Chute de l’action de Orange CI, ce qui s’est passé

L'image d'une marque a-t-elle un impact sur les cours de la bourse ? La chute de l'action de Orange CI expliqué en partie par Jean Christian Konan.

La réponse est trois fois oui ! Et si tous les acteurs qui ont mené le combat sur le plan intellectuel et stratégique, ont tous, de manière unanime, insisté sur le fait qu'il fallait tenir, c'est parce qu'ils se parlent et réfléchissent ensemble aux stratégies. L'une des stratégies était d'attaquer l'image de ces groupes sans pour autant porter atteinte à la réputation des dirigeants à titre personnel, ce qui aurait été un délit suivant les lois ivoiriennes.

« Le portefeuille et l'image, sont les talons d'Achille des grands groupes à service et/ou produits de masse..»

La marque d'une compagnie va bien au-delà du logo. Une image de marque doit parvenir à transmettre une vision et inspirer autant les clients que les investisseurs. Plusieurs sont parvenus, rien qu'avec leur marque, leur image, à booster leurs ventes et augmenter leur valeur boursière avec brio, tandis que d'autres, comme CI vient de l'expérimenter, ont échoué lamentablement. Retour en arrière pour bien comprendre comment ça fonctionne : les à-côtés de la pénétration du marché ivoirien par CI.

LIRE AUSSI : Le ministère ivoirien de la Construction fait démolir un immeuble R+3 près de l'hôtel ibis ce 18 avril 2023

Présents dès 2019, c'est à partir de 2021 que la start-up s'est véritablement imposée et la première manche de ce jeu d'échecs, s'est déroulée sur les réseaux sociaux. L'image de Wave CI auprès du grand public a été tellement positive, et sa montée en puissance en termes de téléchargements exceptionnelle, se classant N°1 dans sa catégorie sur playStore, largement devant Orange qui n'est qu'à la 5e place. Il va s'en dire que personne ne télécharge une application qu'il déteste utiliser. Mais quand bien même le nombre de téléchargements, n'est pas équivalent au nombre d'utilisateurs réguliers, ces millions de téléchargements ont été un signal fort envoyé aux millieux financiers.

« On aime utiliser Wave en Côte d'Ivoire.»

Très rapidement la valeur de Wave est montée. Wave était devenue la première fintech d'Afrique francophone valorisée à 1,7 milliard $ en septembre 2021, et obtenait un investissement conjoint de la SFI et d'autres partenaires financiers de 91,7 millions $ pour renforcer ses opérations en Côte d'Ivoire et au Sénégal. Tout est parti de l'image que Wave a projeté dans l'opinion publique, celle notamment sur les réseaux sociaux ou des consommateurs faisaient eux-mêmes la promotion de Wave. On ne peut pas rêver mieux en termes de bonne image, de confiance qu'inspire ce gentil pingouin. C'est cette image ultra positive associée à des éléments structurels et à un business modèle plus factuels, qui ont participé au déclenchement des mécanismes financiers susmentionnés.

LIRE AUSSI : Liste des immatriculations spéciales en Côte d'Ivoire

Du point de vue de l'investisseur, être attentif à des changements d'image d'une compagnie peut révéler de bonnes ou mauvaises occasions d'investissement. En effet, une mauvaise image peut influencer grandement et a la baisse, la direction d'un titre. Par exemple McDonald's a lancé une grande campagne dans les années 2000 pour sortir de sa vilaine image « Mcdo » des années quatre-vingt. L'entreprise américaine de restauration rapide ne souhaitait plus être perçue comme un resto de malbouffe. Le documentaires « Super Size Me », diffusé en 2004 avait fini de ternir l'image et la réputation de ces restaurants.

Avec le retour aux saines habitudes alimentaires à cette même période et l'image négative de la croissance endémique de l'obésité en Amérique du Nord, ces restaurants voulaient se débarrasser de cette vilaine image de malbouffe. C'est à cette époque qu'ils ont introduit dans leur menu, de la salade, une révolution pour un fast-food US. Ils ont aussi communiqué sous forme de mea-culpa sur les nouvelles orientations qu'ils allaient prendre. Et ça a marché pour McDonald's. Sa nouvelle orientation stratégique et ses campagnes publicitaires sont parvenues à séduire les consommateurs et les analystes financiers, le cours de l'action est passé de 12$ en 2003 à 175$ en 2017.

