Le débat relatif à la sortie ou au maintien des 15 Etats africains membres de la zone franc n'est pas nouveau. Il a seulement gagné en ampleur, en 2017, après le geste symbolique de l'activiste panafricaniste Kemi Seba. Et le mérite des réseaux sociaux est d'avoir démocratisé le débat jusque là réservé à une élite intellectuelle au langage et à la méthodologie pas toujours faciles à comprendre.
L'importance de la politique monétaire sur le développement économique et la croissance économique n'est plus à démontrer. Relativement au franc CFA, la question inaugurale est de savoir si cette monnaie est profitable aux Etats africains ? Une double approche économique et politique permet de donner une tentative de réponses rationnelles. Economiquement, est-ce que le franc CFA permet la compétitivité de notre économie ? A l'observation non.
Les économistes s'accordent pour dire que le volume des échanges commerciaux entre les pays membres de la zone franc est de 15%, contre 6O% pour les pays de l'union européenne. La France qui est la gardienne du temple CFA échange de moins en moins avec les Etats de la zone franc parce que pas compétitifs. Les trois premiers partenaires économiques de la France en Afrique sont respectivement le Nigéria, l'Afrique du sud et l'Angola.
Trois Etats non membres de la zone franc. Seulement, la convertibilité du franc CFA en fait une monnaie internationale, obligeant ainsi les pays qui n'ont pas cette convertibilité internationale à se rapprocher du marché des Etats de la Zone franc. Un exemple, le Maroc, la non convertibilité de sa monnaie (le Dirham) oblige le royaume chérifien à investir massivement dans la zone Franc pour acheter du CFA et l'échanger sur le marché international.
On comprend aisément, pourquoi avec un investissement de 213 millions de dollars, le Maroc est le premier investisseur étranger en Côte d'ivoire en 2017. En sus, parce que monnaie internationale, le CFA permet un rapprochement entre les multinationales occidentales et les entreprises locales. Seulement, la parité fixe qui est de 656 fca pour un Euro, fait du CFA une monnaie surévaluée.
Non seulement cette surévaluation ne reflète pas l'état de santé réelle de notre économie, mais rend nos entreprises non compétitives. Une monnaie forte pour des économies faibles. Contrairement à des Etats économiquement compétitifs comme la Corée du Sud, l'Indonésie et l'Iran qui ont des monnaies très faibles par rapport à l'Euro. Par exemple, un euro vaut 39 461 rials iraniens.
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Politiquement, est-il correct que, six décennies après les indépendances, la monnaie des anciennes colonies africaines soit toujours gérée par l'ancienne métropole ? Nous sommes ici dans le symbolisme. La question inévitable de la souveraineté revient. Une entité territoriale ne mérite le statut d'Etat que parce que souveraine. La souveraineté est le critérium de l'Etat et implique le principe sacro-saint de la non ingérence d'un autre Etat dans ses affaires.
Le Franc CFA est fabriqué en France, chacun des Etats africains membres de la zone franc a un compte logé au trésor français. La France est présente au conseil d'administration de la BCEAO, avec un droit de veto. A ce stade de l'analyse, l'honnêteté intellectuelle m'oblige à noter qu'un Etat peut volontairement déléguer un pan de sa souveraineté à des personnes morales de droit public au niveau national (les collectivités locales) ou au niveau international (les Organisations internationales).
Dans l'espèce, l'UEMOA en est une, mais, nuance, rien n'oblige un Etat à rester dans une Organisation Internationale qui reste une association dont le fondement juridique est moins une Constitution qu'un Traité. Dans les relations internationales, les exemples d'Etats souverains, qui ont décidé volontairement de vivre sous la tutelle d'un autre Etat, abondent. Il en va ainsi du Canada, de la Nouvelle Zélande, la Jamaïque qui ont pour chef d'Etat, la reine d'Angleterre. Ce statut juridique d'inféodation (dominion) à la couronne britannique n'écorche en rien leur statut de pays économiquement et politiquement fréquentables.