Paris – Gbagbo : chronologie d’une crise d’état, tout sur le déroulement des événements entre le 31 octobre et le 9 novembre 2004

Entre la France et Laurent Gbagbo le divorce est consommé. Le déroulé des événements entre le 31 octobre et le 9 novembre 2004.

Ce dimanche 31 octobre s'annonce rude pour Michel de Bonnecorse. Le « Monsieur  » de doit appeler et préparer une conversation téléphonique entre les deux Présidents. Il y a urgence. Les notes de la DGSE sont claires : des armes sont acheminées, les sukhoï-25 sont équipés. Le Président Gbagbo va attaquer le Nord, aux mains des rebelles depuis septembre 2002. Une violation du cessez-le-feu que les 4000 Français de Licorne et les 6500 soldats de l' doivent faire respecter. Depuis deux mois, les autorités françaises ont réalisé que Laurent Gbagbo ne veut pas des élections prévues, pour octobre 2005, par les accords de paix de .

Depuis l'alliance des deux grands partis d'opposition, il ne peut pas gagner: ensemble, le -où se retrouvent beaucoup de « nordistes »- et le PDCI dans lequel se reconnaît l'ethnie majoritaire , représentent 70% de l'électorat ! Michel de Bonnecorse se demande parfois si ce n'est pas Thabo Mbeki, le , qui avait raison : la communauté internationale n'aurait pas dû, en octobre 2000, avaliser le scrutin d'où était sorti le nom de Gbagbo. Une élection où le candidat du PDCI et celui du RDR n'avaient pas eu le droit de se présenter.

Faire avec

Mais en 2000, c'était la cohabitation. Chirac avait des soucis et les socialistes étaient ravis de l'élection du « camarade Laurent ». La avait reconnu le nouveau Président. Aujourd'hui, elle doit faire avec, jusqu'à l'élection. L' peut se féliciter d'avoir jusqu'ici évité le bain de sang entre les « blocs de haine » qui divisent son ancienne colonie, mais Novembre est lourd de menaces. Au Sud, Laurent Gbagbo n'a pas fait voter les lois prévues à Marcoussis. Au Nord, les rebelles refusent de désarmer. La situation est bloquée, Laurent Gbagbo va attaquer. Michel de Bonnecorse doit lui téléphoner.
Dix jours plus tard, l' a perdu neuf hommes. Des Ivoiriens, militaires ou civils, sont morts sous ses balles. La quasi-totalité des Français a fui le . Et la politique française en Afrique, comme la Côte-d'Ivoire ravagée par les émeutes, est en ruines.
La France et son armée se sont retrouvées piégées. Ses erreurs et indécisions, diplomatiques et militaires, ont brouillé son image. Même si, cette fois encore, elles ont repoussé le carnage.

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Lundi 1er novembre

, siège de l'état-major.
Jules YaoYao, porte-parole des Forces armées nationales de Côte-d'Ivoire (les Fanci du Président Gbagbo), annonce que l'armée a fermé les deux routes du Nord. Mais il rejette toute « velléités de guerre ».

Mardi 2 novembre

Abidjan, l'après-midi.
Les diplomates et militaires français connaissent Jules Yao-Yao. Il était un visiteur assidu de leur centre culturel… avant que des émeutiers pro-Gbagbo, le pillent, en janvier 2003. Mais, comme son chef, le général Mathias Doué, l'homme est sous surveillance du régime.
« Je ne voudrais pas qu'on colle une balle à ceux, comme moi, majoritaires dans l'armée, qui veulent une issue pacifique à la crise », confiait-il récemment. Les assurances de Yao-Yao sont prises avec circonspection par les Français persuadés du « double langage de Laurent Gbagbo : à lui et ses porte-paroles les apaisants, à son entourage la recherche de martyrs ». L'ambassadeur Gildas Le Lidec et le général Poncet se rendent chez le Président. Officiellement pour le mettre en garde.

Mercredi 3 novembre

, Elysée, fin d'après midi.
Jacques Chirac est excédé par la Côte-d'Ivoire. Il a réuni , ministre des Affaires étrangères, et Michel de Bonnecorse. C'est l'heure d'appeler Laurent Gbagbo. Il contient sa colère: « Laurent, je sais ce que tu prépares. La communauté internationale ne tolérera pas que tu violes le cessez-le-feu”.» Laurent Gbagbo de répondre, en substance, évoquant son entourage: «Jacques, je ne les tiens plus, si je n'y vais pas ils vont me déborder. » “Au moindre dérapage, nous interviendrons” précise Chirac. Sous entendu: le dérapage, ce serait des victimes civiles.
Gbagbo perç-il cet appel comme un feu vert? Un film de propagande du pouvoir ivoirien affirme . “Avec la bénédiction des autorités françaises notre armée a entamé le 4 novembre la reconquête du Nord”. « Si Laurent Gbagbo reprenait Bouaké, il rendait symboliquement leur ville aux Baoulés, il était le réunificateur. On pouvait le convaincre d'aller aux élections sans être obligatoirement battu. », concède-t-on à Paris. Après cet appel, Laurent Gbagbo lance l'opération « Dignité ».

