Scandale au District d’Abidjan: Mystère autour d’un fonds de 175 milliards de FCFA

Le District Autonome d’Abidjan dans le viseur des auditeurs du gouvernement suite à la découverte d’une gestion financière douteuse portant sur un montant d’environ 175 milliards de FCFA .

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Jean-Yves ESSO ESSIS, un anonyme vient de lever le lièvre sur une affaire portant sur la « gestion financière douteuse sur un montant d’environ 175 milliards de FCFA au sein du District Autonome d’ Abidjan (DAA)». Dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre Patrick Achi, ce jeudi 05 mai 2022, Jean-Yves ESSO exhorte le chef du gouvernement à instruire les services et institutions dédiées de l’Etat pour mener des missions de contrôles et clarifier publiquement les conditions dans lesquelles le DAA a fonctionné depuis 2017. Ci-dessous, l’intégralité de cette lettre explosive.

Objet : Gestion financière douteuse sur un montant d’environ 175 milliards de FCFA au sein du District Autonome d’ Abidjan (Par Jean-Yves ESSO)

Monsieur le Premier Ministre,

Permettez-nous, en tant que citoyen lambda, de vous interpeller sur une situation, pour le moins ahurissante de par son énormité, semble-t-il invisible, puisque passée sous silence, depuis près de 5 ans. Nous décidons, aujourd’hui, de vous en faire part publiquement, car comme le dit un proverbe africain, “ce qui est plus fort que l’éléphant, c’est la brousse.” Nous sommes les enfants de cette brousse et nous voyons cet énorme pachyderme piétiner nos cultures depuis de longues années, sans que rien ni personne ne semble vouloir l’arrêter.

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Monsieur le Premier Ministre,

Le District Autonome d’Abidjan (DAA) a en son sein le Conseil du District d’Abidjan (CDA) qui est son unique organe délibérant. Il est composé aux 2/3 de conseillers municipaux issus des conseils des treize communes du District et au tiers, de personnalités nommées par Décret Présidentiel. Le CDA délibère, entre autres, sur le Budget et sur le Compte Administratif du Gouverneur du DAA. Aucune autre entité n’est autorisée à prendre de décisions sur ces sujets sensibles. En cas de force majeure rendant impossible le vote du Budget, le Ministère de l’Intérieur, autorité de tutelle, peut accorder des crédits provisoires sur la base du Budget de l’année précédente, jusqu’à la tenue du prochain Conseil. Monsieur le Premier Ministre, Il se trouve que, pour des raisons que nous ignorons encore aujourd’hui, le CDA n’a pas été convoqué par le Gouverneur depuis le second semestre de l’année 2017 ! Ce CDA doit pourtant, selon les textes de loi, se réunir une fois par trimestre, sur convocation du Gouverneur.

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Les Budgets et Programmes d’Investissements depuis l’année 2017 n’ont donc pas été légalement votés par le CDA, seul organe habilité à le faire. Et pourtant, depuis toutes ces années 2018, 2019, 2020, 2021 et maintenant 2022, les Budgets ont été régulièrement exécutés ! Exécuter un budget non voté est une anomalie administrative s’apparentant purement et simplement à une fraude. C’est une faute administrative et juridique grave dont les conséquences vont au-delà des seules portes du DAA. Les sommes en jeu, la pluralité des entités tierces impactées par les conséquences de ces manquements et le risque d’imitation par d’autres collectivités territoriales posent un vrai problème si ces actes connus et maintenant dénoncés ne sont pas réprimés. En effet, avec un budget annuel moyen d’environ 35 milliards de FCFA, les sommes sorties illégalement depuis 5 ans avoisinent donc les 175 Milliards de FCFA.

Monsieur le Premier Ministre,

Toute dépense effectuée sans l’aval d’un Budget régulièrement voté et approuvé, est illégale et devrait être remise en cause. Cela constitue une faute de gestion énormissime qui pénalise, entre autres, tous les prestataires et fournisseurs détenant encore des créances sur le DAA, et par ricochet toutes les banques qui ont accompagné financièrement ces prestataires. La loi prescrit de faire approuver les Budgets des Collectivités Territoriales et Districts Autonomes, par les services du Ministère de l’Intérieur. Ainsi, un programme de visite à ces entités, élaboré chaque année par la Direction Générale de la Décentralisation et du Développement Local (DGDDL), permet à une commission mixte de passer en revue les Budgets votés par les différents Conseils de ces entités.

