Présidence FIF: les 4 erreurs fondamentales qui expliquent l’échec du CONOR selon un magistrat

Ange Grah Ange, magistrat ivoirien, décrypte les erreurs du CONOR qui a entrainé le report de l'élection de la présidence de la FIF.

Pour avoir eu l'occasion d'appartenir à un comité de normalisation dans circonstances, mutatis mutandis, proches de celles qui ont conduit à la mise en place du CONOR, nous avons réussi à identifier les causes profondes du fiasco (il ne faut pas avoir peur des mots) qu'il a rencontré dans sa mission. Ils sont au nombre de quatre.

Le CONOR influencé par la stratégie de communication de la bande de mafieux, qui faisait de lui l'instrument de la caporalisation de la fédération nationale par la a commis l'erreur monumentale, pour sa crédibilité de ne pas assumer sa qualité pourtant défendable juridiquement, de mandataire de cette confédération alors que sa mise en place est fondée sur les statuts de celle-ci qui prévoient en leur article 8 que « les organes exécutifs des associations membres peuvent, dans des circonstances particulières, être relevés de leurs fonctions par le Conseil, en concertation avec la confédération concernée, et remplacés par un comité́ de normalisation pour une période donnée. »

Le fait qu'il ait voulu donner l'impression d'une autonomie dans son action qu'il n'a pas en réalité, a donné des ailes à ses pourfendeurs pour qui son discours trouble constituait une aide plus que précieuse. Il y a pourtant une panoplie de texte sur lesquels il aurait pu se baser pour justifier son existence et sa mission. Il aurait dû veiller dans sa communication à défendre son statut d'arbitre de la crise interne de la FIF au lieu nourrir le sentiment suspicion qu'inspire l'attitude louche qui a consisté à vouloir se détacher de façon d'ailleurs peu crédible de sa relation de son mandant. La revendication de la légalité, de la légitimité et de l'opportunité de l'intervention de la FIFA était incontournable pour la réussite de sa mission. Hélas, interrogé à l'Assemblée sur le titre auquel il intervenait, il a pourtant eu le culot de dire qu'il agissait en son propre nom.

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La deuxième erreur du CONOR est le manque d'ambition dont il fait preuve dans la mission de normalisation qui lui a été confié par la FIFA en la réduisant sur le plan textuel à la seule question du processus électoral alors que de nombreuses clauses des Statuts de la FIFA l'invitaient à l'étendre à la nécessaire mise en conformité des Statuts de la FIF avec ceux de la FIFA. Cette erreur découle de la première car s'il avait assumé son rôle de mandataire de la FIFA, il ne lui aurait pas été difficile de faire partager à tout monde la nécessité incontournable, qu'il avait en cette qualité, d'intégrer ce paramètre dans son action.

Il s'agit notamment de l'article 8 qui stipule que « toute personne ou organisation impliquée dans le football est tenue de se conformer aux Statuts et aux règlements de la FIFA … », de l'article 11 « Les statuts de l'association, à joindre à la demande d'admission, doivent impérativement prévoir : …qu'elle s'engage à se conformer en tout temps aux Statuts, aux règlements et aux décisions de la FIFA et de la confédération concernée …” et de l'article 13 « tous les acteurs doivent observer les Lois du Jeu, les principes de loyauté́, d'intégrité́, de sportivité́ et de fair-play ainsi que les Statuts, règlements et décisions de la FIFA et de la confédération concernée… ». Cela aurait également eu l'avantage et le mérite de faire taire les mensonges combien de fois répétée qui fait de façon surréaliste de la FIF, membre de la FIFA, une organisation qui lui était indépendante et qui n'avait donc pas de compte à lui rendre. Une fois de plus hélas, le CONOR a choisi d'adopter une vision limitée de sa mission, en commettant ainsi sa troisième erreur.

