Second tour Présidentielle du 28 novembre 2010: Voici le rapport de la Mission de l’Union européenne

C'est un second tour de l'élection présidentielle tendu qu'a relevé la mission d'observation de l'Union européenne, en Côte d'Ivoire en 2010.

Abidjan, le 30 novembre 2010 VERSION OFFICIELLE
La Mission d'observation électorale de l'Union Européenne (MOE UE) est en Côte d'Ivoire
depuis le 7 octobre, sur invitation de la Commission électorale indépendante (CEI) et du
gouvernement de la République de Côte d'Ivoire. La MOE UE est dirigée par M. Cristian Preda,
membre du Parlement européen. 120 observateurs, ressortissants de 24 des 27 Etats-membres de
l'Union Européenne (UE), de la et de la Norvège ont été déployés dans le dans le
but d'évaluer le processus électoral au regard des standards internationaux et régionaux pour
les élections ainsi que des lois de la République de Côte d'Ivoire. La MOE UE est indépendante
dans ses conclusions et adhère à la Déclaration de principes pour l'observation électorale
commémorée aux Nations Unies en octobre 2005. La Mission a observé le premier tour des
élections le 31 octobre et a publié une Déclaration suite au scrutin.
En ce qui concerne le second tour, le jour du scrutin les observateurs de la MOE UE ont visité
943 bureaux de vote sur 20.073 (soit 4,7%) dans tous le pays pour y observer l'ouverture des
bureaux de vote, les opérations de vote et de décompte des voix. La MOE UE reste dans le pays
pour observer les développements postélectoraux et, en particulier, l'aggrégation des résultats
par la Commission électorale indépendante (CEI). Cette déclaration est préliminaire et la
MOE EU ne tirera pas de conclusions finales avant l'achèvement de la compilation et de
l'annonce des résultats finaux du second tour. Un rapport final sera publié environ deux mois
après la fin du processus et du contentieux éventuel sur les résultats de l'élection.
CONCLUSIONS PRELIMINAIRES
Les Ivoiriens se sont déplacés en nombre pour voter au second tour des élections présidentielles,
mais de façon plus réduite qu'au premier tour et des violences et intimidations ont été constatées.
L'organisation du scrutin s'est améliorée mais a encore souffert de défaillances.
L'atmosphère de suspicion et d'insécurité qui s'est développée au cours de la campagne s'est
sensiblement aggravée suite au couvre- feu institué deux jours avant le scrutin.
La MOE UE est profondément désolée que ces élections se traduisent par des morts et des
blessés.
La MOE constate que la Côte d'Ivoire est dotée des instruments juridiques qui lui permettent de
se conformer aux normes internationales en matière d'élections démocratiques et qu'il
appartient aux acteurs d'agir dans ce cadre en toute responsabilité pour mener à bien le
processus électoral.
Au jour de la publication de cette déclaration, le processus electoral n'est pas achevé, et la MOE
UE ne peut se prononcer que sur ce qu'elle a pu observer. Sur cette base, elle constate les
éléments suivants:
 Les observateurs de la MOE UE ont évalué positivement les opérations du scrutin dans
73% des bureaux de vote (BV) observés (qualificatif très bien et bien). Dans 22%
l'évaluation est acceptable. L'affluence a été moindre qu'au premier tour, mais reste
importante.
 Seuls 17% des BV observés ont respecté l'heure d'ouverture. Le couvre feu, où il a été
respecté, n'a pas permis aux membres des bureaux de vote (MBV) d'arriver à temps pour
mettre en place leur bureau.
 Les représentants des deux candidats étaient présents dans 94,7% (candidat Gbagbo) et
92,6% (candidat Ouattara) des BV observés sur l'ensemble du territoire. La Mission n'a
observé, dans les 943 BV visités aucun cas d'absence de représentation d'au moins un
candidat.
 Les opérations de préparation du second tour n'ont pas fait l'objet d'améliorations
notables par rapport au premier tour, ce qui s'est traduit par une communication
insuffisante vers ses démembrements géographiques, et un manque de planification de
ses activités. La CEI n'a pas non plus assuré un suivi des réclamations concernant les
cartes d'électeurs, sans qu'il soit possible d'estimer le nombre d'électeurs privés du droit
de suffrage.
 La MOE UE n'a pas pu observer l'ensemble des opérations préparatoires au scrutin telles
que l'impression des bulletins de vote ou les formations des membres des bureaux de
vote. L'accès complet au scrutin a toutefois été autorisé à partir du 27 novembre.
 La logistique électorale et son financement ont principalement été assurés par les
institutions internationales. Un manque de matériel électoral a été constaté dans 15% des
BV observés.
 Les procédures de vote ont été respectées dans 75% (qualificatif très bien et bien). Dans
21% l'évaluation est acceptable. Des intimidations et des empêchements de vote se sont
produits en plusieurs endroits du pays.
 Les deux candidats ont mené des activités de précampagne avant le démarrage officiel de
la campagne électorale. Le ton de la campagne électorale s'est radicalisé par rapport au
premier tour, beaucoup plus serein. La ville d'Abidjan et quelques localités du pays ont
été le théatre de violents incidents durant la campagne.
 Le cadre juridique régissant le financement de campagne n'oblige pas les candidats à
publier leurs comptes, en identifiant les sources des dons et les dépenses effectuées. Cette
lacune a ouvert la voie à des pratiques d'achat des consciences.
 L'accès équitable des candidats aux médias publics n'a pas été assuré pendant la
precampagne. Les programmes d'information des médias du service public ont assuré
une couverture largement bénéficiaire au candidat Gbagbo. Les organes de régulation des
médias, à l'exception du qu'il convient de saluer, n'ont pas joué leur rôle
efficacement.
 En dépit des appels au calme de la communauté internationale et des deux candidats,
notamment lors de leur duel télévisé, la tenue du scrutin a été marquée par actes de
violence entrainant de nombreux blessés et plusieurs décès.
 Le maintien du couvre feu a contribué à la montée de la tension et a alimenté un climat de
suspicion dans la population. Les BV et CEIL ont été confrontés à une situation qui a
désorganisé leur processus de compilation et de transmission des résultats.
 Le cadre juridique dote le Conseil constitutionnel, dont les membres sont nommés par le
Président de la République, de la compétence exclusive de décider, en dernier recours,
des résultats définitifs de l'élection .
 La MOE UE recommande aux acteurs impliqués dans le processus électoral, les
institutions et les candidats, de prendre des mesures pour mener à bien le deuxième tour
de cette élection présidentielle dans le respect des normes nationales et internationales
pour des élections démocratiques, et du vote du citoyen ivoirien.
CONTEXTE POLITIQUE______________________________________________________
Les élections présidentielles de 2010 devraient constituer le point final de onze années de crise
politique intense. Elles sont aussi l'aboutissement d'un complexe processus de sortie de crise de
trois ans et demi, tracé par l'Accord Politique de Ouagadougou du 4 mars 2007. Le premier tour
du scrutin, le 31 octobre, s'est déroulé dans le calme. Il a été marqué par une participation très
élevée de la population.
Au terme d'une période de dix ans sans élections présidentielles, ce premier tour du scrutin a
permis de matérialiser l'importance des principaux acteurs de la scène politique ivoirienne. Les
candidats Laurent Gbagbo et ont obtenu les deux scores les plus importants,
les qualifiant ainsi pour le second tour. Ce résultat a contraint les trois principaux partis à
reconsidérer leur positionnement sur l'échiquier politique. Car s'ils monopolisent à eux seuls la
vie politique ivoirienne, aucun d'entre eux n'est parvenu à obtenir la majorité absolue. Ils ont
donc été contraints à s'engager dans une dynamique d'alliances.
Le bloc de l'opposition et la mouvance présidentielle ont tous deux réussi à maintenir leur
cohésion, voire à en renforcer la solidité.
. Le candidat Ouattara a obtenu le soutien de candidats
malheureux membres du
(), la coalition de l'opposition. Ce fut donc le cas d'Henri Konan Bédié. Les équipes de
campagne des deux candidats ont fait l'objet de reconfigurations importantes au lendemain du
premier tour.
Le bloc de l'opposition a mis en place un Conseil politique et une Direction nationale de
campagne mixte. Au niveau régional et départemental, le RHDP a choisi de tirer profit de sa
composition plurielle et des scores obtenus localement, en nommant chef de campagne celui des
partis ayant obtenu le score le plus important dans la circonscription considérée. Des
personnalités connues, originaires de chaque région, ont été promues aux directions régionales et
départementales de campagne. Pour sa part, la n'a modifié ses représentations locales que
de manière très mineure. Elle a toutefois procédé à une redistribution des responsabilités au
niveau de sa direction centrale de campagne et de sa stratégie.