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Le Ministre de l’Intérieur aurait-il quand même approuvé, sans base légale, les Budgets successifs du DAA ? Si tel est le cas, votre responsabilité administrative est clairement engagée… Si l’autorité de tutelle ne les a jamais approuvés, alors comment se fait-il que cette situation perdure depuis 2018 ? Le Ministère de l’Intérieur n’est-il pas censé contrôler cela au moins une fois par semestre ? De 2017 à 2020, il s’agissait de feu monsieur Sidiki DIAKITÉ, nommé par votre prédécesseur, feu monsieur Amadou GON COULIBALY. Depuis 2020, il s’agit de monsieur Vagondo DIOMANDÉ nommé par vous-même.

Monsieur le Premier Ministre,

Toutes ces questions et beaucoup d’autres encore ne cessent de se bousculer dans nos esprits cartésiens de citoyens lambda s’acquittant régulièrement de leurs impôts. Selon le principe de la légalité de l’impôt, toute recette propre encaissée durant cette période 2018-2022 par le DAA est illégale. N’importe quel contribuable qui aurait acquitté un impôt ou une taxe sur cette période, peut valablement, en demander le remboursement, étant entendu que ni le Gouverneur, ni son seul Bureau, ainsi que nulle autre entité que le CDA, n’ont compétence à définir le niveau annuel de ces impôts et taxes. Nous allons étudier la faisabilité et l’opportunité d’un dépôt de plainte collégial par le biais d’un collectif de victimes que nous nous efforcerons, de ce pas, de créer en bonne et due forme.

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Le Trésor Public n’acceptant de régler les mandats transmis par les ordonnateurs que si leurs Budgets sont régulièrement votés par leurs Conseils respectifs et approuvés par le Ministère de l’Intérieur, comment donc se fait-il que le Trésorier Payeur du DAA, qui engage sa responsabilité pénale et pécuniaire à titre personnel, ait-il pu accepter de régler les dépenses mandatées par le Gouverneur ? Les Comptes Administratifs du Gouverneur du DAA sont transmis, après approbation du Conseil, à la Cour des Comptes. Comment se fait-il, qu’après tant d’années sans approbation de ces comptes par un Conseil dûment convoqué, la Cour des Comptes n’ait pas décelé cette grave anomalie et initié des missions de contrôles spécifiques ? L’activité des Trésoriers Payeurs de District Autonomes et autres receveurs municipaux fait l’objet d’inspections régulières des services dédiés du Trésor Public. Comment comprendre qu’ils aient pu passer à côté de ces défaillances administratives flagrantes au cours des revues de l’activité du payeur du DAA ?

Monsieur le Premier Ministre,

En l’état actuel des dispositifs de contrôle et d’exécution des Budgets des Collectivités, y compris celle de type particuliers comme le DAA, il est impossible que cela ait pu se faire et perdurer toutes ces années sans bénéficier de l’accord tacite et complice des Ministères de l’Intérieur, de l’Economie et des Finances, et du Budget. Nous apprenons que le Ministre de l’intérieur, en raison de l’inexistence supposée du CDA, rendant impossible son fonctionnement, aurait pris un acte administratif accordant une dérogation au Gouverneur à l’effet de se substituer au CDA pour assurer la continuité de l’administration. Le DAA n’a jamais été dans une situation d’exception depuis 2011. Nous vous adressons ce jour, par le biais de cette Lettre Ouverte et par courrier en Lettre Recommandée avec Accusé Réception, une requête formelle, pour avoir copie de cet acte et comprendre les bases légales et les motivations d’une telle décision.

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« Pourquoi le Gouverneur n’a t’il pas convoqué le CDA pour le vote du Budget 2018 et l’approbation des comptes de 2017? »

Nous tenons à vous rappeler à travers cette adresse publique que le DAA n’est pas et n’a jamais été dans une situation d’exception. Les membres de son Conseil sont bien vivants et n’attendent que la convocation du Gouverneur pour se réunir. En effet, de 2015 à 2018, les membres du CDA étaient en place. Le DAA n’était donc pas dans une situation d’exception. Pourquoi le Gouverneur n’a t’il pas convoqué le CDA pour le vote du Budget 2018 et l’approbation des comptes de 2017? En Octobre 2018, il y a eu renouvellement des Conseils Municipaux, lesquels ont été installés à fin décembre 2018. Les 52 conseillers du DAA issus des conseils municipaux étaient connus et disponibles des décembre 2018 et le mandat des 26 conseillers nommés par le Président de la République était également en cours de validité : le DAA n’était donc pas dans une situation d’exception.

