Pourquoi la France devrait rester en Afrique ? (Venance Konan)

Rencontre Macron Alassane
Rencontre Macron Alassane

Pour de nombreux connaisseurs des relations franco-africaines, surtout français, la France aurait définitivement perdu l'Afrique.

Nous nous garderons d'être aussi catégorique. Parce que nous pensons que la peut encore rester en francophone, et même qu'elle doit le faire. Mais il y aura des conditions à remplir pour que les relations se déroulent au mieux.

D'abord, pourquoi la France devrait rester en Afrique ? Je suis l'un de ceux qui estiment que l'Afrique doit pouvoir rester debout sur ses jambes, et je précise même que si elle en est incapable, que l'on la laisse tomber. Mais seulement, que personne ne l'empêche de se tenir debout. Pour se tenir debout, l'Afrique aura forcément besoin des autres. Parce que dans ce monde, tous les pays sont interdépendants. Qui savait, avant la guerre russo-ukrainienne à quel point nous, pays africains, étions dépendants de ces deux pays pour notre nourriture ?

Aujourd'hui, nous voulons nous industrialiser, nous moderniser, nous nourrir, nous défendre tout seuls… Mais nous savons qu'il ne suffit pas de le dire pour que cela soit, comme dans la Bible. Il nous faudra nous former, et travailler dur, en coopérant avec les pays plus développés que nous. C'est déjà ce que nous faisons avec tous les pays développés et singulièrement avec la France. De mon point de vue, nous devrions continuer avec la France, pour deux raisons principales. La première tient à notre histoire commune, et la seconde, à notre culture partagée. Notre histoire est douloureuse pour nous et participe du désamour qui existe entre nous actuellement. Mais on ne peut pas l'effacer.

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Encore moins l'oublier. C'est cette histoire qui fonde nos relations actuelles et le comportement que nous reprochons à la France, à savoir son arrogance, son paternalisme, et cette propension à vouloir nous traiter comme des attardés mentaux. Mais nous ne pouvons pas ne pas sortir de cette histoire. Nous ne pouvons pas nous en servir pour nourrir de la haine ou du mépris les uns envers les autres. Nous devons assumer cette histoire, la regarder en face, en tirer toutes les conséquences et construire notre futur à partir d'elle. Nous, Africains, ne pouvons pas nous offrir le luxe d'entretenir de la haine envers l'autre à cause de cette histoire. La haine consume surtout celui qui la porte dans le cœur. Et c'est cette histoire qui a fait qu'une bonne partie de la population française est originaire de notre continent. J'ai personnellement sept frères et sœurs qui vivent en France et ne sont pas près de revenir ici, et plusieurs neveux et nièces dont certains sont entièrement français et ne sont jamais venus en Côte d'Ivoire.

Nous autres qui sommes nés ici en Afrique et y vivons, sommes cependant totalement ou partiellement éduqués dans la culture française et y baignons tous les jours. Nous ne devrions pas rejeter tout cet héritage. Bien au contraire, cette relation particulière avec la France et sa culture devrait être une source d'enrichissement, à condition que nous ne renoncions pas à nous-mêmes, à notre essence, à notre âme. Les exemples que l'on cite le plus souvent sont ceux des pays asiatiques tels que le Japon, la Chine ou l'Inde, qui se sont appropriés la technologie et de nombreux éléments culturels occidentaux, sans jamais renoncer à ce qu'ils sont intrinsèquement, et sont pourtant devenus de grandes puissances technologiques, économiques et industrielles.

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Comment faire pour que nos relations avec la France s'améliorent ou tout au moins, n'empirent pas ? Du côté de la France, elle, ou du moins une partie de sa classe politique, devrait tout simplement considérer que les Africains sont des adultes qu'elle doit respecter. Qu'elle ne se croie plus obligée de nous donner des leçons qui varient en fonction de ses seuls intérêts, ou de nous prendre en charge comme ses enfants mineurs. Qu'elle vienne faire ses affaires comme tous les autres, avec l'avantage de la culture partagée, des nombreux Français d'origine africaine, mais qu'elle s'abstienne de vouloir nous dicter notre conduite comme à des demeurés. Qu'elle nous laisse essayer de nous tenir debout, et qu'elle nous laisse tomber si nous ne sommes pas capables de nous tenir sur nos jambes. De notre côté, nous devrions cesser d'être dupes, naïfs et enfantins.

C'est parce que nous nous comportons souvent comme des enfants que l'on nous traite souvent avec paternalisme et mépris. Qui, en France, se hasarderait à vouloir donner des leçons de démocratie ou de respect des droits de l'homme à Paul Kagamé ou aux Algériens ? Relevons la tête, dirigeons nos pays avec rigueur et vrai patriotisme, donnons les moyens qu'il faut à nos entrepreneurs, encourageons-les, et négocions encore mieux nos accords, surtout ceux concernant l'exploitation de nos ressources minières.

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Il est tout simplement aberrant que dans ce vingt-et-unième siècle, des sociétés étrangères exploitent les ressources minières d'un pays sans que ce dernier ne puisse contrôler ce qui est effectivement extrait. Cessons de sourire jusqu'aux oreilles lorsque quelqu'un nous dit « moi, j'aime l'Afrique » ou « moi, j'aime les Africains ». Généralement ces phrases veulent dire qu'il y aura une arnaque dans l'affaire et l'arnaqué sera évidemment l'Africain. Les Africains n'attendent pas de l'amour des autres, mais du respect.

Alors, avec la France, asseyons-nous, discutons franchement, établissons de nouveaux partenariats, et avançons ensemble. Nous avons déjà une longue histoire commune. Partageons un futur encore plus long.

Venance Konan

Written by Venance Konan

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