1
Entre autres par l'annonce faite par le candidat Ouattara le 20 novembre qu'il offrirait le poste de Premier
ministre à un membre du PDCI.
Seuls deux des candidats malheureux n'ont pas formulé de consignes de vote. Les autres se sont
positionnés pour moitié en faveur du RHDP, et pour moitié pour la LMP. Le PIT2
s'est scindé en
deux suite à une polémique interne sur la personnalité à soutenir, provoquant la démission de son
président, F. Wodié. L'importance des consignes de vote des petits candidats ne doit cependant
pas être surestimée, leur poids total combiné lors du premier tour restant très limité.
La certification des résultats du premier tour
Le 12 novembre, le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nation Unies en Côte
d'Ivoire, qui a légalement accès à tous les procès verbaux (PV), a certifié les résultats définitifs
du premier tour sur la base des cinq critères-cadres retenus. Il a affirmé que « l'ensemble du
processus menant à la proclamation des résultats définitifs était pacifique et démocratique, que
les résultats ainsi proclamés ont été déterminés à travers un processus équitable et transparent, et
que les anomalies et autres irrégularités mineures ainsi que les erreurs ne sont pas de nature à
affecter de manière significative les résultats de l'élection dans leur ensemble ».
CADRE JURIDIQUE___________________________________________________________
Le contentieux
Le Président de la République nomme le président du Conseil constitutionnel ainsi que ses 6
conseillers dont trois sont désignés par le seul Président de l'. Le Conseil
est chargé du contentieux des requêtes des candidats et reç à cette fin copie de l'ensemble des
procès-verbaux. Les deux candidats ne disposent que de trois jours suivant la clôture du scrutin
pour présenter leurs requêtes, ce qui risque de se produire avant qu'ils aient connaissance des
résultats provisoires nationaux. Les copies des procès-verbaux détenus par leurs représentants, y
compris les réclamations enregistrées aux bureaux de vote, leur permettent de contester la
régularité du scrutin ou de son dépouillement. Au sein du Conseil ces nombreux documents sont
traités par huit rapporteurs nommés selon des conditions déterminées par décret
3
.
Le Conseil est compétent pour rendre définitifs dans le délai de sept jours les résultats transmis
par la CEI, ou pour annuler le scrutin du second tour4
. Le pouvoir du Conseil de réformer les
résultats de la CEI ne s'applique qu'aux élections des députés5
. En cas de constatation
d'évènements graves, le Conseil a le pouvoir de reporter les élections sur saisine par le Président
de la CEI6
. Les décisions du Conseil constitutionnel sont délibérées à huis clos, adoptées à la
majorité par au moins cinq de ses membres et elles sont rendues en audience publique. En cas de
partage de voix, celle du Président est prépondérante. Les parties, leurs représentants, les experts
et conseils, participent aux débats7
. Les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à tous et

2
Parti Ivoirien des Travailleurs, un des plus anciens partis de Côte d'Ivoire.
3 Article 17, Loi 2001-303, le dite décret reste introuvable, l'identité de huit rapporteurs inconnue.
4 Article 31 Loi 2001-303 se référant au Code électoral : Article 64 nouveau
5 Article 39 Loi 2001-303
6 Article 38 de la Constitution ; Article 47 de l'Ordonnance 2008-133.
7 Article 15, Loi 2001-303
ne sont susceptibles d'aucun recours.8 Dans les 48 heures de la proclamation définitive des
résultats, le Président de la République élu prête serment devant le Conseil constitutionnel9
.
La cadre réglementaire électoral
La législation organique ivoirienne fournit les bases à la tenue d'élections démocratiques en
conformité avec les normes internationales. Elle répartit le pouvoir règlementaire entre l'exécutif
et la CEI. Du fait que ces deux institutions ne publient pas systématiquement les décrets et
arrêtés introduit une incertitude sur les modalités régissant les élections10. Ainsi, les électeurs se
sont rendus aux urnes, alors que leurs libertés fondamentales avaient été suspendues par un
décret instituant un couvre-feu dont les dispositions n'ont été publiées qu'après le jour du
scrutin.
Le financement de la campagne
En dépit d'une loi organique prévoyant un financement public de la campagne présidentielle11
,
une distorsion persiste en faveur des candidats dotés de moyens indépendants12. La loi dispose
qu'une commission établie par décret devrait fixer le montant global disponible au budget public
de l'année électorale. La commission n'a pas été constiuée et la somme n'a pas été ident ifiable
dans le budget de l'année fiscale 2010. Malgré l'octroi de fonds publics, les candidats à la
présidentielle peuvent aussi cumuler des contributions des sociétés nationales et des personnes
physiques. Dans les faits, des directeurs de grandes entreprises d'Etat jouent le rôle de
responsables de campagne. Les travaux préparatoires à la loi avaient envisagé, dans un esprit
d'équité, un plafonnement des dépenses de campagne, disposition non reprise dans le texte voté.
L'utilisation des biens de l'Etat, en dehors de celle des véhicules administratifs, à des fins de
propagande électorale n'est pas formellement proscrite. L'importance des dépenses consacrées
par les deux finalistes à leurs campagnes suscite des interrogations sur la légitimité de l'origine
des fonds. Il est regrettable que ceci ne puisse être clarifié car le cadre juridique n'impose aucune
obligation de publication des comptes de campagne13. Il apparait donc impossible d'identifier les
éventuelles donations interdites d'entreprises privées, d'organisations ou de pays étrangers
14
.
L'absence de transparence pourrait aussi permettre aux candidats d'utiliser des fonds publics qui
échappent au contrôle parlementaire ou judiciaire. Elle pourrait en outre, permettre l'utilisation
des fonds de campagne aux fins d'achat des consciences, notamment des chefs traditionnels,
phénomène ouvertement pratiqué et observé par la MOEUE15. Un projet de loi concernant la

8 Article 98 de la Constitution.
9 Article 39 de la Constitution
10 Article 7 de la Constitution : L'Etat assure à tous les citoyens l'égal accès à l'information.
11 Loi 2004-95 relative au Financement sur fonds Publics des Partis et Groupements Politiques et des Candidats à l'Election
présidentielle. Article 11 et 12 : Une tranche forfaitaire soit 2/5 du montant accordée à parts égales aux candidats ayant obtenue
au moins 10% des suffrages exprimés ; une complémentaire soit 3/5 du montant affectée proportionnellement au nombre de
suffrages obtenues par chaque candidat.
12 PIDCP Article 25 c) d'accéder dans des conditions générales d'égalité, aux fonctions publiques de son pays.
13 Article 9 Charte Africaine, Toute personne a droit à l'information. Préambule de la Constitution de 2000 : La transparence
dans la conduite des affaires publiques.
14 Article 13, Loi 2004-95
15 Code Pénal : Article 213 : Quiconque achète ou vend un suffrage est puni de  » l'emprisonnement  » (Loi no 95-522 du
06/07/1995) de trois mois à un an et d'une amende double de la valeur des choses reçues ou promises. Le Ministère de la Justice
semble marquer un tolérance tacite de cette pratique.
Cour des Comptes, initié en 2002 et abandonné, avait envisagé d'introduire une obligation de
transparence de tous ses rapports sur l'usage des fonds publics16
.
ADMINISTRATION ELECTORALE_____________________________________________
La MOE UE a été empêchée d'observer un nombre important des activités électorales
préparatoires au second tour. Le manque de coopération de la CEI a commencé dès la conférence
de presse donnée par le Chef Observateur le 2 novembre, et s'est poursuivi pendant l'entre deux
tours. Les différents courriers adressés à la CEI par la MOE UE sont restés sans réponse17
. Il a
donc été impossible à la MOE UE d'observer des étapes de la préparation du second tour de
telles que l'impression des documents électoraux ou les formations des fomateurs des MBV. La
MOE UE a reçu une réponse positive de la CEI sous forme d'une circulaire lui donnant accès
complet aux bureaux de vote et aux locaux des CEIL le 27 novembre au soir.
Les modalités de vote du personnel d'astreinte ont été rendues plus strictes que lors du premier
tour, en raison des craintes de vote multiple par les membres des Forces de Défense et de
Sécurité. De même, la CEI a établi une liste d'émargement additionnelle permettant de relever
l'identité du personnel d'astreinte ayant voté dans chaque BV18
.
CARTES D'ÉLECTEURS_______________________________________________________
Les dispositions de réclamation que la CEI avait mis en place pour les électeurs n'ayant pas reçu
leurs cartes, n'ont pas fait l'objet de suivi. Un certain nombre d'électeurs, difficile à estimer,
pourrait donc avoir été privé du droit de suffrage. Des réclamations ont été déposées dans
l'ensemble des régions. Les statistiques qui seront réalisées par les CEIL sur la base de ces
réclamations permettront de déterminer le nombre précis des électeurs n'ayant pu exercer leur
droit.
Le nombre précis des cartes d'électeur non distribuées lors du premier tour n'a pas pu être
déterminé.
La MOE UE a constaté lors du second tour que le solde des cartes non distribuées a été mis à
disposition des électeurs dans 63% des BV observés.

PREPARATION DU SCRUTIN__________________________________________________
L'impression du matériel sensible (bulletins de vote et procès verbaux) n'a pas pu être observée
par la MOE UE en raison de l'empêchement de son observation par la CEI. Les documents

16 Projet de loi 2001-061A
17 L'unique réponse de la CEI a été formulée suite au communiqué de presse du Chef observateur du 24 novembre et a été
particulièrement violente.
18 Contrairement au premier tour, une case pour les électeurs non inscrits dans le BV y ayant voté a été introduit dans le PV. Dans
la circulaire 013/CEI/PDT du 17 novembre 2010, la CEI a décidé que le personnel d'astreinte peut voter seulement avec sa carte
d'électeur et en présentant la copie originale de l'ordre de mission, qui va être retiré après le vote. Après quoi, il émargera sur la
liste spéciale prévu pour lui à cet effet.
électoraux auraient été sécurisés par une garde ininterrompue dont la CEI a déterminé les règles,
et par des dispositifs internes de sauvegarde. La CEI aurait eu recours aux services d'une société
spécialisée pour la production des hologrammes et des dispositifs de fermeture des kits contenant
le matériel sensible.
LOGISTIQUE ELECTORALE__________________________________________________
Les institutions internationales ont assumé la quasi-totalité de la logistique électorale et de son
financement. Un inventaire du matériel lourd, stocké au sein des CEIL entre les deux tours, a
révélé qu'une grande partie des isoloirs, des scellés et de l'encre manquait. La CEI a préféré le
remplacement intégral des kits électoraux, au rachat des seuls éléments faisant défaut. Cela a
donc augmenté le coût et le temps nécessaire au déploiement de ce matériel.
L'acheminement du matériel lourd et sensible depuis Abidjan vers les CEIL et les BV a été
assuré par l'ONUCI et UNOPS. Il en sera de même pour le retour du matériel19. Les observateurs
ont constaté qu'une partie du matériel faisait défaut dans 15,21% des BV observés.
Les membres des bureaux de vote (MBV)
Lors du premier tour du scrutin, le paiement des MBV n'avait pû être réalisé que grâce à un
décaissement d'urgence de l'Union européenne. Les MBV avaient entravé la transmission des
PV en plusieurs endroits du pays parce qu'ils n'avaient pas été payés. Le nombre important de
défections des MBV à l'issue du premier contraint les CEIL à réviser les listes, en vue de
leur remplacement.
La MOE UE relève que l'établissement de nouvelles listes de MBV a conduit à des conflits entre
superviseurs et commissaires locaux dans de nombreux endroits. Des accusations de placement
partisan pour non respect des critères de recrutement des MBV par les superviseurs20 ont été
observées.
L'observation des formations en cascade du personnel électoral par la MOE UE a été empêchée
par la CEI à divers niveaux. La session de formation des commissaires centraux exceptée, les
formations n'ont commencé que le 22 novembre dans la précipitation. De même, la CEI n'a pas
mis à jour le guide pratique destiné aux MBV, en dépit des différences dans le mode opératoire.
Elle a seulement prévu la distribution de trois supports de formation portant sur les différentes
procédures à suivre dans le BV, sur la validité des bulletins de vote, et sur le remplissage des PV.
La MOE UE relève que les performances des MBV ont été évaluées positivement dans 78%
(qualificatif très bien et bien) des bureaux de vote observés. Dans 18% l'évaluation est
acceptable.