Pour quelles raisons valables, le Gouverneur du DAA n’a t’il pas jugé utile de convoquer son Conseil pour le vote des Budgets 2019 et 2020? Le 5 Mai 2020, le mandat des 26 conseillers nommés par le Président est arrivé à expiration mais celui des 52 conseillers du DAA est toujours en cours. Ils sont bien tous vivants et disponibles. Le quorum pour se réunir étant largement atteint, et même si le Président de la République, en raison certainement de l’année électorale, n’a pas jugé bon de renouveler le mandat des 26 conseillers, le conseil du DAA pouvait valablement être réuni et voter les Budgets 2021 et 2022. De 2017 à 2022 donc, le DAA ne se trouvait aucunement dans une quelconque situation d’exception. Le Gouverneur, pour des raisons qui lui sont propres, n’a pas daigné convoquer son CDA afin qu’il puisse remplir son rôle d’organe délibérant. Il ne pouvait en aucun cas se substituer à son CDA pour le faire, en invoquant une situation d’exception, de même, le Ministre de l’Intérieur ne pouvait invoquer aucun élément de droit pour lui délivrer une dérogation pour le faire.

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Une mission d’Inspection externe est requise pour une question d’éthique et de bonne gouvernance Il y a, semble-t-il, eu une faute grave de gestion qui, par respect pour les populations dont les représentants ont été tenus à l’écart, mérite d’être formellement documentée par l’envoi d’une mission de contrôle de la Cour des Comptes. Les conclusions d’une telle mission devraient être rendues publiques car les dirigeants que vous êtes doivent cette transparence aux contribuables qui se serrent la ceinture pour s’acquitter régulièrement de leurs impôts. Vous le devez également aux différents prestataires du DAA qui risquent leur capital ainsi qu’aux banques qui les accompagnent. Vous le devez enfin aux centaines d’élus locaux qui, malgré la batterie de mesures hostiles, restreignant tous les jours un peu plus, leurs prérogatives, leur autonomie, leur autorité et leur légitimité, font leur travail dans le strict respect des règles établies. Il y va de la crédibilité des engagements du régime au pouvoir, sur ce thème de la Bonne Gouvernance.

Graves manquements trop flagrants

Monsieur le Premier Ministre, Ces graves manquements dans la gestion du DAA sont trop flagrants pour ne pas avoir été décelés par autant d’administrations publiques de contrôle. Si ces manquements ont été identifiés et signalés par les différentes administrations à leurs hiérarchies respectives, et que la pratique continue de prospérer depuis toutes ces années, alors on ne peut que conclure à l’existence d’instructions venant du plus haut sommet de l’Etat, pour imposer ce régime d’exception dans lequel fonctionne le DAA mais aussi, semble-t-il, le District Autonome de Yamoussoukro. 

En résumé, Monsieur le Premier Ministre, de la même façon que le Parlement, organe indépendant de l’Etat Central valide le Budget et les comptes de ce dernier, et qu’un Conseil d’Administration valide le Budget élaboré par un Directeur Général d’une entreprise, de la même façon le législateur a prévu un organe délibérant au sein du DAA, indépendant de l’organe exécutif pour voter son Budget et approuver ses comptes. C’est un principe élémentaire de Bonne Gouvernance qu’un seul organe ne soit pas seul à élaborer son Budget, le valider, l’exécuter et approuver ses comptes annuels.

Monsieur le Premier Ministre, Votre parole ne pourra pas être crédible demain sur le sujet de la Bonne Gouvernance et de la transparence de la gestion des deniers publics, si vous n’instruisez pas les services et institutions dédiées de l’Etat pour mener des missions de contrôles et clarifier publiquement les conditions dans lesquelles le DAA a fonctionné depuis 2017. Dans l’attente d’une suite rapide espérée par l’ensemble de vos concitoyens, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, nos salutations distinguées.

Written by Tristan Sahi

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