Hassan Hayek, l’Ivoirien dans l’âme

Hassan Hayek se fait remarquer sur le terrain de football par ses dribbles. Il est milieu offensif. Une chronique de Vincent Toh Bi.

Arrivé à Beyrouth en cette année 2002 en provenance d'Abidjan pour un stage de football, il est recruté dans le Club de Tadamonsour, dans la Capitale Libanaise, Beyrouth.

Déjà, dans le quartier d'Adjamé où il grandit, est adepte des terrains de maracana. Avec ses amis Libanais, Sénégalais et Ivoiriens, il marche d'Adjamé au Campus de Cocody tous les soirs pour aller jouer. Souvent, ils squattent le terrain du Lycée Technique d'Abidjan.

Hassan Hayek était donc destiné à une carrière de footballeur. D'ailleurs en 2001, il fait un stage à l'Académie Mimos Sifcom, où il a l'honneur de s'entretenir avec les deux frères Touré, Kolo et Yaya.

Arrivé au Liban, il brille de mille feux et enchaîne les succès sportifs.

Avec le Club de Tadamonsour, il remporte deux années consécutives le titre de champion du Liban. Il est au sommet de son art.

Avec ses performances, il est contacté pour une carrière internationale. Il a la promesse ferme d'être recruté dans une équipe professionnelle Allemande dans la ville de Hambourg.

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C'est à ce moment que le malheur frappe à la porte. Au cours d'un match de football, il se déboite gravement l'épaule. Pendant qu'il suit le traitement pour son rétablissement, le Président du Club est inculpé pour une affaire scabreuse.

Tout s'écroule. Hassan Hayek perd sa place en équipe et sa carrière de footballeur s'arrête en 2005. Il n'a que 20 ans.

Il décide alors de revenir chez lui en Côte d'Ivoire.

Il n'a plus d'avenir dans le football. Il ne peut plus non plus chercher un emploi parce qu'il n'a pas de diplôme.

En 2000, il s'était fait renvoyer de son établissement à Treichville à l'Institut Libanais d'Enseignement (ILE) pour insuffisance de résultat et parce qu'il était trop distrait et peu intéressé par les études.

C'est la deuxième période noire de la vie d'Hassan Hayek.

La première est triste. Elle remonte à 36 ans, 2 ans après la naissance d'Hassan Hayek en 1984 à Dubaï.

Le père d'Hassan Hayek est alors un millionnaire. Il a fait fortune dans l'immobilier. C'est le cas de le dire, la famille roule sur de l'or. Elle ne manque de rien.

En 1985, une sévère crise économique secoue le pays. Les banques s'effondrent et entrainent avec elles tout le système financier. L'immobilier sombre en premier.

En quelques mois, le père d'Hassan Hayek perd tout et est ruiné. Il n'a plus un sou.

Vers la fin 1985, la situation ne s'améliore guère et la famille n'a presque plus de toit ni de quoi manger.

Le père s'endette et quitte Dubaï en 1986. Destination : Abidjan, Côte d'Ivoire. Son frère y vit. Il paraît que c'est un pays accueillant, sécurisé et avec de bonnes opportunités.

La famille Hayek atterrit sur les bords de la Lagune Ebrié. Mais la Côte d'Ivoire est elle-même aussi en pleine crise économique.

Le père d'Hassan Hayek est désillusionné. Il n'a pas quitté une crise sévère pour venir vivre dans une autre crise sévère. L'horizon est brumeux. Il fait ses bagages avec sa famille et décide de quitter la Côte d'Ivoire. Ils arrivent à Conakry, en Guinée et s'installent dans le quartier de Gbessia.

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Hassan est inscrit à l'Ecole Primaire Pépinière à Camagène.

La Guinée est elle aussi en pleine crise économique et… politique.

Le père d'Hassan Hayek vole de tableau noir en tableau noir. Il est encore affecté par sa débâcle de Dubaï dont il ne se remet pas. Il pique des crises à répétition.

Il refait ses plans et décide de revenir en Côte d'Ivoire en 1989.

Il ouvre un magasin à Adjamé et installe la famille dans les environs du Lycée Technique.

