmissible : « Il a traité, et je trouve ça choquant, la loi sur la nationalité de notre pays de loi sombre. Je veux rappeler que c'est son grand-oncle, Félix Houphouët-Boigny, et les pères fondateurs qui ont instauré cette loi. Et c'est cette loi qui a permis à son père, Amadou Thiam, de devenir ivoirien, d'être naturalisé. »
Une loi de 1961, pas une manœuvre politique
Face aux accusations d'instrumentalisation de la justice pour écarter un adversaire politique gênant, Mamadou Touré répond avec ironie : « Le pouvoir aurait anticipé en 1961 que M. Tidjane Thiam, qui n'était pas encore né, serait candidat en 2025. »
Le ministre rappelle l'ancienneté de la législation en question : « La loi aujourd'hui qui fait obstacle à l'ambition de Tidjane Thiam est une loi qui a été adoptée en 1961, quand notre pays obtenait nouvellement son indépendance. » Sans commenter directement la décision de justice, il insiste sur le fait que « cette loi est antérieure à la naissance de Tidjane Thiam. »
La conclusion du ministre est particulièrement sévère : « Lorsqu'on aspire à gérer un pays, lorsqu'on aspire à gouverner un pays, on n'insulte pas les lois de son pays. » Une critique qui remet en question non seulement l'éligibilité de Tidjane Thiam, mais également sa légitimité à se présenter comme un candidat crédible à la présidence ivoirienne.
Un rassemblement minimisé par le pouvoir
Interrogé sur la mobilisation en soutien à Tidjane Thiam, Mamadou Touré reconnaît que « ce week-end, le PDCI a organisé des activités, des meetings un peu partout », mais il minimise immédiatement l'ampleur de cette mobilisation en ajoutant « même s'il n'y a pas eu de très grande mobilisation. »
Le ministre rappelle toutefois que « la Côte d'Ivoire est un État démocratique où les partis politiques exercent librement leurs activités » et que ces manifestations « n'ont pas été empêchées », preuve selon lui que « la liberté est une réalité dans notre pays. »
Cette position s'inscrit dans une stratégie plus large visant à présenter l'opposition comme une force politique désorganisée et peu représentative, incapable de proposer une alternative crédible au pouvoir actuel et qui, selon le ministre, « réchigne à aller au combat politique » et « a peur de la compétition. »
Le Sénégal cité en exemple de maturité démocratique
Pour étayer sa critique de l'opposition ivoirienne, et notamment de Tidjane Thiam, Mamadou Touré établit un parallèle avec le Sénégal, qu'il présente comme un modèle de maturité démocratique. « Les Sénégalais ont toujours eu la maturité démocratique. Ils dénoncent, oui, mais quand les institutions ont pris une décision, ils trouvent le mécanisme interne pour pouvoir donc pousser leurs idées et créer l'alternance », explique-t-il.
Le ministre évoque notamment l'exemple d'Ousmane Sonko qui, face à son inéligibilité, « n'a pas mis le Sénégal à feu et à sang » mais a soutenu son numéro deux, Bassirou Diomaye Faye, aujourd'hui président de la République.
La comparaison est sans appel : « En Côte d'Ivoire, on a tout, sauf des démocrates. Vous avez en Côte d'Ivoire des putschistes, vous avez en Côte d'Ivoire des personnes qui ne respectent pas les règles démocratiques et qui rêvent aujourd'hui à ce qu'on n'ait pas des élections dans les délais constitutionnels. »
Rejet ferme de tout dialogue politique
À l'approche du rassemblement prévu le 31 mai par la Coalition pour l'alternance pacifique, qui regroupe une vingtaine de partis d'opposition, Mamadou Touré rejette catégoriquement l'idée d'un dialogue politique. « Nous avons dialogué en 2021 et tous les points qui font l'objet des revendications de l'opposition ont été passés au peigne fin », affirme-t-il.
Le ministre rappelle qu'à l'issue du dialogue de 2021, un consensus avait été trouvé sur la Commission électorale indépendante (CEI), notamment en permettant au PDCI d'obtenir un représentant. « D'où vient-il que cette opposition avec qui nous avons eu un consensus sur la Commission électorale indépendante vienne remettre en cause aujourd'hui ce choix ? », s'interroge-t-il.
Pour le porte-parole du gouvernement, la demande de dialogue cache une stratégie visant à reporter les élections : « Le dialogue s'entend par un cadre d'échange pour remettre en cause les acquis démocratiques et ne pas organiser les élections dans le temps imparti, c'est ce qu'ils veulent en réalité. »
Sa conclusion résonne comme un avertissement : « On ne l'a pas accepté en 2020, on ne l'acceptera pas en 2025. »
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