Selon Ferro Bally, le gouvernement ivoirien change sa position sur la nationalité de Tidjane Thiam. Le magistrat Augustin Kouamé Yao affirme que le président du PDCI possède sa citoyenneté.
Tidjane Thiam retrouve sa nationalité ivoirienne « automatiquement ». C'est ce que révèle une enquête du journaliste ivoirien Ferro Bally publiée cette semaine. Selon ses informations, le ministère de la Justice, par la voix d'Augustin Kouamé Yao, directeur des Affaires civiles et pénales, a déclaré lundi 28 avril que le président du PDCI-RDA n'a « jamais été apatride ».
Ce revirement intervient quelques jours après la visite privée du président ivoirien à Paris, débutée le 26 avril 2025. D'après Ferro Bally, cette affaire « fait des vagues » et a conduit à la mission urgente du magistrat Kouamé Yao, décrit comme un « pompier » envoyé pour « circonscrire l'incendie judiciaire et rassurer les chancelleries occidentales ».
La nouvelle position officielle
« M. Tidjane Thiam n'a jamais été apatride et n'est pas apatride parce qu'il est indiscutablement Ivoirien par affiliation », a déclaré le directeur des Affaires civiles et pénales, cité par Ferro Bally. Cette affirmation marque un tournant dans la gestion de ce dossier sensible par les autorités ivoiriennes.
Le magistrat a ajouté que « par sa libération de son allégeance à un pays étranger, M. Thiam, qui était Ivoirien par sa naissance par le droit du sang, retrouve automatiquement la nationalité ivoirienne qu'il avait volontairement mise en hibernation, en dormance ». Une interprétation qui s'oppose aux positions juridiques antérieures de l'État.
Les contradictions juridiques relevées
Ferro Bally souligne dans son enquête ce qu'il qualifie de « retropédalage » des autorités. Le journaliste rappelle que le 10 avril 2025, le tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau avait ordonné la suspension de la délivrance du certificat de nationalité ivoirienne à Thiam, au motif que sa nationalité « est contestée devant le tribunal ».
Le 19 mars 2025, Thiam avait renoncé à sa nationalité française. Selon l'analyse de Ferro Bally, il se retrouvait alors « paria et apatride » en attendant une décision définitive sur sa nationalité ivoirienne. Une situation qui semble aujourd'hui résolue par la déclaration du magistrat Kouamé Yao.
L'enquête de Ferro Bally qualifie cette affaire de « feuilleton judiciaire » et de « casse-tête ivoirien ». Le journaliste rappelle que Thiam, citoyen ivoirien depuis 2022, disposait d'un passeport ivoirien et était régulièrement inscrit sur la liste électorale.
« Il a suffi de ses ambitions présidentielles pour mettre l'État en branle », écrit Ferro Bally, pointant la dimension politique de ce dossier. La naturalisation française de Thiam en mars 1987 a été utilisée contre lui « au mépris de sa binationalité (ivoiro-française) subie qu'il revendique de ses parents », analyse le journaliste.
Ferro Bally met également en lumière les contradictions au sein même du parti au pouvoir. Il cite le directeur des Affaires civiles et pénales qui affirme qu'il « n'est pas besoin d'un décret parce que la perte [de nationalité] est automatique ».
Cette position est contredite par le ministre-gouverneur Cissé Ibrahim Bacongo, secrétaire exécutif du RHDP, qui écrit dans son livre « Et si c'était à refaire… Chroniques d'un parcours » que « le Code de la nationalité ivoirienne organise la preuve de la renonciation. Celle-ci est constituée par un décret gouvernemental, quel que soit le cas de renonciation invoqué ». Un désaccord qui illustre la complexité de ce dossier tant juridique que politique.
A LIRE AUSSI
- Enrôlement à Bingerville : les apatrides reçoivent une faveur du Sous-préfet
- Dialogue politique ivoirien : Bally Ferro se prononce, « l'Opposition a rendu les armes »
- Ferro Bally à propos du nouveau gouvernement de Patrick Achi: « Ouattara a gardé ses « indéboulonnables » dinosaures et son cercle familial »
- 2025, avec ou sans Laurent Gbagbo ?
- Présidentielle ivoirienne 2025 : Ferro Bally analyse le jeu politique de Ouattara