Lieutenant-colonel Damiba: « Et la chute, actée, était prévisible »

La chanson « Politiki mangni » d'Alpha Blondy, qui dénonce la versatilité de ce monde hypocrite, décrit à merveille le destin tragique du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba.

Le 24 janvier 2022, il était chaleureusement applaudi, comme le sauveur, au son de « Vive le colonel », quand il a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, vu comme un incapable. Et huit mois plus tard, le 30 septembre, c'est sous les huées et quolibets du « A bas le colonel » qu'il est remercié.

« Notre idéal commun de départ a été trahi. Loin de libérer les territoires occupés, les zones jadis paisibles sont passées sous contrôle terroriste », fustigent les putschistes qui ont renversé leur incompétent ou impuissant « chef de classe ».

L'insécurité croissante a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase de la grande muette. En prenant la tête du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR, junte militaire), l'officier Damiba a fait de la sécurité « la priorité principale » de son mandat.

Echec et mat. La situation sécuritaire n'a fait qu'évoluer de Charybde en Scylla. Près de la moitié du territoire national échappe au contrôle de l'État. Et les attaques n'ont pas cessé, dont la dernière, le 26 septembre à Gaskindé, au nord du pays, et ayant eu pour cible un convoi de ravitaillement escorté par l'armée, a mis le feu aux poudres.

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Mais le ver était déjà dans un fruit blet. En panne d'idées et face à une situation de plus en plus ingérable, Damiba est allé dans tous les sens, multipliant les fautes pour s'attirer les foudres de la majorité de ses compatriotes. Et la chute, actée, était prévisible.

Le lieutenant-colonel Damiba n'a pas cherché très loin pour sauver son pouvoir en perte de vitesse. Il a utilisé les mêmes vieilles recettes, qui n'ont pas sauvé ses prédécesseurs et . A leur instar, il a limogé, le 13 septembre, le général Barthélémy Simporé pour prendre lui-même le portefeuille de la Défense. En pure perte.

Et si, dans sa quête de solutions introuvables, sa rencontre, le 21 juin, avec l'ex-président Kaboré et l'ex-putschiste Jean-Baptiste Ouédraogo, n'a presque soulevé aucune vague, malgré l'aveu d'impuissance, Damiba a dégoupillé la grenade, en y associant, le 8 juillet, Blaise Compaoré.

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Le mouvement de colère d'une partie de la population, qui a empêché Roch Kaboré d'assister à cette dernière rencontre, montre que les blessures de l'ère Compaoré n'ont pas encore été cicatrisées. De plus, de nombreuses voix se sont élevées pour condamner « le déni de justice » et l'impunité accordée à l'ex-président du Burkina Faso (15 octobre 1987 – 31 octobre 2014), qui a foulé le sol burkinabé sans être inquiété par la justice.

Renversé du pouvoir par une insurrection populaire, Compaoré a trouvé refuge en Côte d'Ivoire, pays qui lui a accordé aussitôt sa nationalité et qui a refusé de l'extrader. Condamné, par contumace le 6 avril, à la prison à perpétuité pour l'assassinat du capitaine Thomas Sankara, il est l'objet d'un mandat d'arrêt international.

Coaché par Alassane Ouattara sous les grâces duquel il s'est trouvé, Damiba a été à la manoeuvre pour faire d'une pierre deux coups. D'une part, tenter, au nom de la réconciliation nationale, un retour en douceur de Compaoré, qui lui ferait bénéficier de son carnet d'adresses pour lutter contre le terrorisme.

Dans la mise en scène, celui-ci, le 26 juillet au palais présidentiel burkinabé, a ainsi « demandé pardon » aux Burkinabè et à la famille de Thomas Sankara, à travers sa fille qui était accompagnée d'Ally Coulibaly, conseiller du tuteur politique Ouattara.

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D'autre part, être sous la coupe du président ivoirien et donc sous le parapluie atomique de la Cedeao et de la communauté occidentale dont la France. Il a accepté un agenda de retour à l'ordre constitutionnel normal, en juillet 2024, alors que le retour à la paix et la restauration de l'intégrité territoriale du Burkina, qui étaient sa boussole, restent des voeux pieux.

Il a alors été reçu, le 5 septembre, en grandes pompes à Abidjan, affublé du titre de « président de la République » et a eu plus d'une heure d'échanges avec Compaoré. Au grand dam de nombre de ses compatriotes qui ont été vent debout pour critiquer une déviation politique de la trajectoire.

Et tant va la cruche à l'eau qu'à la fin, elle se brise. Et le 30 septembre 2022, Damiba a été renversé par le capitaine Ibrahim Traoré. Il a le même grade et presque le même âge que …Thomas Sankara à sa prise du pouvoir le 4 août 1983, pour conduire la révolution au Pays des Hommes intègres.

F. M. Bally

Written by Ferro Bally

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