Lettre Ouverte Jean-Yves Esso, membre du Bureau Politique du PDCI-RDA, au président Alassane Ouattara relative à sa candidature.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Dès votre retour à Abidjan, le lundi 7 septembre 2020, après votre séjour en France et au Niger, vous nous avez expliqué avoir rassuré le président Macron inquiet des violences qui ont eu lieu ces dernières semaines.
Cela va en contradiction avec une publication de l'hebdomadaire Jeune Afrique qui affirme que le président Macron vous aurait confié craindre que votre 3ème mandat contesté puisse susciter des tensions sociopolitiques dans le pays, alors que des violences ont déjà fait plusieurs morts dans différentes localités mi-août.
Il vous aurait même suggéré de procéder à un report du scrutin afin de faciliter l'ouverture d'un dialogue avec vos principaux opposants et vous donner ainsi le temps de vous trouver un successeur pour opérer le changement générationnel initialement promis à vos militants.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Alors que les uns ne jurent que par une forme de délicatesse qui consiste à se taire quoi qu'il arrive, d'autres ne comprendraient pas que nous passions sous silence ces épisodes importants de l'histoire politique de notre nation. Il n'est pas facile pour nous de trouver le juste milieu…
Souffrez donc que nous vous exprimions encore une fois, à travers cette énième Lettre Ouverte, notre analyse de la situation qui prévaut et notre sentiment profond.
C'est une question de perception, d'éducation, de conditionnement et de convictions.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Peu importe ce qui a réellement été dit lors de votre déjeuner privé avec le président Macron.
Toujours est-il qu'habituellement, dès la sortie d'un entretien « fructueux », quelques minutes sont immédiatement consacrées à un point presse permettant de lever toute équivoque. Cette fois ci, nous constatons que vous avez pris la poudre d'escampette « sans crier gare ». Les ivoiriens sont fatigués de toutes ces allégories mensongères répétées, venant de votre camp. Nous sommes fatigués…
Excellence Monsieur le Président de la République,
Peu importe ce qui a été réellement dit. Sachez que cela ne pourrait être que par l'opération du Saint Esprit que vous pourriez à nouveau être président en Cote d'Ivoire.
Malheureusement pour vous, les portes du paradis vous sont désormais fermées à double tour depuis l'acte de profanation de la Maison de Dieu, du 2 septembre 2020, effectué par votre délégation ministérielle apprentie sorcière. L'Esprit Saint a été offensé… Votre mandat prendra fin le 31 octobre 2020 et vous ne serez plus Président de la République de Cote d'Ivoire selon notre Constitution.
Vous n'avez pas obtenu le soutien que vous espériez de la Communauté internationale. Votre tournée de Paris puis de Niamey a été, il faut le dire très clairement, un véritable fiasco diplomatique.
En effet 3 jours après l'échec de Paris, vous vous êtes rendu au Niger au 57ème Sommet de la CEDEAO en esperant que vos homologues passeraient sous silence la tentative de coup d'état Constitutionnel en cours dans votre pays.
Malheureusement pour vous, le président Muhamadu Buhari, du Nigeria voisin, dans une déclaration limpide acclamée par tous les participants, vous a demandé très clairement de respecter la Constitution Ivoirienne qui ne vous autorise pas à briguer un 3ème mandat.
Voilà la réalité…
Excellence Monsieur le Président de la République,
La seule alternative qu'il semble vous rester maintenant pour demeurer assis dans le fauteuil présidentiel de notre pays au-delà du 31 octobre 2020, c'est le passage en force et la stratégie de la terre brûlée…
Cette stratégie militaire choisie par Vercingétorix, chef gaulois, durant la guerre des Gaules face aux troupes romaines de Jules César, qui après avoir subi plusieurs revers, fit bruler les terres risquant d'être gagnées par les troupes ennemies pour les empêcher d'avoir le fourrage nécessaire à leurs bêtes, semble réellement vous séduire…
Par votre incompréhensible décision de foncer tête baissée dans le mur de la honte, vous adoptez ainsi l'attitude d'une personne qui, risquant de perdre face à un adversaire, saccage la place que celui-ci s'apprête à prendre afin de minimiser ses gains et gêner toute progression ultérieure.
C'est cela la stratégie de la terre brûlée…
Vos ministres-soldats se tiennent tous prêts à « tirer leurs épées du fourreau » pour mater du manifestant tandis que vous, tel un prestidigitateur, vous vous attelerez à minimiser, sur les plateaux télé, les pertes en vies humaines occasionnées. N'ayez cependant aucun doute, le peuple avancera comme un seul homme, inexorablement vers sa destinée…et il vous « déposera ».
Excellence Monsieur le Président de la République,
Cette fois-ci, vous risquez de partir, vous et votre parti, avec les flammes de la terre que vous tentez de brûler dans votre débâcle. C'est une réalité. Et il n'est pas nécessaire que vous nous « tailliez des croupières » pour tentez de nous museler, car le relais sera immédiatement pris par quelqu'un d'autre. Nous ne faisons qu'un travail d'analyse de la situation socio-politique provoquée par votre volonté de piétiner notre Constitution.
Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, nos salutations respectueuses et profondément dévouées.