En effet puisqu'en matière de modification, le CONOR s'est focalisé sur les clauses relatives au processus électoral, cela pour conséquence de l'emmener à faire le choix d'une simple révision des Statuts alors qu'en réalité sa mission imposait à la lecture des anciens statuts de la FIF, l'adoption de nouveaux Statuts. Le texte à modifier, parce que fondé sur une volonté de tricherie, étaient en total déphasage avec les principes et les valeurs fondamentaux proclamés par la FIFA dans ses Statuts. Le CONOR a choisi de façon inexpliquée, l'immobilisme. Pourtant constitué pour normaliser la FIF, il propose une nouvelle version des Statut qui refusent toujours, en ce 21e siècle, le droit de vote à l'Assemblée Générale de la fédération, aux clubs du football féminin alors qu'en son article, les Statuts de la FIFA stipulent que cette Organisation a pour but « de promouvoir le développement du football féminin et la pleine participation des femmes à tous les niveaux de la gouvernance du football… ».

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L'article 13 prévoit que « les organes législatifs doivent être constitués…en prenant en compte l'importance de l'égalité des sexes dans le football… » et l'article 4 interdit toute discrimination fondée sur le sexe. Cette renonciation à imposer la question du genre au sein de la FIF est fortement symbolique, sinon choquante à cause des nombreuses dispositions qui y invitent, mais surtout à cause de la personnalité qui préside le CONOR. est quand même la Présidente de la coalition des femmes leaders de Côte d'Ivoire et est connue comme une fervente militante des droits de la femme. Qu'elle ne profite pas de cette occasion de moderniser la FIF en lui faisant épouser la problématique du genre.

Qu'elle adopte la même attitude vis-à-vis de la discrimination dont souffre également les clubs amateurs est aussi inacceptable, surtout que selon les Statuts de la FIFA, ce sont les clubs, seuls qui doivent avoir la qualité de membre avec droit de vote des Associations nationales qui lui sont affiliées. L'exclusion des clubs féminins et amateurs du droit de vote alors qu'on continue de l'accorder aux Groupements d'Intérêts qui ne peuvent même pas avoir la qualité de membre, conformément aux articles 12 des Statuts de la CAF et 20 de ceux de la FIFA, interpelle sur les objectifs réels du CONOR.

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Enfin la dernière erreur, qui à elle seule peut expliquer le fiasco de la dernière Assemblée Générale, concerne l'instance d'adoption des reformes. En ayant fait le choix d'une révision des Statuts et au lieu de l'adoption de nouveaux textes, le CONOR s'est condamné à faire adopter les changements qu'il voulait faire par le biais d'un processus hostile à ce changement. L'Assemblée Générale à laquelle les reformes ont été soumises est celle qui résulte du système que le CONOR veut remettre. Comment peut-on accorder aux personnes à qui les anciens Statut donnaient la possibilité d'exclure les candidats qui les gênaient, le choix d'adopter ou pas les réformes auxquelles elles sont opposées ? C'est faire preuve d'une naïveté si grossière, qu'elle ne peut qu'être suspecte.

La solution consistait à rédiger des nouveaux Statuts totalement conformes aux Statuts de la FIFA et de les faire adopter par une Assemblée constituée par les membres de la fédération tels que déterminés par lesdits Statuts, c'est-à-dire l'ensemble des clubs de football masculins ou féminins, aussi bien professionnels, qu'amateurs. Par cette voie, le CONOR aurait le pouvoir de décider à ceux à qui se pouvoir appartient en application des Statuts de la FIFA.

Le sentiment que nous inspire l'échec du CONOR est celui d'une très grande perplexité, tant les erreurs qu'il a commis nous paraissent grossières. Quand on connaît la qualité des personnes qui l'animent, on ne peut que s'étonner du semblant de naïveté et d'amateurisme que laisse entrevoir l'ensemble du processus qu'elles ont conduit. On en arrive à se demander s'il ne s'agit pas en réalité de machiavélisme, les objectifs véritables étant loin de ceux annoncés. Cela est laissé à l'appréciation de chacun.

Written by Ange Olivier Grah

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