Dans la deuxième et dernière partie de cette interview de Loukimane Camara, accordée à Soir Info, le député et secrétaire national du Rassemblement des républicains (RDR) chargé de la promotion des cadres du parti estime que « Le cumul de postes n'est pas un bon facteur de cohésion sociale ».
Où voulez-vous en venir ?
Parcourons ensemble une brève histoire des organisations politiques sous la cinquième République en France : De Gaulle a créé le Rassemblement pour la France (RPF) pour revenir au pouvoir en 1958. Giscard a créé l'UDF en 1974 pour conquérir et exercer le pouvoir; Jacques Chirac le RPR en 1976, et le président Sarkozy l'UMP en 2007. A gauche, Mitterrand a créé et exercé le pouvoir avec le parti socialiste. Ces partis n'ont pas survécu à leurs mentors.
Chez nous, le président Laurent Gbagbo a créé le Fpi, parti avec lequel il a conquis et et exercé le pouvoir. Il en est de même du président Alassane Ouattara avec le Rdr. Le président Sarkozy a tenté de revenir au pouvoir avec « Les Républicains », et il a échoué. Le président Alassane Ouattara veut-il continuer le pouvoir après 2020 avec le Rhdp unifié ? Aux lecteurs de tirer les conclusions pertinentes.
Et vous, quelles conclusions en tirez-vous?
La nouvelle génération n'attend pas d'héritage. Elle est suffisamment bien formée, suffisamment mature pour créer toute organisation capable de l'accompagner à la conquête et à l'exercice du pouvoir d'Etat. Le président Macron l'a fait avec le mouvement « En Marche ». Nous le ferons avec des mouvements portés par les réseaux sociaux. Les partis politiques à l'ancienne sont en fin de cycle.
Si la Côte d'Ivoire veut se singulariser positivement, nous gagnerons à sauver le seul parti historique qui nous reste sur le continent, après l'ANC, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire, (PDCI), fondé par nos pères et le président Houphouët-Boigny pour porter le combat contre la colonisation. Ce combat rentre dans l'histoire positive de notre pays, et nous pourrions en faire un atout culturel, historique et touristique.
L'actualité politique a été aussi marquée récemment par les violences survenues à Korhogo où un militant du Raci a trouvé la mort à la suite de l'attaque d'une réunion à laquelle il devait prendre part. Qu'en dites-vous ?
Hélas regrettable ! L'histoire récente du multipartisme dans notre pays nous enseigne ceci: Le jeune collégien Domin Achi a été assassiné en 1990 à Adzopé, pour empêcher le Fpi d'exister. Ce parti a conquis et exercé le pouvoir d'Etat en 2000. Le RDR, le parti de l'opposant Alassane Ouattara, a été interdit de meeting à Dabou en 1999. Aujourd'hui, il dirige ce pays avec le même PDCI.
Les statisticiens savent où je veux en venir. Les mêmes phénomènes se reproduisent tous les quarts de siècle (vingt-cinq ans et environ). Les nombres en sont les meilleurs signifiants et indicateurs. C'est en cela que ce sont les statisticiens qui les perçoivent. Il faut les consulter et les écouter. Les politiques ne voient pas ces phénomènes, non pas par cécité, mais parce que le pouvoir ferme le cœur à certains phénomènes de la vie.
Relativement à la présidentielle de 2020, le président de l'Assemblée nationale, Guillaume Soro, sur France 24, a dit vouloir réfléchir sérieusement à sa candidature. Le voyez-vous candidat ?
Tout dépend de lui. Réfléchir est un acte normal de la vie: évaluer ses forces et faiblesses, et bâtir une stratégie gagnante. Il a dirigé avec succès une organisation politique et militaire, les Forces nouvelles. Il a dirigé le ministère de la Défense de Côte d'Ivoire. Il a pu se réconcilier, sincèrement, avec celui contre qui il a porté le glaive, le président Laurent Gbagbo, et dans le cadre du CPC (Cadre permanent des concertation, NDLR), a réussi l'organisation des élections générales de 2010.
Il a été premier ministre de Côte d'Ivoire, avec succès, sous les présidents Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. C'est une source de légitimité historique, s'il parvenait un jour au pouvoir en tant que chef d'Etat. Ce serait un manque d'ambition s'il ne réfléchissait pas à la question. Cela dit, Jacques Delors a été très brillant. Il a construit l'Europe avec la commission européenne, mais il a refusé de répondre à l'appel des socialistes français en 1995, au moment où il était la personne la mieux indiquée. Le combat politique est une décision personnelle et individuelle.
Les élections municipales et régionales sont prévues officiellement pour le 13 octobre prochain. Comment appréhendez-vous ces scrutins ?
Comme toutes les autres élections. Les Ivoiriens sont matures et ne se laisseront plus manipuler par des discours du genre : « Si on perd le pouvoir, c'en est fini pour notre espèce ! ». Ce disque est rayé et tout le monde voit clair. Ce serait malheureux que nous ne puissions pas tirer les bonnes leçons, au plan national et local, sur cette longue crise politique et sociale que le pays a vécue. Aussi, avons-nous, dans le Bounkani, décidé une répartition des postes, en sorte qu'il y ait moins de frictions. Je soutiendrai donc des candidats RDR ou PDCI, s'ils étaient les candidats issus de l'arbitrage local en cours.
Êtes-vous candidat à une de ces élections couplées ?
Non, je suis député. D'autres cadres nous représenteront pour les municipales et régionales. Le cumul de postes n'est pas un bon facteur de cohésion sociale. En plus, ce n'est pas un facteur d'efficacité. Par contre, c'est un moyen de création et de maintien de barrons locaux. A nous de choisir.