Jeudi 4 novembre

Abidjan, quartier du , deux heures.
Sept hommes s'introduisent dans l'immeuble des radios internationales. Quelques minutes plus tard, (), la et N°1 se taisent. La « Dignité » n'aura pas de témoins.

Zone rebelle, quatre heures.
Le Nord de la Côte-d'Ivoire plonge dans l'obscurité. L'eau, le téléphone et l'électricité, gérés depuis le Sud, sont coupés.

, 7 heures.
Sur la piste de l'aéroport, deux Sukhoï-25 de l'armée ivoirienne décollent vers le Nord. Quinze minutes plus tard, ils mitraillent un barrage rebelle à Bouaké. Le cessez-le- feu est violé, sous les yeux des « forces impartiales », Onuci et Licorne. Présentes à l'aéroport, elles n'ont pas bougé.

Siège de la Radio télévision ivoirienne, 9h.
Un convoi des Fanci surgit dans la cour. Avec les militaires, il y a deux anciens dirigeants de la , Georges Aboké et Jean Paul Dahily. Ils sont très proches de Gbagbo. Comme l'homme qui les accompagne : Silvère Nebout, conseiller en communication du Président. Escortés par les militaire, ils s'emparent de la télévision. Les journalistes « patriotes » vont y faire la loi. Les radios internationales réduites au silence, le pouvoir détient l'arme médiatique pour sa guerre.

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10 heures devant le 43ème BIMA .
par la RTI que la guerre de « reconquête » du Nord a commencé, plusieurs centaines de jeunes patriotes se rassemblent devant la base de Licorne, pour “exiger de la France le désarmement des rebelles.”
11 heures, Paris, ministère de la Défense
Jean-François Bureau, le porte-parole du ministère, n'est pas au mieux. Les journalistes l'interrogent sur l'attitude de la France devant cette violation du cessez-le-feu. Ça flotte dans les réponses. “On savait mais on n'a pas anticipé», glisse un gradé.

Abidjan, état-major des Fanci, fin de matinée.
Les « patriotes » arrivent au siège de l'état-major, où le général Mathias Doué, les reçoit. Ils le détestent et voient en lui, « l'homme des Français », un modéré, par qui un coup d'état pourrait arriver. Il est chef d'état-major mais rien de sensible – achats d'armes, plans d'offensive…- ne passe par lui. Mais l'heure est à l'unité nationale. Tous derrière l'armée! Mathias Doué reçoit la délégation conduite par le « général de la jeunesse », Charles Blé Goudé. Il se met à l'unisson des « visiteurs »: «Aujourd'hui est un grand jour. Debout, soyez tous derrière nous pour délivrer le pays. A l'heure où je vous parle, le soleil s'est levé sur la Côte-d'Ivoire, le soleil s'est levé sur vous et il s'est couché sur les autres.” Galvanisés, les « patriotes », repartent faire leur guerre aux « ennemis de la Côte-d'Ivoire ».

Abidjan, l'après midi.
Les journaux de l'opposition sont les premiers visés. Celui du RDR est attaqué par 200 manifestants. Ils y mettent le feu. Au , proche du PDCI, ils cassent les ordinateurs, emportent la télévision et l'antenne parabolique. 24 heures, journal « indépendant », donc suspecté d'opposition, voit ses locaux incendiés, son matériel brisé.
Il ne reste pour informer les 5 millions d'Abidjanais que la patriotique RTI et les « journaux bleus », proches du pouvoir.

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Dans la même journée, escortés par des « corps habillés » -gendarmes, policiers ou soldats- des “patriotes” surgissent à l', où se terrent depuis huit mois, sous protection de l' et des militaires français, neuf ministres d'opposition, dont ceux de la rébellion. « On vient chercher les ministres pour finir le travail », lance un patriote aux soldats. « Il faudra nous passer dessus », répond un officier. Face-à-face tendu. « Je n'aime pas ce qu'il m'a dit, sa phrase me rappelle le  », commente, peu après, l' officier.

New York , fin de soirée.
A l'issue d'une réunion de Conseil de sécurité des Nations Unies, son président, l'américain John Danforth, exige que le cessez-le-feu soit «pleinement respecté». Le Conseil se déclare « activement mobilisé » et décide de se saisir de la question ivoirienne…la semaine suivante.
Les indignations de l'ONU n'arrêtent pas Laurent Gbagbo… LIRE LA SUITE

Written by YECLO.com

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