« Le gagnant dans cette décision, c’est Ouattara et le 1er perdant, c’est surement Soro »

5 mars, en annonçant qu'il ne briguera pas un 3ème mandat, Ouattara rentre dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. Décryptage de cette sortie par Omar Sanson.

C'est probablement la phrase la plus inespérée du monde politique ivoirien. Inespérée, parce qu'en Cote d'Ivoire, c'est l'anormale qui est la norme. C'est quand le point majeur du texte est foulé au pied à travers des manigances qui est juste. Qui a oublié que malgré un cancer de la prostate en phase terminale le premier président n'a jamais quitté le pouvoir, il n'a jamais accepté d'en léguer un échantillon à un successeur ? la constitution du 8 décembre 1994 en son article 49 avait été taillée spécialement pour que Bédié n'ait plus de concurrent de poids… Mais ce 5 mars, en annonçant qu'il ne briguera pas un troisième mandat, Ouattara rentre dans l'histoire en s'accommodant avec la norme. Même Ouattara se croit éligible avec le nouveau texte, pourtant, il ne l'est pas et nous mettons au défi tous les juristes de nous prouver le contraire.

C'est donc une retraite dorée qui s'annoncerait pour le pompier d'Houphouët. Pompier parce que le 3 février 1990, M. Koumoué Koffi apparaitra sur les antennes de la télévision nationale pour annoncer la réduction des salaires. Réduction allant de 10 à 44%. Houphouët savait pertinemment que la pilule serait impossible à avaler pour les . Il était tellement embêté qu'il avait planifié son départ du pouvoir selon Robert Minangoy (dans le journal le monde du 13 avril 1990). C'était sans compter avec sa dernière cartouche. Le 7 novembre 1990, il nomme Ouattara premier ministre. Première rencontre : « il n'y aura pas de réduction de salaire » dixit Ouattara. Le vieux aurait douté. Selon Abdou Touré, Ouattara répètera sa phrase « il n'y aura pas de réduction de salaire ». S'ensuivront alors les mesures d'ajustement structurels avec son corollaire de décisions d'assainissement économique sans état d'âme.

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Malheureusement la succession du vieux est proche (…) dans leur volonté de barrer la route à Ouattara, les propos tenus par ses adversaires successifs résonneront dans l'âme d'une partie des ivoiriens comme une insulte, ivoiriens à part entière contre ivoiriens entièrement à part. La cerise sur le gâteau sera le bout de phrase de Faustin Kouamé : « peut fournir un certificat de nationalité chaque jour, il ne sera jamais ivoirien » dans les Années Terribles 1999 à 2000 page 272. C'est alors que les dioulas subissant une série d'exactions se diront alors qu'au-delà de Ouattara, c'est à eux que le bout de phrase s'adressait la suite on la connait : arrestation de l'état-major du , coup d'état de 99, Robert Guei qui se mélangera les jambes dans deux des sept conjonctions, le charnier de Yop, le 19 septembre, la rébellion, la fameuse rencontre dans une chambre d'hôtel de Pretoria le 6 avril 2005. M'béki réussit à arracher à Gbagbo une candidature de Ouattara. La contrepartie ne sera jamais publiée car elle propose qu'on fasse croire aux ivoiriens qu'il y'aura une élection en 2005 or en réalité, il s'agit de laisser Gbagbo continuer jusqu'en 2010, avec possibilité pour lui de se présenter. Pour Bédié, avec l'âge avancé il faut sauter le verrou. C'est d'ailleurs pour cette raison que répondant aux journalistes après la signature de l'accord, Bédié dira « nous avons signé un accord acceptable pour tous ». Surviendra alors la victoire de Ouattara en 2010, la crise postélectorale et dix ans de règne…

Les perdants de cette décision

Le premier perdant, c'est surement . Il se raconte dans certains milieux qu'il savait que pour des raisons médicales, Ouattara ne devait pas se présenter. Il a confondu le verbe devoir et vouloir. Il a cru qu'à tous les coups Ouattara voulait se présenter (j'ai d'ailleurs longtemps raisonné comme lui). Il a donc cru bon se désolidariser avec la vieille garde et même se mettre dos à dos avec Ouattara. Avec la situation actuelle où Ouattara est obligé de s'accrocher à un dauphin pas trop « apprécié », Soro se serait « assagi » le RDR serait allé le cherché à Ferké.

Le second perdant, c'est Bédié, victime de sa rancune tenace, l'homme a encore décembre 99 amer dans la gorge tel un comprimé de Flavoquine récalcitrant. A 86 ans, il aurait été à l'aise avec un concurrent vieux comme ADO. Hélas, il risque de reculer s'il se retrouve face à une candidate indépendante de 40 ans.

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Le troisième perdant, ce sont certains politiciens, Collaborateurs à la panse incroyablement profonde. Habitués à certaines largesses du pouvoir, ils avaient fait d'un troisième mandat, l'opportunité de continuer à se vautrer et préparer l'avenir de leurs descendants sur la 6ème génération. Hélas….

Le perdant suivant, pourrait être le successeur de Ouattara. Tous les objectifs n'ont pas été atteints, surtout au niveau de la réconciliation, de la redistribution des richesses, des logements sociaux, des structures scolaires digne d'un pays tendant vers l'émergence. Cependant, il faut avoir la conscience minée par le nouveau virus pour ne pas se rendre compte que les traitements salariaux ont pleinement changés, les infrastructures économiques sont apparentes, les disparités régionales … Mais quel successeur pour faire mieux ? nous ne doutons pas des technocrates à venir Ouattara a mis la barre haut. Le successeur aura du pain…

Le dernier perdant, c'est nous autre. J'avais en effet parié qu'il serait candidat à tous les coups, sauf raison médicale. Voilà qu'il surprend le monde. Il avait promis que la Cote d'Ivoire surprendrait le monde. C'est lui-même qui devient l'objet de la surprise.

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Le gagnant dans cette décision, c'est Ouattara. De mémoire d'ivoiriens nous n'avons jamais eu un président qui a autant réussi à « mater dans l'œuf » les tentatives de déstabilisation. C'est à cette tâche qu'on reconnait un homme d'Etat. Alors que certains ex-présidents affirmaient connaitre ceux qui voulaient « mettre le sable dans leur attiéké », Ouattara n'a jamais donné l'opportunité aux déstabilisateurs de se procurer une bouture de manioc, à plus forte raison en planter pour récolter et en faire de l'attiéké.

Les seconds gagnants, ce sont les ivoiriens qui enfin verront un ancien président faire la passe à un successeur dans les règles de l'art…

Les gagnants, se sont aussi les opposants, surtout les jeunes. Avec le départ de Ouattara, 2020 sera ouvert, et moins influencé, surtout que la probabilité pour que les colombes et les Phoenix, issus des cendres de la case seront nombreux. L'impopularité de Gon n'est un secret pour personne. Il suffira d'avoir 4 récalcitrants issus du et une symbiose de l'opposition pour que quelque chose se produise en 2020.

En conclusion, il faut rester vigilant. Tout est possible en politique. Nous ne doutons de personne. Ouattara a fait son affirmation. Que rien de spécial ne se produise donc avant octobre.

Written by Omar Sanson

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