En Côte d’Ivoire, « c’est la guerre qui continue dans le choix des mots »

« Le poids des mots, le choix des mots » : selon Doumbia Major, la guerre en Côte d'Ivoire se poursuit même dans le choix des mots.

Le choix des mots peut traduire un parti pris politique : la révolte du peuple peut être désignée par le terme « insurrection », quand on est du côté du peuple ou par le terme « rébellion » quand on est du côté du roi ou du pouvoir.

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1793 dans son article 35, disposait que face à la tyrannie des dirigeants, le peuple a le droit légitime et sacré à l'insurrection. « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».

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Mais le code napoléonien, quelques années plus tard (1810), va considérer comme rébellion tout acte de révolte contre l'État en rendant l'insurrection passible d'une peine de 5 ans à la prison à perpétuité dans l'article 97 du code pénal.

En Côte d'Ivoire, nous assistons aussi à une bataille des mots et expressions qui traduit le parti pris pour un camp ou un autre.

Pour désigner les personnes gardées dans les liens de la détention, suite aux événements politiques qui ont fait plus de 3 000 morts, la frange Pro Gbagbo de l'opposition parle de « prisonniers politiques » pour nier les crimes qu'ils ont commis individuellement ou dans un cadre organisé, alors qu'en face, on parle plutôt de « criminels politiques » ou « criminels de guerre ». Les premiers niant ainsi les crimes dont ils sont accusés, en cherchant à se faire passer pour des prisonniers d'opinion, les autres voulant pointer du doigt que ces personnes sont impliquées dans des actes ayant entraîné des morts d'humains.

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Chaque camp a ses mots pour désigner le même événement ou la même chose.

Le choix du vocable en lui seul suffit pour voir le positionnement de chaque acteur et locuteur qui se prononce sur un sujet politique.

De sorte que lorsque l'archevêque Kutwa parle des personnes incarcérées et qu'il utilise le terme « prisonnier politique », cela suffit à chacun pour connaître son camp. C'est fin, mais c'est clair.

Quand certains utilisent le terme de « condamnations politiques », d'autres parlent de condamnations judiciaires. Les premiers voulant montrer que la justice est aux ordres et les autres voulant signifier l'indépendance de celle-ci.

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La guerre se poursuit même dans le choix des mots, de sorte que lors de la rédaction du projet de rapport des discussions lors du dialogue politique, cette bataille des mots a refait surface. Pour chaque camp, les mots qui sont choisis, sont une façon d'imposer son point de vue ; l'enjeu est politique et historique.

Quand les partisans de Gbagbo désignent quelqu'un en l'appelant rebelle ou assaillant, ces derniers se désignent eux-mêmes par le terme de Résistant pour signifier la légitimité de leur révolte contre le régime Gbagbo-Blé Goude.

C'est la guerre qui continue dans le choix des mots et le choix des mots permet de connaître le positionnement de chacun, dans le paysage politique ivoirien.

Written by Doumbia Major

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