La fin ou la mort du franc CFA ne réjouit pas tout le monde. Pour certains africains, l'Eco, c'est le CFA. Le décryptage de Jean-Charles Wognin de Lider.
Le débat sur le franc CFA a longtemps été tabou. Mené au départ par quelques économistes, décideurs et intellectuels, il s'est peu à peu démocratisé, les peuples africains dans toutes leurs composantes y prenant part progressivement ces deux dernières décennies.
C'est au début des années 2000 que part l'étincelle. Mamadou Koulibaly, alors ministre des Finances de Côte d'Ivoire et mécontent du traitement que la BCEAO infligeait à son pays, a annoncé au cours d'une conférence de presse qu'il se retirerait du franc CFA dès qu'il en aurait l'occasion. Cette déclaration a créé un tollé diplomatique à l'époque et a entraîné l'éviction du Pr Koulibaly du gouvernement ivoirien, à la demande de Jacques Chirac.
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Ces dernières années, la pression exercée par l'opinion africaine sur la France et les chefs d'états africains s'est faite grandissante. Plusieurs leaders africains anti CFA ont, en représailles, subi des pressions et des intimidations. Je pense à Kemi Seba, maintes fois expulsé de pays africains et arrêté, à Kako Nubukpo limogé du gouvernement togolais en 2015 puis de la francophonie en 2017, à Chihombori-Quao ex ambassadrice de l'Union Africaine aux USA démise de ses fonctions cette année et à Nathalie Yamb, conseillère exécutive de Mamadou Koulibaly récemment expulsée de Côte d'Ivoire.
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Les chefs d'état africains ont d'abord battu en brèche les velléités de souveraineté monétaire de leurs peuples, avant de réactiver le projet de monnaie commune ouest africaine, face à une opinion qui n'en démordait pas. Les caractéristiques de la monnaie commune divisent au sein de l'UEMOA et de la CEDEAO. Quand Alassane Ouattara et Macky Sall défendent mordicus la parité fixe avec l'euro, le Burkina, le Ghana, le Nigéria et même le Bénin sont favorables à l'avènement d'une monnaie flexible et arrimée à un panier de devises.
La nouvelle monnaie ouest-africaine présentée hier par Emmanuel Macron à Abidjan, maintient l'ossature du franc CFA à savoir la parité fixe avec l'euro et la garantie de la monnaie par la France. Quant aux réserves de change, elles quitteront le trésor français à la demande de Paris, tout simplement parce que la politique économique menée actuellement par la Banque Centrale Européenne maintient à des taux nuls ou négatifs les obligations d'Etat en Europe. Dans la conjoncture actuelle, rémunérer à +0.75% le compte d'opération du CFA s'avère donc être une mauvaise opération pour la France.
L'objectif de cette réformette du franc CFA est donc simple, démobiliser l'opinion africaine en la contentant d'un semblant de changement et en la détournant des réels enjeux qui composent la souveraineté monétaire. La jeunesse du continent doit comprendre que sa voix compte et qu'il est de sa responsabilité de se saisir de la question du franc CFA et de toutes les autres thématiques qui ont trait à son essor économique, culturel et social.
C'est à nous et à personne d'autre de mener ce combat. Restons mobilisés, la lutte continue !