Si l'acquittement Gbagbo et Blé Goudé est maintenu, ils pourront demander réparations. Pour ne pas avoir à payer, Fatou Bensouda demande un non-lieu.
Comme je l'expliquais lors de mon intervention à La Haye le 6 février 2020, nous sommes à une étape où deux procédures concomitantes sont suivies. En effet, le 15 janvier 2019, la chambre de 1ère instance a rendu deux décisions : l'acquittement des prévenus et la libération immédiate de ceux-ci.
Cependant, ce jour-là, le juge Cuno Tarfuser n'a pas motivé la décision d'acquittement qui permettait à la procureure de faire appel ou pas sur l'acquittement. Par conséquent, elle a fait appel de la décision de libération immédiate. Elle a été suivie par les juges de la chambre d'appel qui ont imposé des restrictions à cette liberté. Ainsi, Charles Blé Goudé s'est retrouvé à La Haye et Laurent Gbagbo à Bruxelles. Par la suite, elle déposera son mémoire d'appel.
Libération immédiate
Suite au recours de Me Altit, l'audience qui s'est tenue le 6 février 2020 portait en effet sur la levée des restrictions imposées.
L'argument des avocats de la défense est très simple. Ils estiment que dès que leurs clients ont été acquittés, assortir leur libération de mesures restrictives, c'est fouler au pied leurs droits les plus fondamentaux.
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Parce que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ne sont plus, comme au début de la procédure « présumés innocents », mais ils le sont effectivement suite à la décision d'acquittement du 15 janvier 2019. En outre, dans son mémoire d'appel, la procureure n'attaque pas de front la décision d'acquittement mais plaide en faveur d'un non-lieu qui lui donnerait la possibilité d'engager de nouvelles poursuites. Dans les deux cas, les prévenus recouvreront la liberté, alors maintenir des mesures restrictives n'a aucun sens.
Face à ses arguments juridiques, le bureau du procureur et les avocats de la Côte d'Ivoire ont développé des arguments politiques. Ils estiment que Laurent Gbagbo a un réseau puissant qui pourrait l'aider à fuir la justice une fois les restrictions levées. Ils pensent que si elles sont levées, il pourrait retourner en Côte d'Ivoire et gagner la présidentielle de 2020 et en profiter pour se soustraire à la justice. Ils insistent sur le fait que son retour dans son pays pourrait occasionner des troubles et des remous.
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Comme vous le voyez, il n'y a pas d'argument mais des supputations. La justice doit condamner des actes commis et non jouer à la divination. Si le retour de Gbagbo en Côte d'Ivoire devait engendrer des troubles, ce serait du fait du pouvoir qui n'a pas su assurer la sécurité. Mais bien plus, Gbagbo va fuir quoi ? Je rappelle qu'il est innocenté jusqu'à ce jour, alors qu'est-ce qu'il fuirait ? Je reviendrai sur cette histoire de réseau dans laquelle j'ai été cité dans une autre publication.
Voici donc présentés les arguments des uns et des autres sur lesquelles les juges doivent se prononcer dans quelques jours (pas de date arrêtée). Soit ils suivent les avocats de la Défense et ils lèvent les restrictions, et Gbagbo et Blé sont libres de faire ce qu'ils veulent et d'aller où ils veulent y compris en Côte d'Ivoire ; soit ils suivent les arguments du procureur et des avocats de Ouattara et ils les maintiennent. Dans ce dernier cas, nous devrons attendre la décision liée à l'appel de Fatou Bensouda.
La procédure d'acquittement
En septembre 2019, Fatou Bensouda a fait appel de la décision d'acquittement de Gbagbo et Blé Goudé. En lieu et place de l'acquittement, elle propose aux juges de se prononcer en faveur d'un non-lieu et d'une erreur de procédure. Ces deux décisions lui donneraient la possibilité d'ouvrir un nouveau procès après celui qu'elle vient de perdre. Si l'acquittement est maintenu, Gbagbo et Blé pourront demander réparations pour le préjudice subi durant toutes ces années d'incarcération.
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Quand on sait que la CPI n'a plus d'argent et qu'a lui seul, le congolais Jean Pierre Bemba demande 68,8 millions d'euros de dédommagements, autant dire que la CPI fermerait ses portes immédiatement. C'est pour ne pas avoir à payer ces montants faramineux que la procureure demande un non-lieu parce que tous les juristes s'accordent à reconnaitre qu'il est inadmissible et impossible d'entamer immédiatement un autre procès après un tel acquittement.
Conclusion
Dans une décision rendue le 5 février 2020, les juges de la chambre d'appel ont donné jusqu'au 6 mars 2020 aux avocats de la Défense pour déposer leur réponse au mémoire d'appel de la procureure. Cette réponse concerne la deuxième procédure, celle de l'acquittement. Ce qui a du sens, c'est qu'avant que cette autre procédure s'ouvre, on ait terminé avec la première liée à la levée des restrictions.
Dans les jours à venir, la première décision tombera donc. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé pourraient regagner leur pays bien avant la présidentielle d'octobre 2020.
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