Jean Bonin conteste publiquement l'interprétation officielle sur la nationalité de Tidjane Thiam, estimant que le président du PDCI se trouve dans une situation d'apatridie.
La controverse sur la nationalité de Tidjane Thiam s'enrichit d'un nouvel épisode. Jean Bonin, juriste ivoirien, vient de publier une analyse critique de la position défendue par le Directeur des Affaires Civiles et Pénales (DACP) lors de sa conférence du 28 avril 2025. Le haut fonctionnaire y affirmait que l'ancien dirigeant du Crédit Suisse avait retrouvé automatiquement sa nationalité ivoirienne après sa renonciation à la nationalité française.
Pour le juriste, cette interprétation ne tient pas la route d'un point de vue strictement légal. « Je ne suis absolument pas d'accord avec votre raisonnement juridique car il ne repose sur aucun fondement juridique, légal ou jurisprudentiel », écrit Bonin dans son analyse. Il pointe notamment les concepts de « nationalité en hibernation » et de « nationalité en dormance » qu'il considère comme des inventions sans base légale.
Une interprétation contestée de la loi
L'argumentaire de Jean Bonin repose d'abord sur une lecture littérale de l'article 48-1 du Code de la nationalité ivoirienne. Cette disposition prévoit que « perd la nationalité ivoirienne, l'ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère, ou qui déclare reconnaître une telle nationalité ». Pour le juriste, le terme « perd » est sans ambiguïté.
« À aucun moment il n'y est fait référence à une quelconque suspension temporaire de la nationalité ivoirienne. Il y est question d'une perte », souligne-t-il. Bonin procède ensuite à une analyse comparative avec le droit français, dont le code de la nationalité a inspiré celui de la Côte d'Ivoire. Il rappelle qu'en France, « la réintégration dans la nationalité française des personnes qui établissent avoir possédé la qualité de Français résulte d'un décret ou d'une déclaration » et n'est jamais automatique.
Le rejet du parallélisme des formes
Le juriste s'attaque également à l'argument du « parallélisme des formes » avancé par le DACP. Ce principe juridique veut que l'acte juridique soit accompli selon les mêmes formes que celles requises pour son adoption. Mais selon Bonin, il est incorrectement appliqué dans le cas de Thiam.
« Dans un cas, il y a un acte positif d'acquisition par un ivoirien d'une nationalité étrangère qui lui a fait perdre sa nationalité ivoirienne. Dans l'autre cas, il s'agit non pas d'un ivoirien, mais d'un français qui renonce à sa nationalité française », explique-t-il. Pour lui, la renonciation à la nationalité française ne devrait pas automatiquement réactiver une nationalité ivoirienne perdue depuis 1987. Il qualifie cette interprétation de « fakirisme ou de contorsionnisme juridique ».
Jean Bonin appuie son analyse sur des faits concrets. Il rappelle que le PDCI a introduit une demande de certificat de nationalité ivoirienne pour Thiam après sa renonciation à la nationalité française, demande qui a été rejetée par la justice. « Si comme le proclame le DACP, M. Thiam avait retrouvé automatiquement sa nationalité ivoirienne pourquoi alors lui avoir refusé ce certificat de nationalité ? », interroge-t-il.
Pour le juriste, la situation est claire : « d'un strict point de vue de la science juridique, M. Thiam est bel et bien apatride ». Il considère toutefois que cette situation n'est pas imputable aux autorités ivoiriennes mais aux autorités françaises qui ont accepté sa renonciation sans s'assurer qu'il ne deviendrait pas apatride. Bonin suggère finalement une révision de la législation : « une abrogation pure et simple de l'article 48-1 querellé du Code de la nationalité s'impose pour éviter ce type de contorsions juridiques ».
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