PDCI : « ceux qui sont autour de Bédié lui rendent-ils vraiment service ? » (Venance Konan)

Ceux qui sont autour de Bédié lui rendent-ils vraiment service ? Akossi Bendjo vient de faire savoir qu'il est intéressé par le poste de président du PDCI.

Le mardi 21 février dernier, un journal proche du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) affichait cette « une » : « du coup d'Etat de 99 à ce jour, , 24 ans d'opposition, un parti inépuisable ! Des fondations solides, des lendemains pleins d'espoir. »

Félicitons donc tous le PDCI pour ses 24 ans d'opposition, et souhaitons-lui d'y passer encore d'autres très longues années. C'est la meilleure chose qui puisse arriver à la Côte d'Ivoire. Le PDCI a dirigé la Côte d'Ivoire indépendante pendant 39 ans. Dans quinze petites années, son temps d'opposition sera égal à son temps de pouvoir. Quinze ans, ça passe très vite et le PDCI battra largement tous les records de temps passés à l'opposition tant qu'il ne se sera pas regardé dans le miroir de sa propre histoire et dans celle de notre pays. Rappelons-lui quelques pans.

En 1993, lorsque Houphouët-Boigny mourait, l'opposition, représentée par et des personnalités telles que Francis Wodié, Zadi Zaourou ou Bamba Moriféré était née, mais pesait très peu dans le paysage politique. A cette époque, le numéro deux du PDCI s'appelait . Houphouët-Boigny est enterré en février 1994. Et quelques mois plus tard, nait le Rassemblement des Républicains (), des suites des frustrations d'une partie de cadres du PDCI. Que fait-on pour ramener ces personnes à la maison ? Rien du tout. Au même moment, une véritable chasse à l'homme est organisée contre le numéro deux du PDCI, Alassane Ouattara, coupable d'avoir lorgné le fauteuil présidentiel. Plutôt que de tout faire pour le maintenir dans le parti, le nouveau président du PDCI et de la Côte d'Ivoire l'en chasse.

On le chasse même du pays, en lui niant sa nationalité ivoirienne, puis, plus tard, en lançant un mandat d'arrêt international contre lui. Et dans la foulée, tous ceux qui lui ressemblent, de près ou de loin par la culture, le nom, la religion et la région d'origine sont persécutés, pourchassés. On chasse ainsi des milliers de paysans de la région de Tabou, parce qu'ils seraient culturellement proches du pestiféré. Et le président du PDCI et de la république n'élève pas une seule fois la voix pour condamner tout cela.

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La conséquence logique de tout cela est que le PDCI finit par perdre complètement le nord, la région d'origine d'Alassane Ouattara, et les musulmans qui sont tout autant persécutés, puisque sa religion est l'islam. Il s'est passé que le PDCI, en voulant tuer un moustique posé sur un mur, a pris un gros marteau et a tapé très fort. Mais il a raté le moustique et a fracassé le mur de l'unité nationale. Mais cela lui était indifférent. Et l'autre conséquence logique a été le coup d'Etat, car, occupé que le président du PDCI était à pourchasser Alassane Ouattara, il avait oublié de surveiller son pouvoir. Le PDCI a-t-il oublié tout cela ? Pour lui, le coup d'Etat était injuste. Point à la ligne. Mais lui-même n'y a aucune responsabilité, comme l'a indiqué récemment le porte-parole de ce parti. Tout ce que le président du PDCI avait fait à cette époque était excellent. L'unité nationale détruite ? Pour le PDCI, juste un effet collatéral sans importance.

Du coup d'Etat est né l'UDPCI, le parti de Robert Guéï, qui regroupait les anciens militants du PDCI de l'ouest montagneux. Que fit-on pour qu'ils reviennent ? Rien du tout. Le PDCI ne voit pas pourquoi il aurait fait quelque chose.

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Beaucoup d'eau coula sous les ponts, et en 2005, Bédié proposa à tous ceux qui se réclamaient d'Houphouët-Boigny de créer un Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Nous fûmes de ceux qui applaudirent le plus fort, parce que nous croyions que Bédié voulait rassembler ce qui était épars et réparer toutes ses erreurs qui avaient permis à un incompétent comme Laurent Gbagbo d'accéder au pouvoir. Le 17 septembre 2014, il proposa à Daoukro la création d'un parti unifié de tous les « enfants d'Houphouët-Boigny ». J'applaudis de plus belle. Mais 4 ans plus tard, il fit machine arrière et se retira du RHDP. Au motif que ce parti unifié qu'il avait lui-même proposé aurait fait disparaitre le PDCI.

La réalité, tout le monde la connaît : il voulait que le RDR lui serve de cheval pour aller reconquérir sans coup férir le pouvoir qu'il avait perdu par sa propre faute. Depuis ce jour, tous les principaux cadres de son parti ont rejoint le RHDP, sans qu'il ne fasse son examen de conscience. On dit à chaque fois qu'il s'agit de personnes sans convictions, parties au restaurant, sous la contrainte, etc. De quelle conviction parlons-nous ? De la fidélité à un homme qui ne pense qu'à lui seul, de fidélité au désir de revanche d'un homme, à sa haine contre un autre ? Ceux qui sont autour de Bédié lui rendent-ils vraiment service ? Que ceux qui dans ce parti sont encore lucides s'interrogent. Akossi Bendjo vient de faire savoir qu'il est intéressé par le poste de président du PDCI et il propose à Bédié de devenir le Mandela ivoirien. Attendons la suite.

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Des militants du PDCI attendent son retour au pouvoir, comme les chrétiens attendent le retour de leur Messie. L'espoir fait vivre. Le PDCI attend depuis seulement 24 ans. Les chrétiens, eux, depuis plus de deux mille ans et ils ne sont pas découragés. Le PDCI a encore de la marge.

Venance Konan

Written by Venance Konan

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