Hassan Hayek enfant commence alors la vie ordinaire d'un enfant ivoirien de classe moyenne. Il joue dans les rues avec les autres bambins, à un moment où il n'y avait pas de rigidité de séparation sociale dans les quartiers.

Et puis, s'ouvre l'épisode du maracana et de la carrière de football au Liban.

Lorqu'Hassan revient du Liban en 2005. Il est sans argent, sans aucune perspective professionnelle. Il avait été renvoyé de l'Ecole.

Alors il commence une nouvelle vie à 20 ans. Tous les matins, à 06h30, il doit être dans le magasin de son père à Adjamé. Il y reste jusqu'à 16 heures.

En 2008, son père épuisé, malade et dépressif arrête de travailler au magasin. Hassan prend le relais et devient le propriétaire du Commerce.

Il devient une figure remarquable à la Rue Kaolin à Adjamé.

Son commerce marche bien.

En 2009, à l'insu de son père, il accroît la surface des opérations. Il prend un autre magasin où il vend au détail des tissus pour femmes, des dentelles, des tissus haut de gamme.

Tout se passe bien pour Hassan Hayek dans sa nouvelle vie où il s'épanouit et se fait connaître. Il flambe un peu, comme tout jeune Ivoirien en plein essor, en plus un jeune d'Adjamé.

C'est à ce moment qu'intervient le 3ème choc de sa vie. En fin 2009, en pleine nuit, le magasin d'Hassan Hayek prend feu et tout part en fumée. Hassan perd tout pour la 3ème fois. C'est un jeune qui fraudait l'électricité à partir de son compteur qui est à l'origine du court-circuit qui a conduit au feu.

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Hassan perd tout.

Il se tourne vers la restauration et ouvre un restaurant à ORCA DECO. Puis il emménage à Abidjan Mall.

Avec tous les drames connus dans la vie, Hassan Hayek commence à comprendre la vanité de la possession matérielle, lui dont les parents millionnaires se sont retrouvés appauvris et lui-même qui a perdu deux fois tout ce qu'il possédait.

Il y avait dejà en lui un appel à plus d'humanité, de partage et de charité. Sa vie sociale à Adjamé lui a permis d'éclater ce relent d'humanité.

Cependant, son déclic pour l'humanitaire vient d'un événement vécu en 2008 quand il a la charge du magasin de son père.

Il y avait devant ce magasin un vieux du nom d'Ibrahim, qu'Hassan appelait affectueusement « tonton ». Il vendait des doublures de veste.

Un jour, Ibrahim tombe malade, un paludisme sévère. Il est admis au CHU de Cocody. Hassan Hayek va lui rendre visite.

C'est là-bas qu'il reçoit le choc qui réveillera des missions altruistes en lui. Quand il traverse les couloirs du CHU, il se faufile parmi les malades en détresse couchés à même le sol. Ils n'ont pas d'argent et ne sont pas encore admis aux soins.

Hassan croise le regard d'une femme couchée dans un brancard, affaiblie par la maladie. Elle le fixe du regard et lui dit : « Mon fils, aide-moi, sinon je vais mourir ». Il est saisi par cette détresse mais il part d'abord s'assurer du sort du vieux Ibrahim pour lequel il est venu à l'Hopital.

30 minutes après, il retourne auprès de la dame qui l'avait interpellé quand il traversait le couloir. Quand il arrive à son niveau, il constate qu'un drap recouvre son visage. Elle vient de décéder. Il lui fallait des médicaments de 3.000 frs. Le fils de la dame était allé en ville quémander ce montant à de bonnes volontés, quand sa mère décède.

Hassan Hayek est bouleversé. Il se sent une culpabilité de non-assistance.

Cette nuit-là, il n'arrive pas à dormir. Toutes les scènes dont il a été témoin le hantent.

Au petit matin, il retourne au CHU pour s'enquérir de l'état de santé du Vieux Ibrahim, son « tonton ». Nouveau bouleversement : Ibrahim est décédé la nuit. Il était trop tard, quand les médicaments sont arrivés.

Témoin de deux décès par extrême pauvreté, coup sur coup. Hassan est sous le choc. De là, est partie sa vocation pour l'humanitaire.