19 Des dispositions dérogatoires ont été prévues pour le et le département de Bouaké où l'ONUCI
a remplacé UNOPS dans l'opération de ramassage des PV depuis les BV. Par ailleurs, l'opération de ramassage des
PV et de retour du matériel des BV vers les CEIL a été financée par le , à travers le panier des fonds du
Programme de Nations Unies pour le développement (). A la différence du premier tour, chaque président de
CEIL a disposé de 50 mille francs CFA afin de louer un véhicule, en cas de défaillance d'UNOPS. Ces derniers
fonds de 450 millions de francs CFA ont été déboursés par le Japon, l'Union Européenne et la Suisse.
20 Arrêté 23/CEI/PDT du 22 septembre 2010.
CAMPAGNE ELECTORALE____________________________________________________
Une “précampagne” de séduction
La période de campagne électorale pour le second tour a été fixée par la CEI, du 19 novembre à
minuit au 26 novembre à minuit. Elle n'a pas été respectée. Comme lors du premier tour, les
partis se sont autorisés à mener des activités de « précampagne »
21
.
L'objectif des deux candidats pour le deuxième tour fut de s'attirer les faveurs de l'électorat
ayant voté pour Henri Konan Bédié au premier tour. Cet électorat est principalement composé du
peuple Baoulé, localisé au centre du pays ainsi que dans sa partie sud. Les candidats ont opté
pour une campagne de proximité en direction de cet électorat décisif. Ces activités de porte à
porte ont été initiées par les directions locales de campagne des deux camps bien avant le 20
novembre.
Un nombre réduit d'activités de précampagne ont été enregistrées avant le 15 novembre, les deux
camps mettant à profit cette période pour se réorganiser. Le 15 novembre, « journée de la
paix »
22
, les deux camps ont tenu simultanément leur premier meeting de précampagne dans des
lieux jugés symboliques : Man pour le président Gbagbo, et pour l'opposition. Le
ton des candidats est resté relativement modéré durant cette période.
Une période de campagne électorale tendue
Les stratégies adoptées par les deux camps pour la période officielle de campagne ont consisté à
consolider leurs positions respectives dans des zones leur étant apparues favorables lors du
premier tour. Le candidat Gbagbo a choisi d'initier sa campagne à Agboville, où il avait
largement devancé ses concurrents23. Il a ensuite tenu la plupart de ses meetings dans des
communes ou dans la périphérie d'Abidjan. Alassane Ouattara a pour sa part tenu son premier
meeting à , une des communes d'Abidjan dans laquelle il avait obtenu un score
important. Il s'est ensuite rendu dans les principales villes de la moitié nord et de l'ouest du pays.
Le seul meeting qui ait été organisé hors de cette zone l'a été à Soubré, une zone qui lui est a
priori sociologiquement défavorable, mais où son allié Henri Konan Bédié avait réalisé une
performance électorale lors du premier tour.
La campagne électorale du second tour n'a pas connu l'atmosphère apaisée qui avait prévalu lors
du premier tour. La veille de l'ouverture de la campagne, le siège du PDCI, transformé en
quartier général du RHDP, a fait l'objet d'attaques de la part d'étudiants se réclamant du camp
présidentiel. Ces violences, qui ont occasionné plusieurs dizaines de blessés et d'importants
dégâts matériels, ont fait monter la tension de manière sensible. Les d'ouverture de
campagne des deux candidats n'ont pas contribué à l'apaisement des esprits. Le président
Gbagbo a conduit une campagne très agressive, centrée sur la question de l'origine de la crise,
dressant une image de faiseur de guerre de son adversaire, face à lui, faiseur de paix. Le

21 Les deux camps ont utilisé ce terme de « précampagne » pour décrire la période précédant la période officielle
campagne au cours de laquelle ils s'autorisaient tout de même à mener des activités partisanes.
22 Le 15 novembre est la « journée de la paix » en Côte d'Ivoire, jour férié créé par le Président Félix Houphouet
Boigny.
23 Remportant 74.8% des voix.
président sortant a attribué à son adversaire la paternité du coup d'état de 1999 et des nombreux
troubles politiques qui ont secoué le pays depuis lors. Il a par ailleurs remis en cause le bilan
économique de son adversaire, faisant le contraste avec ses réalisations, en insistant sur le fait
que le contexte « de guerre » ne lui a pas permis de conduire normalement sa politique. Le
candidat Ouattara a réagi à ces attaques. Il a critiqué la légitimité et le bilan économique et social
de dix années au pouvoir. La campagne du candidat du RHDP est apparue plus modérée que
celle de son rival, et plus centrée sur les notions d'avenir et de changement.
La radicalisation du discours durant la période de campagne a eu un effet clivant sur la société
ivoirienne et a procédé d'une volonté de conquête de l'électorat indécis par la LMP. Elle a
diffusé ce discours grâce à un éventail large de moyens, au nombre desquels un film
24 intitulé
« Ouattara, père de la rébellion », utilisé lors des meetings politiques à l'intérieur du pays. Ce
montage vidéo alliait des images choquantes de guerre et des extraits de discours de chefs
rebelles tendant à montrer l'implication directe du candidat Ouattara dans la survenance de la
rébellion. Des violences ont fait suite à sa diffusion dans plusieurs endroits du pays25, amenant le
Ministère de l'intérieur à émettre un communiqué annonçant l'interdiction de la projection de
films sur les atrocités de la guerre26
. Les Forces Nouvelles ont elles aussi du réagir par
communiqué, le même jour.
Bien que sporadiques et localisées, des violences ont opposé des mouvements de jeunesse à
Abidjan comme dans certains villes du pays. Elles ont occasionné neuf morts, des centaines de
blessés, ainsi que des dégats matériels.
Un débat télévisé s'est tenu entre les deux candidats le 25 novembre sur la chaine nationale. En
dépit des craintes d'escalade verbale de leur part, et de possibles violences associées, le face à
face s'est déroulé de manière courtoise, et les candidats ont pu défendre longuement leurs visions
respectives. Le ton fraternel de cet échange a beaucoup rassuré, mais l'annonce faite par le
président Gbagbo de sa décision d'instaurer un couvre feu pour la période de l'élection a surpris.
Le 27 novembre, veille du scrutin, le Président Gbagbo a effectivement signé ce décret, et l'a fait
lire à la télévision. Le RHDP a annoncé qu'il ne respecterait pas cette décision qui avait pour
objet de permettre une électorale du camp présidentiel. La visite en Côte d'Ivoire du
facilitateur Blaise Compaoré, le même jour, a donc eu pour objet de désarmorcer ces tensions
vives entre les deux camps, et de faire revenir le PR sur sa décision, en vain. Les Forces
Nouvelles27 ont-elles aussi annoncé leur désaccord avec un couvre feu décrété sans leur accord
préalable. L'ONUCI et la Communauté internationale se sont déclarées préoccupées l'effet de
cette mesure sur le taux de participation.
MEDIAS______________________________________________________________________
Affichage

24 Réalisé par Legré, membre de la jeunesse patriotique depuis 2000.
25 Ce fut ainsi le cas le 16 novembre à Bangolo, dans l'ouest du pays, où des tirs de soldats rebelles mécontents de la diffusion du
film par la section locale de la jeunesse patriotique ont causé 7 blessés graves.
26 Communiqué n°762 MI/ du 18 novembre 2010.
27 Mouvement rebelle du nord de la Côte d'Ivoire.
Le lancement de la campagne électorale a été marqué par un renouvellement de l'affichage des
candidats, resté sur place entre les deux tours. Le taux de couverture constaté sur les principaux
axes routiers de la capitale28 et dans les provinces a montré un taux de couverture nettement
favorable au candidat de La Majorité Présidentielle29
. La campagne d'affichage du président
Gbagbo n'a de plus pas totalement respecté les dates officielles de campagne.
Egalité d'accès aux médias d'état
Les médias d'état ont mis en place les dispositions pour assurer un accès équitable des candidats
à la TV, à la radio et au quotidien « Fraternité Matin » qu ils ont respecté. D'une manière
générale, le candidat de la LMP a bénéficié d'une couverture médiatique disproportionnée dans
les médias du service public, entre les deux tours pour l'information. Sur les deux chaines de TV,
80% du temps d'antenne des programmes d'information ont été consacrés à Laurent Gbagbo. Il
en a été de même sur les radios publiques. En outre, les deux chaînes du service public ont
assurés 100% de couverture publicitaire au candidat Gbagbo pour l'ouverture du « Village
Electoral Gbagbo Vision 2010 ». La presse écrite a été plus mesurée. Le quotidien de service
public « Fraternité Matin » a offert aux deux candidats une couverture équitable30 et a respecté
scrupuleusement l'ensemble des dispositions d'accès équitable.
Ton des médias pendant la campagne
La période de l'entre deux tours a été marquée par un durcissement considérable du ton des
débats politiques. Une frange de la presse partisane et les médias sociaux a relayé sans
précautions ces arguments généralement violents. La diffusion des messages de campagne s'est
faite par l'intermédiaire de SMS31, de courriels et de quelques vidéos circulant sur Internet. La
presse partisane, et en particulier les quotidiens « Le », « » et «Le
Temps » ont adopté par leur ton un comportement peu modéré.
Les sites Internet des candidats ont reflété le durcissement du ton de la campagne. Le site officiel
du candidat Laurent Gbagbo a ainsi diffusé des articles incendiaires et des vidéos relatant les
événements de 2004. Les sites web de campagne du candidat Ouattara et de Bédié sont en
revanche demeurés plus modérés.
Le ton délétère de la campagne et les violences associées ont contraint le ministère de l'intérieur
à publier un communiqué appelant au calme et à la retenue. Le Président du Centre National de
Communication Audiovisuelle (CNCA), l'ONG Reporters Sans Frontières, le Center Carter,
l'ONUCI, et l'Union européenne ont à leur tour demandé aux organes de presse de la retenue et
le respect des règles de déontologie de la profession32
.
Les organes régulateurs de la presse et de l'audiovisuel n'ont de manière générale pas joué leur
rôle durant la période de campagne. Le CNCA n'a non seulement pas rempli son rôle, mais s'est