C'est parce-que les dirigeants de McDonald's ont compris que les années deux mille étaient une nouvelle ère, ou les jeunes étaient plus connectés, moins attentistes, qu'ils ont su rapidement se réadapter et changer l'image de toute puissance, sans état d'âme qu'ils projettaient dans l'opinion publique. En Côte d'Ivoire lorsque, après la giga fronde observée ces derniers jours, le plus long « buzz » de l'histoire des réseaux sociaux ivoiriens, près de trois semaines, une entreprise comme n'a toujours pas publié le moindre communiqué, c'est la démonstration méprisante qu'ils n'ont pas compris que nous sommes dans une autre époque.

LIRE AUSSI : Décès de son danseur alors du tournage de son clip: Serge Beynaud réagit enfin, « je n'ai à aucun moment fuis mes responsabilités »

Vous vous souvenez peut-être qu'on a immédiatement évoqué des impacts indirects, non perceptibles du grand public et qu'il fallait continuer à signer la pétition et à boycotter les opérateurs en téléphonie mobile. On le répétait « vous verrez, ça va payer on en est sûr et certain». L'image qui se dégradait, ce sont des choses qu'on a observé de près. Ces grands groupes ont deux faiblesses : le chiffre d'affaires et la réputation de leurs marques. Il faut savoir que pour Orange, il s'agit d'un cluster, donc ce qui se passe au Burkina a aussi eu des répercussions. Sans compter l'embarras du gouvernement qui a lui un agenda politique et social à respecter en accord avec les bailleurs de fonds dont la Banque Mondiale, qui accompagne l'ARTCI.

Pour le volet punition financière par le boycott, des travailleurs eux aussi consommateurs ivoiriens, des sortes d'insiders à ces groupes, nous ont prévenu que le boycott avait peu d'impact sur le niveau des datas et des appels. C'était moyen et cantonné au zones urbaines. Par contre on voyait la courbe de l'action BVRM baisser mécaniquement, et des traders, eux aussi consommateurs ivoiriens, l'ont confirmé en temps réel : la réputation, l'image, a un moment donné ça va jouer sur ce cours, donc qu'il fallait continuer, tenir et observer. Le combat a donc été global et des gens parmi les plus inattendus ont participé sans bruit.

Aujourd'hui que l'objectif est atteint (ce n'est qu'une question de jours voir d'heure) nous espérons que ces cours de l'action Orange CI vont remonter. Cette entreprise participe au développement de la Côte d'Ivoire et emploie directement ou indirectement des milliers de jeunes ivoiriens. C'est par ailleurs une entreprise critique, c'est-à-dire qu'elle est plus que stratégique, elle régule de manière indirecte du fait de ses services essentiels presque tous les pans de l'économie ivoirienne. La crise va passer, les prix de l'internet vont baisser, et les choses vont revenir à la normale. Ensuite les prix vont encore baisser et désormais cette tendance est irréversible.

LIRE AUSSI : Grave accident sur l'auroroute du nord ce 18 avril 2023 : 7 morts

Mais y être parvenus, sans insulter personne, sans violer les lois, sans manifester sur la voie publique, sans bouger de chez soi ou de son lieu de travail, sans aucune forme de brutalité physique, sans sabotage technique, sans partie pris politique, uniquement en étant unis, solidaires, résilients et avec un peu de stratégie, c'est la démonstration qu'il est possible de « casser [ des prix ] sans casser [ des bus ].*» Et ceux qui cassent sans casser sont plus difficiles à punir par la loi, et comme il est impossible de les maîtriser, No Baisse, No Stop, jusqu'à ce que ce soit effectif.

Jean Christian Konan

Written by YECLO.com

Titrologie 19 avril 2023 : revue de la presse ivoirienne : alliance politique, 2025 dans les mains du PDCI – PPA-CI

Alassane Ouattara, président de la République de Côte d'Ivoire

Vers un nouveau remaniement ministériel ? Ouattara s’adresse au Parlement réuni en Congrès mardi