Le congrès du FPI à Yamoussoukro le 8 novembre 2024 a marqué un tournant pour l'opposition ivoirienne.
Dans un discours fleuve, Pascal Affi N'Guessan dresse un réquisitoire contre la gouvernance actuelle et pose les jalons d'une transition politique.
L'ancien Premier ministre ivoirien n'a pas mâché ses mots face aux militants réunis dans la capitale politique. « L'État appartient à tous les Ivoiriens, pas à un groupe d'individus qui se comportent comme des propriétaires privés », lance-t-il d'emblée, donnant le ton d'une intervention qui oscille entre analyse politique et programme d'alternance.
La question du quatrième mandat cristallise les tensions. Le président du FPI met en garde contre les risques d'une nouvelle candidature d'Alassane Ouattara en 2025. Une perspective qu'il juge dangereuse pour la stabilité du pays. « Nous ne pouvons pas accepter qu'après avoir contesté la légalité d'un troisième mandat en 2020, on vienne nous parler d'un quatrième en 2025 », argumente-t-il.
Le leader de l'opposition dresse un tableau sombre de la situation économique. Malgré les emprunts massifs et un budget en hausse constante, les indicateurs sociaux demeurent préoccupants. « L'espérance de vie des Ivoiriens stagne, voire régresse. C'est le meilleur baromètre de l'échec des politiques publiques », analyse-t-il.
Les déguerpissements dans les quartiers précaires illustrent, selon lui, le fossé entre le pouvoir et la population. « On chasse des familles entières sans se soucier de leur relogement, des enfants se retrouvent déscolarisés du jour au lendemain », dénonce-t-il, pointant l'absence de politique sociale cohérente.
La gestion des ressources publiques fait l'objet de critiques acerbes. Le président du FPI s'inquiète de l'opacité qui entoure certains fonds. Les détournements présumés au sein du Fonds d'Entretien Routier (FER) sont cités en exemple d'une gouvernance qu'il qualifie de « prédatrice ».
La question électorale au cœur des préoccupations
L'audit de la liste électorale constitue une revendication majeure. Les anomalies relevées par l'opposition soulèvent des interrogations sur la fiabilité du fichier. Des cas surréalistes sont évoqués, comme ces « 531 électeurs partageant la même mère » ou ce « père de 534 électeurs inscrits ».
Le processus d'enrôlement fait également l'objet de critiques. Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montreraient des distributions d'argent dans certains centres. « La corruption du processus électoral commence dès l'inscription sur les listes », déplore Affi N'Guessan.
La réconciliation nationale en panne
Le congrès a permis d'aborder la question sensible de la réconciliation nationale. Le président du FPI regrette l'attitude du pouvoir face aux tentatives de rapprochement. « Ceux qui ont souffert de la crise tendent la main, mais le régime refuse d'avancer », constate-t-il.
Le cas des personnalités privées de leurs droits civiques cristallise les tensions. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, acquittés par la Cour Pénale Internationale, restent écartés de la vie politique. Une situation que le leader du FPI attribue à « la peur du pouvoir face à une véritable réconciliation ».
Les enjeux de 2025
L'échéance présidentielle de 2025 occupe une place centrale dans le discours. Affi N'Guessan appelle à une mobilisation pour « une alternance démocratique et apaisée ». Il met en garde contre les tentatives de manipulation du processus électoral.
Le financement de la vie politique fait l'objet d'une attention particulière. Le président du FPI dénonce l'utilisation des ressources publiques à des fins partisanes. « Le RHDP utilise l'argent de l'État pour acheter les consciences », affirme-t-il.
Vers une nouvelle gouvernance
Le congrès a permis d'esquisser les contours d'une alternative politique. Affi N'Guessan propose une refonte complète de la gouvernance. « L'État doit redevenir l'instrument du progrès social pour tous les Ivoiriens », plaide-t-il.
La réforme des institutions figure parmi les priorités. Le leader de l'opposition préconise un rééquilibrage des pouvoirs et un renforcement des contre-pouvoirs. « La concentration actuelle des pouvoirs nourrit les dérives autoritaires », analyse-t-il.
La question sociale au cœur du projet
Le programme social occupe une place prépondérante dans le projet politique présenté. L'amélioration des conditions de vie des populations constitue une priorité affichée. « Un pays qui progresse, c'est d'abord un pays où l'espérance de vie augmente », rappelle le président du FPI.
La politique agricole fait l'objet d'une attention particulière. Le sort des planteurs de cacao est évoqué comme symbole des dysfonctionnements actuels. « Comment accepter qu'un kilo de cacao vendu 4000 ou 5000 francs sur le marché international ne rapporte que 1000 francs au producteur ? », s'interroge-t-il.
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L'appel au changement
Le congrès s'est conclu sur un appel à la mobilisation. Affi N'Guessan invite les Ivoiriens à « prendre leur destin en main » pour 2025. Il met en garde contre les tentatives de division et appelle à l'unité de l'opposition.
Le message final reste celui de l'alternance démocratique. « Comme dans toute pièce de théâtre, il y a un temps pour entrer en scène et un temps pour en sortir », conclut-il, dans une métaphore théâtrale adressée au pouvoir actuel.
Cette grand-messe du FPI marque ainsi une étape importante dans la structuration de l'opposition ivoirienne. Les prochains mois diront si les messages délivrés à Yamoussoukro trouvent un écho dans la population.
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