28 L'étude porte sur 1510 panneaux publicitaires de 15 axes principaux en direction des centres commerciaux, des bassins
d'électeurs des deux camps et des nœuds de communication de la ville.
29 62% pour Gbagbo et 38% pour Ouattara.
30 51% pour Mr Gbagbo et 49% pour Mr Ouattara.
31 Le phénomène des SMS est généralisé dans tout le pays sur quasiment tous les réseaux, incitant les destinataires à transmettre à
d'autres abonnées.
32
« Leur demande de veiller à ce que la presse qui les soutient respecte les règles d'éthique et de déontologie et ne se rende pas
coupable d'insultes, de dénonciations calomnieuses, voire d'appels à la haine ».
même révélé partisan. La MOE UE tient en revanche à souligner que le Centre national de la
presse (CNP) a tenté de jouer son rôle d'organe régulateur en sanctionnant les publications ayant
enfreint la loi et les règles de la déontologie journalistique. Le Conseil Supérieur de la Publicité
(CSP) s'est trouvé dans l'incapacité de réagir face à une campagne d'affichage qui n'a pas
respecté33 le minimum de règles publicitaires. Il n'a pas eu les moyens de faire face à la
prolifération de panneaux pirates. L'agence de télécommunication a été dans l'incapacité
d'enrayer la diffusion des SMS incendiaires et d'obliger les opérateurs à mettre en garde les
abonnés contre de telles pratiques violant les articles 14 et 51,2 de la loi sur les
télécommunications.
EDUCATION CIVIQUE ET INFORMATION DES ELECTEURS___________________
La CEI a assuré l'information des électeurs par l'intermédiaire d'affiches, de films et de
messages télévisés et radiophoniques en langues locales. Ces messages ont porté sur les
procédures de vote ainsi que sur la nécessité d'un climat électoral apaisé34
. Les fonds destinés à
la sensibilisation des électeurs au niveau communautaire ont été bien moindres que lors du
premier tour. Par ailleurs, la CEI n'a remis les kits de sensibilisation aux représentants de la
société civile qu'une semaine avant le scrutin, le 22 novembre.
DROITS DE L'HOMME_______________________________________________________
La Côte d'Ivoire connait une migration interne suite au déplacement de la zone de cultures du
café et du cacao du centre vers le centre-ouest et l'ouest du pays. Le droit coutumier du foncier
rural interdit la vente du terrain, excluant les migrants allochtones de propriété du sol et les
exposant à la précarité. Entre les deux tours, ceux-ci ont fait l'objet de menaces d'expulsion et de
mort, voire de représailles, à travers des pillages et incendies de maisons. Ainsi les propriétaires
autochtones disposent d'un pouvoir discrétionnaire d'intimidation et de pression sur le choix
libre de suffrage des allochtones. L'abstention allochtone a ouvert la voie à d'autres personnes de
voter illégalement à leur place. Deux prisons visitées par le MOE UE n'ont pas organisé le
scrutin malgré le droit de suffrage de personnes en détention préventive35. Un accord politique
informel de dernière minute a privé des milliers de potentiels électeurs d'un recours effectif de
déterminer leur éligibilité au suffrage.
La Commission Nationale des Droits de l'Homme (), une institution créée par l'Accord
de Linas , a déployé 27 observateurs sur le terrain lors du premier tour. La présidente
de la Commission a rendu public des conclusions dans une déclaration. La MOE UE salue cette
initiative de la Commission qui saisit aussi régulièrement le procureur en cas de constat de
violations des Droits de l'Homme. La Commission est indépendante du pouvoir politique et a le
potentiel de devenir une véritable force de protection des Droits fondamentaux électoraux.
SOCIETE CIVILE_____________________________________________________________

33 Violations des articles 10, 11, 12, 14b, 14c, 17.
34 Les publicités contre la violence ont été réalisées en collaboration avec la Primature, le PNUD et la fédération ivoirienne de
football (FIF), avec le concours de la sélection nationale de football de la Côte d'Ivoire.
35 , Abidjan, et , .
Les représentants des candidats
La MOE UE a relevé que les représentants des deux candidats étaient présents dans 94,7%
(candidat Gbagbo) et 92,6% (candidat Ouattara) des BV observés sur l'ensemble du territoire. La
Mission n'a observé, dans les 943 BV visités aucun cas d'absence de représentation d'au moins
un candidat. Ceux-ci ont reçu une copie du PV dans 98% des BV observés. Il en va de même de
leur présence dans les CEIL.
Les observateurs nationaux et internationaux
Les deux principales plateformes de la société civile, la Coalition de la Société Civile Ivoirienne
() et la Coalition de la Société civile pour la Paix et le développement démocratique en
Côte d'Ivoire (COSOPCI), ont tiré les enseignements de leur observation du premier tour et ont
modifié leurs stratégies. Ces deux structures nationales ont été présentes dans la quasi totalité des
CEIL, de sorte de recueillir tous les résultats de la phase d'égation. En revanche, leur
méthodologie d'observation n'a pas connu de changements et s'est déroulée principalement en
zones urbaines. La CSCI a déployé mille observateurs comme pour le premier tour. Faute de
financements, la COSOPCI, a été contrainte de réduire le nombre de ses observateurs. La MOE
UE a rencontré des observateurs nationaux dans 15% des BV observés.
Plusieurs missions d'observation électorales internationales n'ont pas pu déployer le même
nombre d'observateurs qu'au premier tour.
SCRUTIN DU 28 NOVEMBRE__________________________________________________
Le second tour du scrutin présidentiel s'est déroulé dans le calme dans la plupart des BV
observés. Les observateurs ont rapporté une affluence importante dans la totalité des BV, en
particulier au cours des premières heures de la matinée. Le BV ont ouvert avec du retard dans
83% des cas.
Le respect des procédures de vote a été évalué de manière positive dans 75% des cas (qualificatif
très bien et bien). Dans 21% l'évaluation est acceptable. Les observateurs ont remarqué que les
irrégularités constatées lors du premier tour se sont répétées telles que les urnes non scellées dans
18% des cas. Comme au premier tour, l'absence d'encre sur les doigts de l'électeur avant le vote
n'a pas été vérifiée dans 71% des cas, mais l'encrage des doigts après le vote a été opéré à 96%.
Les observateurs n'ont pas observé des violations intentionnelles du secret du vote, mais la
position de l'isoloir ne garantissait pas le secret du vote dans 16.5% des cas. Perturbations,
intimidation et violence ont été constatées dans 7% des BV observés.
Les opérations de clôture du BV, de dépouillement et de rédaction du procès verbal ont été
évaluées positivement dans 89% (qualificatif très bien et bien) des instances d´observation. Dans
9% l'évaluation est acceptable. Dans 20% des cas observés, des réclamations ont été déposées
dans le PV. La présence des représentants des candidats et leur signature et réception des PV ont
contribué de manière significative à l'intégrité du processus. Comme ce fut le cas lors du premier
tour, la formation insuffisante des MBV n'a pas permis que l'intention de l'électeur soit
considérée comme critère de la validité du bulletin de vote dans 13% des cas.
Les observateurs ont noté que, contrairement aux instructions de la CEI, la feuille
d'enregistrement des résultats par BV n'a pas été affichée dans plus de la moitié des BV visités.
La sécurisation des BV n'a été assurée par le Centre de Commandement Intégré (CCI) que dans
56% des cas, en dépit d'une présence renforcée par rapport au premier tour. Les éléments
manquants ont été remplacés par d'autres forces de sécurité dans 35% des cas. Contrairement
aux dispositions légales et aux instructions de la CEI, des membres des forces de sécurité ont
assisté les opérations électorales à l'intérieur du BV dans le 7% des cas.
TRANSMISSION DES RESULTATS_____________________________________________
La CEI a diffusé une circulaire sur les nouvelles modalités de transmission des résultats. En dépit
des nombreux problèmes logistiques relevés par les observateurs, les PV sont arrivés aux CEIL.
Compte tenu du couvre-feu, la CEI a dû arrêter les opérations électorales centrales, régionales et
départementales à 21h le jour du scrutin et a autorisé aux CEIL à déterminer de façon
individuelle si elles continuaient à opérer. Elle a indiqué des « raisons indépendantes de sa
volonté » la conduisait à reporter l'annonce des résultats d'un jour. Ceci a produit une confusion
importante en provocant une incertitude au moment clé où les PV se trouvaient à l'étape du
traitement ou du transport vers different lieux du pays, sans savoir si ceux-ci seraient ouverts.
Ce nouvel environnement électoral a été suivi d'une montée de violence et d'incidents qui ont
contraint la Mission à retirer 16 observateurs dans un court délai.
Dans la grande majorité des CEIL observées, les PV des BV n'ont pas été affichés. La dernière
étape de compilation, avant la proclamation des résultats provisoires, est en cours au siège de la
CEI centrale.

.

