Saïd Penda, le journaliste camerounais fait une analyse suite à la tombe du Dj Arafat profanée le 31 août 2019, quelque heures après son enterrement.
La nouvelle de la profanation de la tombe du musicien ivoirien a créée l'émoi dans le monde. De milliers de fans incrédules voulant s'assurer qu'il s'agissait bien de leur idole, se sont tout simplement attaqué à la tombe et ont ouvert le cercueil. Toujours sceptiques, ils ont entrepris de le déshabillé, histoire de pousser la vérification plus loin. Mais sérieusement, quel Ivoirien peut être étonné et devrait être étonné par ce summum de la déraison ?
Pendant dix ans, sous le règne du criminel de gbagbo, on a éduqué la jeunesse à croire aux fake news et rester insensible à la raison. Un ami me rappelait des épisodes qui illustrent à merveille l'obscurité dans laquelle la jeunesse ivoirienne a été enfermée :
-Des soldats français sont tués dans un bombardés de l'armée gbagbo; le régime gbagbo crie à une simple manipulation et demande que ces corps soient présentés publiquement. Un procureur de la république ivoirien (Raymond Tchimou) dans une interview qu'il m'a accordé à Abidjan en 2006 pour la BBC, affirme sans sourire que les Français enterrés dans leur pays pourraient avoir été foudroyés par le paludisme et demande à aller effectuer une autopsie en France.
A LIRE AUSSI : Aux traites du PDCI Bédié répond: « Pour dix qui partent, nous en avons 10 000 qui entrent »
-Le cadavre de la mère d'Alassane Ouattara qui a été exhumée, par un régime friand du mensonge et de la manipulation ;
-les femmes d'Abobo massacrés par les forces de sécurité de gbagbo lors de la crise post-électorale qu'on présente comme un simple montage. Simone gbagbo et d'autres dignitaires du régime sanguinaire affirmait qu'à la place du sang que tout le monde voyait il s'agissait juste de bissap.
Alors après cela, devons-nous nous étonner de ce que des jeunes fanatiques, bombardés depuis la mort de DJ Arafat par toutes sortes de rumeurs fantaisistes sur « les vrais raisons » de sa « mystérieuse » disparition poussent l'incrédulité à l'extrême en tentant de vérifier, par eux-mêmes, qu'il s'agissait bien de son corps dans cette tombe ? Si vous êtes surpris, moi non. Car leur geste est tout à fait logique. Et ce n'est que la conséquence de notre démission collective. Combien de voix, d'officielles ou d'activistes et autres influenceurs se sont élevées pour contrecarrer toutes les rumeurs les plus imbéciles sur la « mort mystérieuses » d'un individu qui s'est tué au cours d'une exhibition sur moto, filmée et largement diffusée.
J'ai suivi en direct à la télé ivoirienne les funérailles au stade. Quel membre du comité d'organisation ou de la famille du défunt est venu démentir toutes ces rumeurs ? Lequel de la vingtaine d'invités a eu le courage de dire à cette foule qu'on l'avait intoxiqué par des rumeurs plus fantaisistes les unes que les autres ? Si quelqu'un a entendu cela dans le stade où se sont déroulées les funérailles, c'est que le Dr. M (mon ORL) fait mal son travail. Non, la réaction de ces fans ne devrait pas nous étonner.
A LIRE AUSSI : Corps DJ Arafat déterré: Arnaud Jaguar dédouane les Chinois
Mais au-delà de la Côte d'Ivoire, combien parmi nous croient à toutes les stupidités que nous recevons sur les réseaux sociaux et que nous partageons sans aucun discernement, comme si nous courrions derrière un prix du meilleur distributeur. Ces derniers jours, sur WhatsApp circulait une vidéo supposée être celle de la saisie des « caisses d'or de la famille Sassou Nguesso ». Elle a été partagée de façon quasi-obsessionnelle. Depuis hier, la même vidéo circule, mais cette fois-ci on prétend qu'il s'agit de « l'or que les Français exploitent au nord du Mali, saisi par les forces de sécurité nigériennes ».
Tombe d'Arafat profanée
Cette citation de Thabo Mbeki, avec photo s'il vous plaît, où il traitait Alassane Ouattara de tous les noms d'oiseaux, a fait sensation dans certains milieux, sans que personne ne se pose les bonnes questions qui auraient permis de découvrir qu'il s'agissait d'une fabrication et d'une intoxication. Que dire de ces autres fausses citations, des déclarations généralement très fantaisistes mais sensationnelles et populistes, prêtées à d'autres dirigeants de la planète. Alors oui, c'est nous tous qui sommes responsables de la folie, à Abidjan, des fans de DJ Arafat.
A LIRE AUSSI : 31 août 2019: DJ Arafat meurt pour la deuxième fois
En conclusion, si nous n'y prenons garde, nous sommes peut-être en train de nous abrutir. A grande vitesse. Enfin, pour ceux d'entre nous qui ne se sont pas encore laissés abrutir.
Prenons un engagement après lecture de ce post : nous ne partagerons plus aucune information, tant qu'elle n'aura pas été confirmée par au moins deux grands médias.
