CMU Côte d’Ivoire : voici pourquoi le projet majeur de Ouattara est en panne

CMU e-CNPS

Présentée comme le projet essentiel du président Alassane Ouattara, la couverture maladie universelle Côte d'Ivoire tarde à permettre aux Ivoiriens de se soigner à moindres frais. Donatien Robé nous dit pourquoi.

Couverture maladie universelle Côte d'Ivoire. La promesse ne parvient pas à se concrétiser. Pourtant, le candidat Ouattara en 2010 disait ceci : « Après études et discussions avec les professionnels de l'assurance maladie, nous sommes déjà en mesure d'annoncer que nous pourrons proposer à tous les Ivoiriens du monde urbain et rural qui le souhaiteraient, dans les 6 mois qui suivront notre accession au pouvoir, un contrat d'assurance maladie de base ».

« Sacré PRADO ! Nous sommes à 2 ans de 2020 et toujours pas de  »

Le projet phare du PRADO se fait attendre pendant que les Ivoiriens meurent

M. Ouattara est au pouvoir depuis 2011 et point de CMU à ce jour. Maintes fois reportée au mois de janvier de l'année qui suit depuis 2012 (janvier 2013, janvier 2014, janvier 2015), la mise en œuvre effective de la CMU avait été fixée à janvier 2016 après le lancement en grande pompe de l'opération d'enrôlement en décembre 2014. Le début des prélèvements au titre des cotisations mensuelles était prévu pour octobre 2015 puis repoussé à décembre 2015. Cette dernière échéance n'a pas été respectée, comme les autres. Le rendez-vous de janvier 2017 a été manqué, lui aussi. Sacré PRADO ! Nous sommes à 2 ans de 2020 et toujours pas de CMU.

« Qu'est-ce-qui peut bien expliquer ces reports, volte-face et échecs successifs, qui finiront par discréditer ce projet si important pour les Ivoiriens ? »

Les étudiants ont été les heureux retenus pour débuter la phase pilote qui, finalement, est un échec. Il fallait s'y attendre d'autant plus que ce choix de dernière minute porté sur les étudiants était sans doute problématique du fait de son caractère précipité et de l'impossibilité pour cette seule cible d'apporter des informations et situations édifiantes pouvant favoriser la généralisation de la CMU. Alors question : qu'est-ce-qui peut bien expliquer ces reports, volte-face et échecs successifs, qui finiront par discréditer ce projet si important pour les Ivoiriens ?

Le projet du technocrate techniquement limité

Afin d'avoir une meilleure compréhension de la situation, il est essentiel de jeter un regard critique sur le plan de financement du projet. La promesse de campagne du candidat Ouattara en 2010 prévoyait une contribution mensuelle de 1000 FCFA par personne de plus de 5 ans pour financer la CMU. In fine, les techniciens de la caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) ont préféré s'aligner sur la promesse de campagne. Or tous les experts en protection sociale s'accordent à penser que les dépenses de santé dans un contexte de subvention des soins sont multipliées par deux, voire trois, en raison de la suppression du frein financier.

« Les cotisations sociales ne suffisent plus, partout dans le monde, à financer des systèmes universels »

Dans de telles conditions, ce plan de financement ne pourra soutenir durablement le projet. De toute évidence, la CMU est sous-financée. Faut-il le rappeler, les cotisations sociales ne suffisent plus, partout dans le monde, à financer des systèmes universels. En conséquence, ce projet aurait dû bénéficier des financements additionnels par le biais des financements dits « innovants ». Autrement dit, le financement par une partie de la consommation à travers une taxe santé aurait dû compléter le financement par les revenus du travail.

Une CMU censée réduire la pauvreté qui ignore les pauvres

Ce projet est loin d'être satisfaisant dans sa conception. Il faut le dire, la CMU est injuste dans sa politique de financement puisque la contribution mensuelle unique de 1000 FCFA par personne y compris les enfants de plus de 5 ans pénalise les plus démunis. Selon ce dispositif, des Ivoiriens aux revenus modestes pourront se retrouver à contribuer à part égale ou beaucoup plus que des Ivoiriens aux revenus importants. Un exemple concret : dans un couple X, monsieur a un salaire de 200 000 FCFA et madame 150 000 FCFA avec 3 enfants de plus de 5 ans. Avec 350 000 FCFA, ce couple contribuera à hauteur de 5 000 FCFA par mois. Dans un autre couple Y, monsieur a un salaire de 500 000FCFA et madame 400 000 FCFA avec 2 enfants de moins de 5 ans. Avec 900 000 FCFA, ce couple de cadres contribuera à hauteur de 2 000 FCFA. C'est injuste. La contribution pour la CMU aurait pu être proportionnelle au revenu afin que celui qui gagne beaucoup contribue plus. C'est cela la solidarité nationale.

« Où l'État trouvera-t-il les ressources financières pour faire fonctionner ce régime ? Comment seront identifiés ces indigents ? »

Il ne faudra pas s'en éloigner : l'ambition initiale du pack nommé « objectifs pour le développement durable » (ODD) depuis 2015 est de réduire l'extrême pauvreté dans le monde. La couverture santé universelle (CSU) est une des politiques prônées par la communauté internationale pour atteindre ces objectifs nobles. La Côte d'Ivoire s'y est associée par la CMU qui dispose fort heureusement d'un régime non-contributif de prise en charge gratuite des personnes indigentes. Les contours de ce régime restent à ce jour méconnus, mettant un sérieux doute sur la faisabilité tant financière que technique. Où l'État trouvera-t-il les ressources financières pour faire fonctionner ce régime ? Comment seront identifiés ces indigents ?

BICTOGO, Snedai, CMU et le conflit d'intérêts

L'autre injustice dans un système social est le financement de la carence qui prévoit que les futurs bénéficiaires de la CMU cotisent pendant 3 mois sans bénéficier des prestations. L'État ne pouvait-il pas financer cette carence ?
Finalement, avec tous ces travers techniques de la CMU, on peut penser que les études annoncées par le PRADO pendant la campagne présidentielle de 2010 sont fausses ou n'ont jamais été faites, en réalité.

Enfin, le projet CMU est discrédité par un gigantesque scandale de conflit d'intérêts au vu et au su de tous. Comment est-il possible de concéder le juteux contrat pour l'enrôlement des bénéficiaires de la CMU, la confection des cartes d'adhésion et l'installation des équipements techniques à la société qui a pour patron monsieur Adama BICTOGO, député, ancien ministre et membre influent du , parti au pouvoir ?
Le PRADO ne finira pas de nous surprendre.

 

Written by Donatien Robé

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