Le direct TikTok de Tidjane Thiam du 1er mai 2025 sur sa nationalité et sa vision pour la Côte d'Ivoire provoque un large éventail de réactions, révélant les défis de cette stratégie numérique.
Le choix de TikTok par Tidjane Thiam pour s'adresser aux Ivoiriens marque une première dans la communication politique nationale. Le président du PDCI a organisé le 1er mai 2025 un direct sur la plateforme sous le thème « Une autre Côte d'Ivoire est possible », abordant notamment la question de sa nationalité qui fait débat depuis plusieurs mois.
Cette démarche inhabituelle pour un responsable politique de premier plan s'inscrit dans une stratégie de rajeunissement de l'image du parti historique. Mais elle suscite aussi des interrogations sur la capacité de ce format à porter un discours politique de fond. La plateforme, connue pour ses contenus courts et divertissants, offre-t-elle le cadre adéquat pour des discussions sur l'avenir du pays?
Des réactions qui reflètent les fractures générationnelles
Les commentaires des internautes après cette prestation révèlent un clivage net entre admirateurs et détracteurs. Pour certains utilisateurs comme Kevin Arnaud Koffi, l'initiative mérite d'être saluée : « Thiam sur TikTok Le gars c'est une Master Class politique à côté mais le gars il est intelligent laissez votre histoire d'émotion le gars il est pur… »
Cette appréciation positive vient principalement d'utilisateurs familiers avec les codes de la plateforme, qui valorisent l'effort d'adaptation d'un homme politique issu d'une génération antérieure à l'ère des réseaux sociaux. Pour ces commentateurs, la forme même de la communication représente déjà un message de modernité.
À l'opposé, des voix s'élèvent pour critiquer le fond du discours tenu par l'ancien banquier. Kone Ousmane exprime sa déception : « J'ai suivi le live TikTok du président du PDCI et j'avoue que je suis resté sur ma faim. Un homme politique qui aspire à diriger doit avoir des propositions chocs. » Il pointe notamment l'absence de mesures concrètes concernant « la décentralisation », « la réduction du train de vie de l'État » ou encore « la santé ».
Le débat sur la proximité et l'ancrage local
La critique la plus virulente porte sur la distance – tant géographique que culturelle – entre le candidat et les réalités quotidiennes des Ivoiriens. Jacob Katina Koné Hili ne mâche pas ses mots dans un commentaire satirique : « Il voulait diriger la Côte d'Ivoire, il a fini par conquérir… TikTok. Oui, Mesdames et Messieurs, pendant que les Ivoiriens brûlent sous le soleil de la lutte politique, Tidjane Thiam, lui, s'exprime depuis les salons feutrés de Paris. »
Ce commentateur s'empare notamment d'une phrase prononcée par Tidjane Thiam lors du direct : « S'ils me diffament en Côte d'Ivoire, je ne peux rien faire. Mais s'ils me diffament en Europe, je vais les poursuivre. » Cette déclaration est interprétée comme révélatrice d'un rapport distant au pays qu'il aspire à diriger : « Comment peut-on vouloir gouverner un peuple que l'on évite de rencontrer ? »
La question de la nationalité, que Tidjane Thiam souhaitait clarifier lors de son intervention, reste ainsi partiellement occultée par les discussions sur sa légitimité. Pourtant, le ministère de la Justice ivoirien a confirmé qu'après avoir renoncé à sa nationalité française en mars 2025, il a automatiquement recouvré sa nationalité ivoirienne d'origine par filiation.
Une communication politique en mutation
Au-delà des réactions individuelles, cette initiative de Tidjane Thiam interroge l'évolution des modes de communication politique en Côte d'Ivoire. Si certains y voient une adaptation nécessaire aux nouveaux usages médiatiques, d'autres s'inquiètent d'une potentielle superficialité du débat politique.
Kone Ousmane, tout en critiquant le fond de l'intervention, termine son commentaire par un conseil bienveillant : « Thiam a un discours qui parle aux élites et non à la masse et cela n'est pas à son avantage. On ne demande pas d'être populiste mais il faut trouver le bon dosage. PS: Juste un conseil de quelqu'un qui aime bien le président Thiam. »
Cette observation souligne le défi que représente l'équilibre entre une communication moderne et la nécessité d'un ancrage dans les préoccupations quotidiennes des citoyens. Pour l'ancien dirigeant du Crédit Suisse, habitué aux salles de conseil d'administration internationales, la conquête du public ivoirien passe manifestement par un apprentissage des codes locaux de communication.
L'expérimentation TikTok de Tidjane Thiam, au-delà de son efficacité immédiate, marque peut-être le début d'une transformation plus profonde de la communication politique ivoirienne à l'ère des réseaux sociaux. Reste à savoir si cette stratégie digitale saura s'accompagner d'une présence accrue sur le terrain, réclamée par de nombreux commentateurs.