Les jours qui suivent, il appelle des amis Libanais, Hussein (« Okocha »), Moustapha (« Moustique »). Youssef Yacine et Mamadou Tayrek (« Lacoste »). « Il faut qu'on fasse quelque chose pour les CHU, les amis », leur dit-il.

Il collecte de l'argent avec des amis et vient en aide à des personnes en situation de fragilité. Avec l'avènement des réseaux sociaux, il comprend que ses actions caritatives peuvent avoir une plus grande portée et plus d'impact.

Il crée une page Facebook sous l'avatar « Serges….. » et prend discrètement des malades en charge.

En 2015, il est porté à sa connaissance le cas déplorable du jeune « Mikou » qui vit à San Pedro et qui souffre d'un lymphone de burkitt. Il avait 10 % de chance de survie. Le Pr Koffi Gustave évalue la situation et oriente le malade vers une formation sanitaire adéquate. En quelques jours, Hassan Hayek réussit à mobiliser auprès d'âmes généreuse les 7 millions de frs CFA nécessaires à l'opération. Mikou est sauvé à la Clinique Danga.

Cette opération de sauvetage apporte du réconfort et du baume au cœur d'Hassan et de ses amis. Ils sont convaincus qu'ils font œuvre utile.

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Mais Hassan a un petit blocage religieux. La religion musulmane interdit que soient divulgués les actes de charité. Mais si on n'en parle pas, il n'y a pas de transparence dans la gestion des fonds reçus et il n'y a pas non plus de donateurs. Il s'en ouvre à un Imam dans une Mosquée de Marcory, qui l'autorise à communiquer sur ses actions.

Il crée donc le groupe « Bénévoles de Premier Secours (BPS)» auquel adhérent de nombreuses personnes.

Un jour d'Août 2017, il ouvre une page Facebook du groupe à 04 heures du matin. Deux heures plus tard, soit à 06 heures du matin, le groupe cumule dejà 17.000 adhérents.

Il a à ce jour 400. 000 Bénévoles, répartis entre 13 pays. A leur actif, ils ont fait ces dernières années 13.500 interventions, offert 1.600 fauteuils roulants et 600 tricycles aux infimes.

Même dans cet élan humanitaire, les critiques négatives ne tardent pas à venir. Certains accusent Hassan Hayek de blanchiment d'argent, de trafic d'organes et de dealer de drogue. Cela le peine.

Un jour, un donateur au Liban offre de faire opérer un enfant Ivoirien souffrant de sarcome à Beyrouth. Hassan hésite. S'il fait voyager l'enfant au Liban et que les choses se passent mal éventuellement, il sera accusé de partout. Il renonce à faire voyager le garçon qui décède plus tard.

Et puis, il y a aussi les menaces. Un responsable politique connu a rendu visite à Hassan dans son restaurant pour lui apporter son soutien comme le font des milliers d'Ivoiriens. A la suite de cette visite, Hassan est menacé de mort.

Hassan reste aussi traumatisé par des cas qui lui ont été confiés : le cas de la petite grâce, 4 ans, violée à Dimbokro et morte pendant l'opération et le bébé de 6 mois violés à Tabou par des inconnus.

Hassan Hayek est Ivoirien dans l'âme. même s'il n'a pas encore ses papiers officiels de naturalisation. Ce pays est le sien, est sa sève et sa vie . Mais dès que survient une incompréhension sur les réseaux sociaux ou qu' il fait une intervention qui donne lieu à des polémiques , il est traité d' étranger et cela le peine énormément, dans un pays où il a toute sa vie et sa vocation.

Mais Hassan poursuit sa mission avec ses collaborateurs Amadou Ouattara, Dion Fall Diakité, Ben Moustapha Konaté, Myra Yaou, Ouédraogo Youssouf, Olivia Abayémou.

Jeunes, la vie d'Hassan Hayek est un témoignage d'humilité et de détachement du matériel.

Jeunes, Hassan Hayek vous dit : le matériel est fugace et délétère . Il y a plus fort que l'argent dans la vie d'un être humain ; le service gratuit aux autres humains de la communauté est une autre forme de réalisation et de bonheur. Tout n'est pas qu'argent en cette vie .

(LE PROFIL COMPLET D'HASSAN HAYEK SERA DISPONIBLE LE 27 DÉCEMBRE 2020 )

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