Déclaration Préliminaire Second Tour

UN SECOND TOUR SOUS TENSION

Abidjan, le 30 novembre 2010 VERSION OFFICIELLE
La Mission d'observation électorale de l'Union Européenne (MOE UE) est en Côte d'Ivoire
depuis le 7 octobre, sur invitation de la Commission électorale indépendante (CEI) et du
gouvernement de la République de Côte d'Ivoire. La MOE UE est dirigée par M. Cristian Preda,
membre du Parlement européen. 120 observateurs, ressortissants de 24 des 27 Etats-membres de
l'Union Européenne (UE), de la Suisse et de la Norvège ont été déployés dans le pays dans le
but d'évaluer le processus électoral au regard des standards internationaux et régionaux pour
les élections ainsi que des lois de la République de Côte d'Ivoire. La MOE UE est indépendante
dans ses conclusions et adhère à la Déclaration de principes pour l'observation électorale
commémorée aux Nations Unies en octobre 2005. La Mission a observé le premier tour des
élections le 31 octobre et a publié une Déclaration suite au scrutin.
En ce qui concerne le second tour, le jour du scrutin les observateurs de la MOE UE ont visité
943 bureaux de vote sur 20.073 (soit 4,7%) dans tous le pays pour y observer l'ouverture des
bureaux de vote, les opérations de vote et de décompte des voix. La MOE UE reste dans le pays
pour observer les développements postélectoraux et, en particulier, l'aggrégation des résultats
par la Commission électorale indépendante (CEI). Cette déclaration est préliminaire et la
MOE EU ne tirera pas de conclusions finales avant l'achèvement de la compilation et de
l'annonce des résultats finaux du second tour. Un rapport final sera publié environ deux mois
après la fin du processus et du contentieux éventuel sur les résultats de l'élection.
CONCLUSIONS PRELIMINAIRES
Les Ivoiriens se sont déplacés en nombre pour voter au second tour des élections présidentielles,
mais de façon plus réduite qu'au premier tour et des violences et intimidations ont été constatées.
L'organisation du scrutin s'est améliorée mais a encore souffert de défaillances.
L'atmosphère de suspicion et d'insécurité qui s'est développée au cours de la campagne s'est
sensiblement aggravée suite au couvre- feu institué deux jours avant le scrutin.
La MOE UE est profondément désolée que ces élections se traduisent par des morts et des
blessés.
La MOE constate que la Côte d'Ivoire est dotée des instruments juridiques qui lui permettent de
se conformer aux normes internationales en matière d'élections démocratiques et qu'il
appartient aux acteurs d'agir dans ce cadre en toute responsabilité pour mener à bien le
processus électoral.
Au jour de la publication de cette déclaration, le processus electoral n'est pas achevé, et la MOE
UE ne peut se prononcer que sur ce qu'elle a pu observer. Sur cette base, elle constate les
éléments suivants:
 Les observateurs de la MOE UE ont évalué positivement les opérations du scrutin dans
73% des bureaux de vote (BV) observés (qualificatif très bien et bien). Dans 22%
l'évaluation est acceptable. L'affluence a été moindre qu'au premier tour, mais reste
importante.
 Seuls 17% des BV observés ont respecté l'heure d'ouverture. Le couvre feu, où il a été
respecté, n'a pas permis aux membres des bureaux de vote (MBV) d'arriver à temps pour
mettre en place leur bureau.
 Les représentants des deux candidats étaient présents dans 94,7% (candidat Gbagbo) et
92,6% (candidat Ouattara) des BV observés sur l'ensemble du territoire. La Mission n'a
observé, dans les 943 BV visités aucun cas d'absence de représentation d'au moins un
candidat.
 Les opérations de préparation du second tour n'ont pas fait l'objet d'améliorations
notables par rapport au premier tour, ce qui s'est traduit par une communication
insuffisante vers ses démembrements géographiques, et un manque de planification de
ses activités. La CEI n'a pas non plus assuré un suivi des réclamations concernant les
cartes d'électeurs, sans qu'il soit possible d'estimer le nombre d'électeurs privés du droit
de suffrage.
 La MOE UE n'a pas pu observer l'ensemble des opérations préparatoires au scrutin telles
que l'impression des bulletins de vote ou les formations des membres des bureaux de
vote. L'accès complet au scrutin a toutefois été autorisé à partir du 27 novembre.
 La logistique électorale et son financement ont principalement été assurés par les
institutions internationales. Un manque de matériel électoral a été constaté dans 15% des
BV observés.
 Les procédures de vote ont été respectées dans 75% (qualificatif très bien et bien). Dans
21% l'évaluation est acceptable. Des intimidations et des empêchements de vote se sont
produits en plusieurs endroits du pays.
 Les deux candidats ont mené des activités de précampagne avant le démarrage officiel de
la campagne électorale. Le ton de la campagne électorale s'est radicalisé par rapport au
premier tour, beaucoup plus serein. La ville d'Abidjan et quelques localités du pays ont
été le théatre de violents incidents durant la campagne.
 Le cadre juridique régissant le financement de campagne n'oblige pas les candidats à
publier leurs comptes, en identifiant les sources des dons et les dépenses effectuées. Cette
lacune a ouvert la voie à des pratiques d'achat des consciences.
 L'accès équitable des candidats aux médias publics n'a pas été assuré pendant la
precampagne. Les programmes d'information des médias du service public ont assuré
une couverture largement bénéficiaire au candidat Gbagbo. Les organes de régulation des
médias, à l'exception du CNP qu'il convient de saluer, n'ont pas joué leur rôle
efficacement.
 En dépit des appels au calme de la communauté internationale et des deux candidats,
notamment lors de leur duel télévisé, la tenue du scrutin a été marquée par actes de
violence entrainant de nombreux blessés et plusieurs décès.
 Le maintien du couvre feu a contribué à la montée de la tension et a alimenté un climat de
suspicion dans la population. Les BV et CEIL ont été confrontés à une situation qui a
désorganisé leur processus de compilation et de transmission des résultats.
 Le cadre juridique dote le Conseil constitutionnel, dont les membres sont nommés par le
Président de la République, de la compétence exclusive de décider, en dernier recours,
des résultats définitifs de l'élection présidentielle.
 La MOE UE recommande aux acteurs impliqués dans le processus électoral, les
institutions et les candidats, de prendre des mesures pour mener à bien le deuxième tour
de cette élection présidentielle dans le respect des normes nationales et internationales
pour des élections démocratiques, et du vote du citoyen ivoirien.

CONTEXTE POLITIQUE______________________________________________________
Les élections présidentielles de 2010 devraient constituer le point final de onze années de crise
politique intense. Elles sont aussi l'aboutissement d'un complexe processus de sortie de crise de
trois ans et demi, tracé par l'Accord Politique de Ouagadougou du 4 mars 2007. Le premier tour
du scrutin, le 31 octobre, s'est déroulé dans le calme. Il a été marqué par une participation très
élevée de la population.
Au terme d'une période de dix ans sans élections présidentielles, ce premier tour du scrutin a
permis de matérialiser l'importance des principaux acteurs de la scène politique ivoirienne. Les
candidats Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ont obtenu les deux scores les plus importants,
les qualifiant ainsi pour le second tour. Ce résultat a contraint les trois principaux partis à
reconsidérer leur positionnement sur l'échiquier politique. Car s'ils monopolisent à eux seuls la
vie politique ivoirienne, aucun d'entre eux n'est parvenu à obtenir la majorité absolue. Ils ont
donc été contraints à s'engager dans une dynamique d'alliances.
Le bloc de l'opposition et la mouvance présidentielle ont tous deux réussi à maintenir leur
cohésion, voire à en renforcer la solidité1
. Le candidat Ouattara a obtenu le soutien de candidats
malheureux membres du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix
(RHDP), la coalition de l'opposition. Ce fut donc le cas d'Henri Konan Bédié. Les équipes de
campagne des deux candidats ont fait l'objet de reconfigurations importantes au lendemain du
premier tour.
Le bloc de l'opposition a mis en place un Conseil politique et une Direction nationale de
campagne mixte. Au niveau régional et départemental, le RHDP a choisi de tirer profit de sa
composition plurielle et des scores obtenus localement, en nommant chef de campagne celui des
partis ayant obtenu le score le plus important dans la circonscription considérée. Des
personnalités connues, originaires de chaque région, ont été promues aux directions régionales et
départementales de campagne. Pour sa part, la LMP n'a modifié ses représentations locales que
de manière très mineure. Elle a toutefois procédé à une redistribution des responsabilités au
niveau de sa direction centrale de campagne et de sa stratégie.

1
Entre autres par l'annonce faite par le candidat Ouattara le 20 novembre qu'il offrirait le poste de Premier
ministre à un membre du PDCI.
Seuls deux des candidats malheureux n'ont pas formulé de consignes de vote. Les autres se sont
positionnés pour moitié en faveur du RHDP, et pour moitié pour la LMP. Le PIT2
s'est scindé en
deux suite à une polémique interne sur la personnalité à soutenir, provoquant la démission de son
président, F. Wodié. L'importance des consignes de vote des petits candidats ne doit cependant
pas être surestimée, leur poids total combiné lors du premier tour restant très limité.
La certification des résultats du premier tour
Le 12 novembre, le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nation Unies en Côte
d'Ivoire, qui a légalement accès à tous les procès verbaux (PV), a certifié les résultats définitifs
du premier tour sur la base des cinq critères-cadres retenus. Il a affirmé que « l'ensemble du
processus menant à la proclamation des résultats définitifs était pacifique et démocratique, que
les résultats ainsi proclamés ont été déterminés à travers un processus équitable et transparent, et
que les anomalies et autres irrégularités mineures ainsi que les erreurs ne sont pas de nature à
affecter de manière significative les résultats de l'élection dans leur ensemble ».

