Affaire construction de 1072 maisons pour des réfugiés burkinabè : Venance Konan recadre le parti de Bédié, « qu’auraient voulu nos amis du PDCI ? »

Venance Konan, journaliste ivoirien et ancien DG de Fraternité Matin
Venance Konan, journaliste ivoirien et ancien DG de Fraternité Matin © Crédit photo DR

Le « Nouveau Réveil », journal du PDCI très inquiet de construction de 1072 maisons pour des réfugiés burkinabè dans le nord de notre pays. Venance Konan réagit.

Pour eux, cette affaire est une « bombe sociale à retardement », comme ils l’ont écrit à la « une » de leur journal du mardi 16 mai 2023, avec des « grands risques démographiques et politiques. » Ainsi, nos confrères du « Nouveau Réveil », après avoir fait le point du nombre de Burkinabè vivant en Côte d’Ivoire, concluent qu’« avec les nombreux brassages de population, la composition démographique de la Côte d’Ivoire est ainsi en voie de modification. »

Et « c’est, par conséquent, tout le corps électoral qui s’en trouve modifié ». Oui, ça fait peur, puisqu’ils ne voteront pas pour le PDCI, mais pour quelqu’un d’autre, on ne sait pas pourquoi. Nous ne sommes pas très loin de la théorie du « grand remplacement » émise par le polémiste d’extrême droite Eric Zemmour en France et par le président tunisien Kaïs Saïed. Ni de quelque chose chez nous qui se termine en « té ». Eh oui ! Le message est clair : une horde de Burkinabè est en train d’envahir notre pays afin d’en changer la composition démographique et faire en sorte que les « vrais Ivoiriens » soient écartés du pouvoir. Mieux, on est en train de leur donner toutes nos terres à travers le décret « définissant la procédure de constatation des terres sans maître du domaine foncier rural. »

LIRE AUSSI: La SODECI annonce une coupure d’eau à Treichville ce 21 mai 2023: Voici les zones impactées

Rappelons qu’il s’agit ici d’accueillir des populations burkinabè qui fuient les tueries orchestrées à grande échelle par les djihadistes islamistes dans leur pays. Qu’auraient voulu nos amis du PDCI ? Que l’on ferme la porte aux Burkinabè ou aux Maliens qui veulent se réfugier chez nous ? Qu’on les laisse entrer, mais qu’ils dorment à la belle étoile ? Je crois qu’il n’y pas lieu de discuter longtemps de cette affaire. La Côte d’Ivoire est un pays responsable qui ne peut rester insensible à la détresse de ses voisins, et il est de son devoir de leur offrir gîte et couvert ainsi que des conditions de vie décente. Le PDCI est libre de vouloir agir différemment. C’est son affaire. Mais il ne doit pas oublier que la roue tourne, malheureusement. Il n’y pas si longtemps, de nombreux Ivoiriens se trouvaient eux aussi contraints de fuir leur pays pour chercher refuge dans des pays voisins.

En 2002, lorsque notre crise commença avec la rébellion, des milliers d’Ivoiriens se retrouvèrent malgré eux au Mali, au Burkina Faso, au Liberia, en Guinée, au Ghana. J’eu l’occasion d’aller voir ceux qui se trouvaient au Mali, en Guinée et au Ghana. Au Mali, un bon nombre de ces réfugiés étaient hébergés dans la cour du gouverneur de Sikasso. Il estimait qu’il ne pouvait pas faire moins pour des Ivoiriens. Il me dit : « dites à votre gouvernement de venir les chercher rapidement, parce que ça casse des mythes que de voir des Ivoiriens refugiés sous des tentes au Mali. » Lorsque la crise avait éclaté, des douaniers, gendarmes et policiers ivoiriens qui se trouvaient à la frontière avaient fui à Sikasso, la ville la plus proche, avec leurs luxueuses voitures et s’étaient installés dans des hôtels. Ils croyaient que c’était une affaire de quelques jours. L’affaire dura huit ans. Ils purent rentrer par avion, mais en laissant leurs voitures sur place. En Guinée, je rencontrai un Ivoirien qui n’en revenait pas d’être dans cette situation, c’est-à-dire dans un camp de réfugiés. Il se plaignait de ce qu’on leur donnait à manger, une céréale appelée Bulgur, qui, disait-il, n’avait aucun goût. « Comment peuvent-ils donner une chose pareille à moi, un Ivoirien ? » demandait-il, furieux.

LIRE AUSSI: SODECI: Coupure d’eau à Yopougon ce 22 mai 2023: voici les quartiers touchés

En 2011, ce fut à nouveau au tour de milliers de nouveaux Ivoiriens de se retrouver obligés de fuir leur pays. Ils furent encore une fois accueillis par nos voisins. Certains sont restés de très longues années dans cet exil avant de rentrer. D’autres y sont encore.

Chers amis du PDCI, prions pour que la crise du Sahel se résolve le plus rapidement possible afin que les populations réfugiées chez nous puissent retourner chez elles. Prions pour que nous ne connaissions pas à notre tour une crise qui nous oblige à nouveau à aller chercher refuge chez les autres. En attendant, ce que nous pouvons faire est d’accueillir ceux qui viennent chez nous avec autant d’humanité que nous pouvons leur offrir, loin de tous les calculs politiciens de nos amis du PDCI qui veulent voir de la politique partout et qui visiblement, ne se sont pas encore remis de cette xénophobie qui leur est chevillée au corps. Avant ou après la politique, il y a l’humanité.

LIRE AUSSI: Résultats concours CAFOP 2023 CI : liste des admis

PS : l’auteur de l’article du Nouveau Réveil a qualifié le quartier Biafra qu’il a appelé « quartier biafrais », de colonie de peuplement. C’est une erreur. Aucun réfugié biafrais n’a été hébergé dans ce quartier. Les Biafrais dont il s’agissait étaient des enfants orphelins recueillis par la Côte d’Ivoire lors de la guerre du Biafra, et ils furent hébergés dans les baraques construites à cet effet à la cité estudiantine Mermoz de Cocody. De là, ils furent recueillis ou adoptés par des familles ivoiriennes. Le nom du quartier Biafra vient de la construction du pont du Général de Gaulle qui eut lieu au moment de la guerre du Biafra. Le voie qui reliait le pont au boulevard Giscard d’Estaing sépara ce quartier du reste de Treichville. Et par dérision, les habitants dirent que leur quartier avec fait sécession comme le Biafra. Et le nom Biafra resta collé à ce sous-quartier de Treichville.

Venance Konan

Written by Venance Konan

Partenariat mairie d’Abobo – ville de Houston aux Etats Unis

Exclusion de Laurent Gbagbo de la liste électorale provisoire : Réaction du PPA-CI lors d’une conférence de presse