CADRE JURIDIQUE___________________________________________________________
Le contentieux
Le Président de la République nomme le président du Conseil constitutionnel ainsi que ses 6
conseillers dont trois sont désignés par le seul Président de l'Assemblée Nationale. Le Conseil
est chargé du contentieux des requêtes des candidats et reçoit à cette fin copie de l'ensemble des
procès-verbaux. Les deux candidats ne disposent que de trois jours suivant la clôture du scrutin
pour présenter leurs requêtes, ce qui risque de se produire avant qu'ils aient connaissance des
résultats provisoires nationaux. Les copies des procès-verbaux détenus par leurs représentants, y
compris les réclamations enregistrées aux bureaux de vote, leur permettent de contester la
régularité du scrutin ou de son dépouillement. Au sein du Conseil ces nombreux documents sont
traités par huit rapporteurs nommés selon des conditions déterminées par décret
3
.
Le Conseil est compétent pour rendre définitifs dans le délai de sept jours les résultats transmis
par la CEI, ou pour annuler le scrutin du second tour4
. Le pouvoir du Conseil de réformer les
résultats de la CEI ne s'applique qu'aux élections des députés5
. En cas de constatation
d'évènements graves, le Conseil a le pouvoir de reporter les élections sur saisine par le Président
de la CEI6
. Les décisions du Conseil constitutionnel sont délibérées à huis clos, adoptées à la
majorité par au moins cinq de ses membres et elles sont rendues en audience publique. En cas de
partage de voix, celle du Président est prépondérante. Les parties, leurs représentants, les experts
et conseils, participent aux débats7
. Les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à tous et

2
Parti Ivoirien des Travailleurs, un des plus anciens partis de Côte d'Ivoire.
3 Article 17, Loi 2001-303, le dite décret reste introuvable, l'identité de huit rapporteurs inconnue.
4 Article 31 Loi 2001-303 se référant au Code électoral : Article 64 nouveau
5 Article 39 Loi 2001-303
6 Article 38 de la Constitution ; Article 47 de l'Ordonnance 2008-133.
7 Article 15, Loi 2001-303
ne sont susceptibles d'aucun recours.8 Dans les 48 heures de la proclamation définitive des
résultats, le Président de la République élu prête serment devant le Conseil constitutionnel9
.
La cadre réglementaire électoral
La législation organique ivoirienne fournit les bases à la tenue d'élections démocratiques en
conformité avec les normes internationales. Elle répartit le pouvoir règlementaire entre l'exécutif
et la CEI. Du fait que ces deux institutions ne publient pas systématiquement les décrets et
arrêtés introduit une incertitude sur les modalités régissant les élections10. Ainsi, les électeurs se
sont rendus aux urnes, alors que leurs libertés fondamentales avaient été suspendues par un
décret instituant un couvre-feu dont les dispositions n'ont été publiées qu'après le jour du
scrutin.
Le financement de la campagne
En dépit d'une loi organique prévoyant un financement public de la campagne présidentielle11
,
une distorsion persiste en faveur des candidats dotés de moyens indépendants12. La loi dispose
qu'une commission établie par décret devrait fixer le montant global disponible au budget public
de l'année électorale. La commission n'a pas été constiuée et la somme n'a pas été ident ifiable
dans le budget de l'année fiscale 2010. Malgré l'octroi de fonds publics, les candidats à la
présidentielle peuvent aussi cumuler des contributions des sociétés nationales et des personnes
physiques. Dans les faits, des directeurs de grandes entreprises d'Etat jouent le rôle de
responsables de campagne. Les travaux préparatoires à la loi avaient envisagé, dans un esprit
d'équité, un plafonnement des dépenses de campagne, disposition non reprise dans le texte voté.
L'utilisation des biens de l'Etat, en dehors de celle des véhicules administratifs, à des fins de
propagande électorale n'est pas formellement proscrite. L'importance des dépenses consacrées
par les deux finalistes à leurs campagnes suscite des interrogations sur la légitimité de l'origine
des fonds. Il est regrettable que ceci ne puisse être clarifié car le cadre juridique n'impose aucune
obligation de publication des comptes de campagne13. Il apparait donc impossible d'identifier les
éventuelles donations interdites d'entreprises privées, d'organisations ou de pays étrangers
14
.
L'absence de transparence pourrait aussi permettre aux candidats d'utiliser des fonds publics qui
échappent au contrôle parlementaire ou judiciaire. Elle pourrait en outre, permettre l'utilisation
des fonds de campagne aux fins d'achat des consciences, notamment des chefs traditionnels,
phénomène ouvertement pratiqué et observé par la MOEUE15. Un projet de loi concernant la

8 Article 98 de la Constitution.
9 Article 39 de la Constitution
10 Article 7 de la Constitution : L'Etat assure à tous les citoyens l'égal accès à l'information.
11 Loi 2004-95 relative au Financement sur fonds Publics des Partis et Groupements Politiques et des Candidats à l'Election
présidentielle. Article 11 et 12 : Une tranche forfaitaire soit 2/5 du montant accordée à parts égales aux candidats ayant obtenue
au moins 10% des suffrages exprimés ; une complémentaire soit 3/5 du montant affectée proportionnellement au nombre de
suffrages obtenues par chaque candidat.
12 PIDCP Article 25 c) d'accéder dans des conditions générales d'égalité, aux fonctions publiques de son pays.
13 Article 9 Charte Africaine, Toute personne a droit à l'information. Préambule de la Constitution de 2000 : La transparence
dans la conduite des affaires publiques.
14 Article 13, Loi 2004-95
15 Code Pénal : Article 213 : Quiconque achète ou vend un suffrage est puni de  » l'emprisonnement  » (Loi no 95-522 du
06/07/1995) de trois mois à un an et d'une amende double de la valeur des choses reçues ou promises. Le Ministère de la Justice
semble marquer un tolérance tacite de cette pratique.
Cour des Comptes, initié en 2002 et abandonné, avait envisagé d'introduire une obligation de
transparence de tous ses rapports sur l'usage des fonds publics16
.
ADMINISTRATION ELECTORALE_____________________________________________
La MOE UE a été empêchée d'observer un nombre important des activités électorales
préparatoires au second tour. Le manque de coopération de la CEI a commencé dès la conférence
de presse donnée par le Chef Observateur le 2 novembre, et s'est poursuivi pendant l'entre deux
tours. Les différents courriers adressés à la CEI par la MOE UE sont restés sans réponse17
. Il a
donc été impossible à la MOE UE d'observer des étapes de la préparation du second tour de
telles que l'impression des documents électoraux ou les formations des fomateurs des MBV. La
MOE UE a reçu une réponse positive de la CEI sous forme d'une circulaire lui donnant accès
complet aux bureaux de vote et aux locaux des CEIL le 27 novembre au soir.
Les modalités de vote du personnel d'astreinte ont été rendues plus strictes que lors du premier
tour, en raison des craintes de vote multiple par les membres des Forces de Défense et de
Sécurité. De même, la CEI a établi une liste d'émargement additionnelle permettant de relever
l'identité du personnel d'astreinte ayant voté dans chaque BV18
.
CARTES D'ÉLECTEURS_______________________________________________________
Les dispositions de réclamation que la CEI avait mis en place pour les électeurs n'ayant pas reçu
leurs cartes, n'ont pas fait l'objet de suivi. Un certain nombre d'électeurs, difficile à estimer,
pourrait donc avoir été privé du droit de suffrage. Des réclamations ont été déposées dans
l'ensemble des régions. Les statistiques qui seront réalisées par les CEIL sur la base de ces
réclamations permettront de déterminer le nombre précis des électeurs n'ayant pu exercer leur
droit.
Le nombre précis des cartes d'électeur non distribuées lors du premier tour n'a pas pu être
déterminé.
La MOE UE a constaté lors du second tour que le solde des cartes non distribuées a été mis à
disposition des électeurs dans 63% des BV observés.

PREPARATION DU SCRUTIN__________________________________________________
L'impression du matériel sensible (bulletins de vote et procès verbaux) n'a pas pu être observée
par la MOE UE en raison de l'empêchement de son observation par la CEI. Les documents

16 Projet de loi 2001-061A
17 L'unique réponse de la CEI a été formulée suite au communiqué de presse du Chef observateur du 24 novembre et a été
particulièrement violente.
18 Contrairement au premier tour, une case pour les électeurs non inscrits dans le BV y ayant voté a été introduit dans le PV. Dans
la circulaire 013/CEI/PDT du 17 novembre 2010, la CEI a décidé que le personnel d'astreinte peut voter seulement avec sa carte
d'électeur et en présentant la copie originale de l'ordre de mission, qui va être retiré après le vote. Après quoi, il émargera sur la
liste spéciale prévu pour lui à cet effet.
électoraux auraient été sécurisés par une garde ininterrompue dont la CEI a déterminé les règles,
et par des dispositifs internes de sauvegarde. La CEI aurait eu recours aux services d'une société
spécialisée pour la production des hologrammes et des dispositifs de fermeture des kits contenant
le matériel sensible.

LOGISTIQUE ELECTORALE__________________________________________________
Les institutions internationales ont assumé la quasi-totalité de la logistique électorale et de son
financement. Un inventaire du matériel lourd, stocké au sein des CEIL entre les deux tours, a
révélé qu'une grande partie des isoloirs, des scellés et de l'encre manquait. La CEI a préféré le
remplacement intégral des kits électoraux, au rachat des seuls éléments faisant défaut. Cela a
donc augmenté le coût et le temps nécessaire au déploiement de ce matériel.
L'acheminement du matériel lourd et sensible depuis Abidjan vers les CEIL et les BV a été
assuré par l'ONUCI et UNOPS. Il en sera de même pour le retour du matériel19. Les observateurs
ont constaté qu'une partie du matériel faisait défaut dans 15,21% des BV observés.
Les membres des bureaux de vote (MBV)
Lors du premier tour du scrutin, le paiement des MBV n'avait pû être réalisé que grâce à un
décaissement d'urgence de l'Union européenne. Les MBV avaient entravé la transmission des
PV en plusieurs endroits du pays parce qu'ils n'avaient pas été payés. Le nombre important de
défections des MBV à l'issue du premier tour a contraint les CEIL à réviser les listes, en vue de
leur remplacement.
La MOE UE relève que l'établissement de nouvelles listes de MBV a conduit à des conflits entre
superviseurs et commissaires locaux dans de nombreux endroits. Des accusations de placement
partisan pour non respect des critères de recrutement des MBV par les superviseurs20 ont été
observées.
L'observation des formations en cascade du personnel électoral par la MOE UE a été empêchée
par la CEI à divers niveaux. La session de formation des commissaires centraux exceptée, les
formations n'ont commencé que le 22 novembre dans la précipitation. De même, la CEI n'a pas
mis à jour le guide pratique destiné aux MBV, en dépit des différences dans le mode opératoire.
Elle a seulement prévu la distribution de trois supports de formation portant sur les différentes
procédures à suivre dans le BV, sur la validité des bulletins de vote, et sur le remplissage des PV.
La MOE UE relève que les performances des MBV ont été évaluées positivement dans 78%
(qualificatif très bien et bien) des bureaux de vote observés. Dans 18% l'évaluation est
acceptable.

19 Des dispositions dérogatoires ont été prévues pour le district d'Abidjan et le département de Bouaké où l'ONUCI
a remplacé UNOPS dans l'opération de ramassage des PV depuis les BV. Par ailleurs, l'opération de ramassage des
PV et de retour du matériel des BV vers les CEIL a été financée par le Japon, à travers le panier des fonds du
Programme de Nations Unies pour le développement (PNUD). A la différence du premier tour, chaque président de
CEIL a disposé de 50 mille francs CFA afin de louer un véhicule, en cas de défaillance d'UNOPS. Ces derniers
fonds de 450 millions de francs CFA ont été déboursés par le Japon, l'Union Européenne et la Suisse.
20 Arrêté 23/CEI/PDT du 22 septembre 2010.

CAMPAGNE ELECTORALE____________________________________________________
Une “précampagne” de séduction
La période de campagne électorale pour le second tour a été fixée par la CEI, du 19 novembre à
minuit au 26 novembre à minuit. Elle n'a pas été respectée. Comme lors du premier tour, les
partis se sont autorisés à mener des activités de « précampagne »
21
.
L'objectif des deux candidats pour le deuxième tour fut de s'attirer les faveurs de l'électorat
ayant voté pour Henri Konan Bédié au premier tour. Cet électorat est principalement composé du
peuple Baoulé, localisé au centre du pays ainsi que dans sa partie sud. Les candidats ont opté
pour une campagne de proximité en direction de cet électorat décisif. Ces activités de porte à
porte ont été initiées par les directions locales de campagne des deux camps bien avant le 20
novembre.
Un nombre réduit d'activités de précampagne ont été enregistrées avant le 15 novembre, les deux
camps mettant à profit cette période pour se réorganiser. Le 15 novembre, « journée de la
paix »
22
, les deux camps ont tenu simultanément leur premier meeting de précampagne dans des
lieux jugés symboliques : Man pour le président Gbagbo, et Yamoussoukro pour l'opposition. Le
ton des candidats est resté relativement modéré durant cette période.
Une période de campagne électorale tendue
Les stratégies adoptées par les deux camps pour la période officielle de campagne ont consisté à
consolider leurs positions respectives dans des zones leur étant apparues favorables lors du
premier tour. Le candidat Gbagbo a choisi d'initier sa campagne à Agboville, où il avait
largement devancé ses concurrents23. Il a ensuite tenu la plupart de ses meetings dans des
communes ou dans la périphérie d'Abidjan. Alassane Ouattara a pour sa part tenu son premier
meeting à Treichville, une des communes d'Abidjan dans laquelle il avait obtenu un score
important. Il s'est ensuite rendu dans les principales villes de la moitié nord et de l'ouest du pays.
Le seul meeting qui ait été organisé hors de cette zone l'a été à Soubré, une zone qui lui est a
priori sociologiquement défavorable, mais où son allié Henri Konan Bédié avait réalisé une
performance électorale lors du premier tour.
La campagne électorale du second tour n'a pas connu l'atmosphère apaisée qui avait prévalu lors
du premier tour. La veille de l'ouverture de la campagne, le siège du PDCI, transformé en
quartier général du RHDP, a fait l'objet d'attaques de la part d'étudiants se réclamant du camp
présidentiel. Ces violences, qui ont occasionné plusieurs dizaines de blessés et d'importants
dégâts matériels, ont fait monter la tension de manière sensible. Les discours d'ouverture de
campagne des deux candidats n'ont pas contribué à l'apaisement des esprits. Le président
Gbagbo a conduit une campagne très agressive, centrée sur la question de l'origine de la crise,
dressant une image de faiseur de guerre de son adversaire, face à lui, faiseur de paix. Le

21 Les deux camps ont utilisé ce terme de « précampagne » pour décrire la période précédant la période officielle
campagne au cours de laquelle ils s'autorisaient tout de même à mener des activités partisanes.
22 Le 15 novembre est la « journée de la paix » en Côte d'Ivoire, jour férié créé par le Président Félix Houphouet
Boigny.
23 Remportant 74.8% des voix.
président sortant a attribué à son adversaire la paternité du coup d'état de 1999 et des nombreux
troubles politiques qui ont secoué le pays depuis lors. Il a par ailleurs remis en cause le bilan
économique de son adversaire, faisant le contraste avec ses réalisations, en insistant sur le fait
que le contexte « de guerre » ne lui a pas permis de conduire normalement sa politique. Le
candidat Ouattara a réagi à ces attaques. Il a critiqué la légitimité et le bilan économique et social
de dix années au pouvoir. La campagne du candidat du RHDP est apparue plus modérée que
celle de son rival, et plus centrée sur les notions d'avenir et de changement.
La radicalisation du discours durant la période de campagne a eu un effet clivant sur la société
ivoirienne et a procédé d'une volonté de conquête de l'électorat indécis par la LMP. Elle a
diffusé ce discours grâce à un éventail large de moyens, au nombre desquels un film
24 intitulé
« Ouattara, père de la rébellion », utilisé lors des meetings politiques à l'intérieur du pays. Ce
montage vidéo alliait des images choquantes de guerre et des extraits de discours de chefs
rebelles tendant à montrer l'implication directe du candidat Ouattara dans la survenance de la
rébellion. Des violences ont fait suite à sa diffusion dans plusieurs endroits du pays25, amenant le
Ministère de l'intérieur à émettre un communiqué annonçant l'interdiction de la projection de
films sur les atrocités de la guerre26
. Les Forces Nouvelles ont elles aussi du réagir par
communiqué, le même jour.
Bien que sporadiques et localisées, des violences ont opposé des mouvements de jeunesse à
Abidjan comme dans certains villes du pays. Elles ont occasionné neuf morts, des centaines de
blessés, ainsi que des dégats matériels.
Un débat télévisé s'est tenu entre les deux candidats le 25 novembre sur la chaine nationale. En
dépit des craintes d'escalade verbale de leur part, et de possibles violences associées, le face à
face s'est déroulé de manière courtoise, et les candidats ont pu défendre longuement leurs visions
respectives. Le ton fraternel de cet échange a beaucoup rassuré, mais l'annonce faite par le
président Gbagbo de sa décision d'instaurer un couvre feu pour la période de l'élection a surpris.
Le 27 novembre, veille du scrutin, le Président Gbagbo a effectivement signé ce décret, et l'a fait
lire à la télévision. Le RHDP a annoncé qu'il ne respecterait pas cette décision qui avait pour
objet de permettre une fraude électorale du camp présidentiel. La visite en Côte d'Ivoire du
facilitateur Blaise Compaoré, le même jour, a donc eu pour objet de désarmorcer ces tensions
vives entre les deux camps, et de faire revenir le PR sur sa décision, en vain. Les Forces
Nouvelles27 ont-elles aussi annoncé leur désaccord avec un couvre feu décrété sans leur accord
préalable. L'ONUCI et la Communauté internationale se sont déclarées préoccupées l'effet de
cette mesure sur le taux de participation.

MEDIAS______________________________________________________________________
Affichage

24 Réalisé par Thierry Legré, membre de la jeunesse patriotique depuis 2000.
25 Ce fut ainsi le cas le 16 novembre à Bangolo, dans l'ouest du pays, où des tirs de soldats rebelles mécontents de la diffusion du
film par la section locale de la jeunesse patriotique ont causé 7 blessés graves.
26 Communiqué n°762 MI/CAB du 18 novembre 2010.
27 Mouvement rebelle du nord de la Côte d'Ivoire.
Le lancement de la campagne électorale a été marqué par un renouvellement de l'affichage des
candidats, resté sur place entre les deux tours. Le taux de couverture constaté sur les principaux
axes routiers de la capitale28 et dans les provinces a montré un taux de couverture nettement
favorable au candidat de La Majorité Présidentielle29
. La campagne d'affichage du président
Gbagbo n'a de plus pas totalement respecté les dates officielles de campagne.
Egalité d'accès aux médias d'état
Les médias d'état ont mis en place les dispositions pour assurer un accès équitable des candidats
à la TV, à la radio et au quotidien « Fraternité Matin » qu ils ont respecté. D'une manière
générale, le candidat de la LMP a bénéficié d'une couverture médiatique disproportionnée dans
les médias du service public, entre les deux tours pour l'information. Sur les deux chaines de TV,
80% du temps d'antenne des programmes d'information ont été consacrés à Laurent Gbagbo. Il
en a été de même sur les radios publiques. En outre, les deux chaînes du service public ont
assurés 100% de couverture publicitaire au candidat Gbagbo pour l'ouverture du « Village
Electoral Gbagbo Vision 2010 ». La presse écrite a été plus mesurée. Le quotidien de service
public « Fraternité Matin » a offert aux deux candidats une couverture équitable30 et a respecté
scrupuleusement l'ensemble des dispositions d'accès équitable.
Ton des médias pendant la campagne
La période de l'entre deux tours a été marquée par un durcissement considérable du ton des
débats politiques. Une frange de la presse partisane et les médias sociaux a relayé sans
précautions ces arguments généralement violents. La diffusion des messages de campagne s'est
faite par l'intermédiaire de SMS31, de courriels et de quelques vidéos circulant sur Internet. La
presse partisane, et en particulier les quotidiens « », « Notre Voie » et «Le
Temps » ont adopté par leur ton un comportement peu modéré.
Les sites Internet des candidats ont reflété le durcissement du ton de la campagne. Le site officiel
du candidat Laurent Gbagbo a ainsi diffusé des articles incendiaires et des vidéos relatant les
événements de 2004. Les sites web de campagne du candidat Ouattara et de Bédié sont en
revanche demeurés plus modérés.
Le ton délétère de la campagne et les violences associées ont contraint le ministère de l'intérieur
à publier un communiqué appelant au calme et à la retenue. Le Président du Centre National de
Communication Audiovisuelle (CNCA), l'ONG Reporters Sans Frontières, le Center Carter,
l'ONUCI, et l'Union européenne ont à leur tour demandé aux organes de presse de la retenue et
le respect des règles de déontologie de la profession32
.
Les organes régulateurs de la presse et de l'audiovisuel n'ont de manière générale pas joué leur
rôle durant la période de campagne. Le CNCA n'a non seulement pas rempli son rôle, mais s'est

28 L'étude porte sur 1510 panneaux publicitaires de 15 axes principaux en direction des centres commerciaux, des bassins
d'électeurs des deux camps et des nœuds de communication de la ville.
29 62% pour Gbagbo et 38% pour Ouattara.
30 51% pour Mr Gbagbo et 49% pour Mr Ouattara.
31 Le phénomène des SMS est généralisé dans tout le pays sur quasiment tous les réseaux, incitant les destinataires à transmettre à
d'autres abonnées.
32
« Leur demande de veiller à ce que la presse qui les soutient respecte les règles d'éthique et de déontologie et ne se rende pas
coupable d'insultes, de dénonciations calomnieuses, voire d'appels à la haine ».
même révélé partisan. La MOE UE tient en revanche à souligner que le Centre national de la
presse (CNP) a tenté de jouer son rôle d'organe régulateur en sanctionnant les publications ayant
enfreint la loi et les règles de la déontologie journalistique. Le Conseil Supérieur de la Publicité
(CSP) s'est trouvé dans l'incapacité de réagir face à une campagne d'affichage qui n'a pas
respecté33 le minimum de règles publicitaires. Il n'a pas eu les moyens de faire face à la
prolifération de panneaux pirates. L'agence de télécommunication a été dans l'incapacité
d'enrayer la diffusion des SMS incendiaires et d'obliger les opérateurs à mettre en garde les
abonnés contre de telles pratiques violant les articles 14 et 51,2 de la loi sur les
télécommunications.

EDUCATION CIVIQUE ET INFORMATION DES ELECTEURS___________________
La CEI a assuré l'information des électeurs par l'intermédiaire d'affiches, de films et de
messages télévisés et radiophoniques en langues locales. Ces messages ont porté sur les
procédures de vote ainsi que sur la nécessité d'un climat électoral apaisé34
. Les fonds destinés à
la sensibilisation des électeurs au niveau communautaire ont été bien moindres que lors du
premier tour. Par ailleurs, la CEI n'a remis les kits de sensibilisation aux représentants de la
société civile qu'une semaine avant le scrutin, le 22 novembre.

DROITS DE L'HOMME_______________________________________________________
La Côte d'Ivoire connait une migration interne suite au déplacement de la zone de cultures du
café et du cacao du centre vers le centre-ouest et l'ouest du pays. Le droit coutumier du foncier
rural interdit la vente du terrain, excluant les migrants allochtones de propriété du sol et les
exposant à la précarité. Entre les deux tours, ceux-ci ont fait l'objet de menaces d'expulsion et de
mort, voire de représailles, à travers des pillages et incendies de maisons. Ainsi les propriétaires
autochtones disposent d'un pouvoir discrétionnaire d'intimidation et de pression sur le choix
libre de suffrage des allochtones. L'abstention allochtone a ouvert la voie à d'autres personnes de
voter illégalement à leur place. Deux prisons visitées par le MOE UE n'ont pas organisé le
scrutin malgré le droit de suffrage de personnes en détention préventive35. Un accord politique
informel de dernière minute a privé des milliers de potentiels électeurs d'un recours effectif de
déterminer leur éligibilité au suffrage.
La Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDHCI), une institution créée par l'Accord
de Linas Marcoussis, a déployé 27 observateurs sur le terrain lors du premier tour. La présidente
de la Commission a rendu public des conclusions dans une déclaration. La MOE UE salue cette
initiative de la Commission qui saisit aussi régulièrement le procureur en cas de constat de
violations des Droits de l'Homme. La Commission est indépendante du pouvoir politique et a le
potentiel de devenir une véritable force de protection des Droits fondamentaux électoraux.
SOCIETE CIVILE____________________________________________________________

_

33 Violations des articles 10, 11, 12, 14b, 14c, 17.
34 Les publicités contre la violence ont été réalisées en collaboration avec la Primature, le PNUD et la fédération ivoirienne de
football (FIF), avec le concours de la sélection nationale de football de la Côte d'Ivoire.


35 MACA, Abidjan, et Bondoukou, Zanzan.
Les représentants des candidats
La MOE UE a relevé que les représentants des deux candidats étaient présents dans 94,7%
(candidat Gbagbo) et 92,6% (candidat Ouattara) des BV observés sur l'ensemble du territoire. La
Mission n'a observé, dans les 943 BV visités aucun cas d'absence de représentation d'au moins
un candidat. Ceux-ci ont reçu une copie du PV dans 98% des BV observés. Il en va de même de
leur présence dans les CEIL.
Les observateurs nationaux et internationaux
Les deux principales plateformes de la société civile, la Coalition de la Société Civile Ivoirienne
(CSCI) et la Coalition de la Société civile pour la Paix et le développement démocratique en
Côte d'Ivoire (COSOPCI), ont tiré les enseignements de leur observation du premier tour et ont
modifié leurs stratégies. Ces deux structures nationales ont été présentes dans la quasi totalité des
CEIL, de sorte de recueillir tous les résultats de la phase d'agrégation. En revanche, leur
méthodologie d'observation n'a pas connu de changements et s'est déroulée principalement en
zones urbaines. La CSCI a déployé mille observateurs comme pour le premier tour. Faute de
financements, la COSOPCI, a été contrainte de réduire le nombre de ses observateurs. La MOE
UE a rencontré des observateurs nationaux dans 15% des BV observés.
Plusieurs missions d'observation électorales internationales n'ont pas pu déployer le même
nombre d'observateurs qu'au premier tour.
SCRUTIN DU 28 NOVEMBRE__________________________________________________
Le second tour du scrutin présidentiel s'est déroulé dans le calme dans la plupart des BV
observés. Les observateurs ont rapporté une affluence importante dans la totalité des BV, en
particulier au cours des premières heures de la matinée. Le BV ont ouvert avec du retard dans
83% des cas.
Le respect des procédures de vote a été évalué de manière positive dans 75% des cas (qualificatif
très bien et bien). Dans 21% l'évaluation est acceptable. Les observateurs ont remarqué que les
irrégularités constatées lors du premier tour se sont répétées telles que les urnes non scellées dans
18% des cas. Comme au premier tour, l'absence d'encre sur les doigts de l'électeur avant le vote
n'a pas été vérifiée dans 71% des cas, mais l'encrage des doigts après le vote a été opéré à 96%.
Les observateurs n'ont pas observé des violations intentionnelles du secret du vote, mais la
position de l'isoloir ne garantissait pas le secret du vote dans 16.5% des cas. Perturbations,
intimidation et violence ont été constatées dans 7% des BV observés.
Les opérations de clôture du BV, de dépouillement et de rédaction du procès verbal ont été
évaluées positivement dans 89% (qualificatif très bien et bien) des instances d´observation. Dans
9% l'évaluation est acceptable. Dans 20% des cas observés, des réclamations ont été déposées
dans le PV. La présence des représentants des candidats et leur signature et réception des PV ont
contribué de manière significative à l'intégrité du processus. Comme ce fut le cas lors du premier
tour, la formation insuffisante des MBV n'a pas permis que l'intention de l'électeur soit
considérée comme critère de la validité du bulletin de vote dans 13% des cas.
Les observateurs ont noté que, contrairement aux instructions de la CEI, la feuille
d'enregistrement des résultats par BV n'a pas été affichée dans plus de la moitié des BV visités.
La sécurisation des BV n'a été assurée par le Centre de Commandement Intégré (CCI) que dans
56% des cas, en dépit d'une présence renforcée par rapport au premier tour. Les éléments
manquants ont été remplacés par d'autres forces de sécurité dans 35% des cas. Contrairement
aux dispositions légales et aux instructions de la CEI, des membres des forces de sécurité ont
assisté les opérations électorales à l'intérieur du BV dans le 7% des cas.

TRANSMISSION DES RESULTATS_____________________________________________

La CEI a diffusé une circulaire sur les nouvelles modalités de transmission des résultats. En dépit
des nombreux problèmes logistiques relevés par les observateurs, les PV sont arrivés aux CEIL.
Compte tenu du couvre-feu, la CEI a dû arrêter les opérations électorales centrales, régionales et
départementales à 21h le jour du scrutin et a autorisé aux CEIL à déterminer de façon
individuelle si elles continuaient à opérer. Elle a indiqué des « raisons indépendantes de sa
volonté » la conduisait à reporter l'annonce des résultats d'un jour. Ceci a produit une confusion
importante en provocant une incertitude au moment clé où les PV se trouvaient à l'étape du
traitement ou du transport vers different lieux du pays, sans savoir si ceux-ci seraient ouverts.
Ce nouvel environnement électoral a été suivi d'une montée de violence et d'incidents qui ont
contraint la Mission à retirer 16 observateurs dans un court délai.
Dans la grande majorité des CEIL observées, les PV des BV n'ont pas été affichés. La dernière
étape de compilation, avant la proclamation des résultats provisoires, est en cours au siège de la
CEI centrale.

Written by Tristan Sahi

Afrique Média : Blé Goudé fait un déballage sur la situation politique en Côte d’Ivoire

Les retombées du PS-Gouv et la visite d’État du président Ouattara positivement ressenties à Niakara – Actualité ivoirienne 09/08/2020