Le 15 février 2018, le premier ministre Amadou Gon Coulibaly annonce publiquement qu'il n'y aura pas de réforme de la CEI et rejette la décision de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. Le 12 mars 2018, le gouvernement répond officiellement à la Cour africaine et reste catégorique « Pour le gouvernement, la question de la réforme de la CEI ne se justifie guère ». Réforme CEI Eric-Aimé Sémien.
Le 6 avril 2018, la justice condamne à douze jours de prison, 18 opposants qui avaient marché pour exiger une réforme de la CEI.
Le 02 août 2018, l'Union européenne dans un rapport qui a fuité, juge nécessaire la réforme de la CEI quatre jours plus tard, Alassane Ouattara annonce qu'il accède aux exigences de l'opposition et des acteurs de la société civile qui militent depuis plusieurs mois, pour une réforme de la CEI. Mais au commencement de cette lutte, se trouve un homme, Eric-Aimé Sémien (à gauche sur la photo, avec André Silver Konan). Ci-dessous, le devoir de mémoire de l'OIDH.
Dans son adresse à la nation du 06 août 2018, le Président de la République est également revenu sur la composition de la Commission électorale indépendante (CEI). Il a promis instruire « le Gouvernement à l'effet de réexaminer la composition de la CEI » comme le recommande la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Deux (02) années se sont écoulées entre l'arrêt rendu par la Cour et cette volonté de s'y conformer.
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Mais, savoir que l'horizon reflète la réalisation du changement souhaité est un motif d'espoir. L'OIDH voudrait donc se réjouir de cette volonté de se conformer à la décision d'une juridiction supranationale. Le regard reste néanmoins fixé sur la matérialisation de cette promesse. La longue marche à l'origine de l'arrêt de la Cour mérite cette exaltation. Elle commande de féliciter la détermination et la hardiesse des hommes dont les efforts ont suscité ce changement en cours. Il s'agit de femmes et d'hommes épris de justice et du respect scrupuleux des droits de l'homme, conformément aux instruments nationaux et internationaux.
Pour eux, l'atteinte de ces objectifs repose davantage sur des actions efficaces capables de produire des résultats, loin des actions d'éclat dont le seul but est de glorifier les seuls entrepreneurs de l'action. Pour l'OIDH, un bref rappel de la procédure de la saisine qui a abouti à l'arrêt de la Cour s'impose. Ce rappel permettra de connaître les véritables auteurs de ce changement à venir, leurs aspirations à l'époque de la saisine et la façon dont ils souhaitent la réalisation de la réforme de la CEI.
Les faits se déroulent en juillet 2014. L'Etat de Côte d'Ivoire vient d'adopter le 05 juin 2014, la loi n°2014-335 du 05 juin 2014, modifiant la loi n°2001 et portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante en Côte d'Ivoire.
Monsieur Eric-Aimé Sémien, aujourd'hui Président de l'Observatoire Ivoirien des Droits de l'Homme (OIDH), était Président de l'ONG Actions pour la Protection des Droits de l'Homme (APDH). A ses côtés se trouvaient bien d'autres dirigeants actuels de l'OIDH.
Cette équipe juge la loi du 05 juin sur la CEI, non-conforme à la Charte africaine sur la Démocratie, les Elections et la Gouvernance, ratifiée par l'Etat de Côte d'Ivoire le 16 octobre 2013.
Elle entrevoit dès lors une action en vue de susciter le retrait de cette loi. Mais aucune procédure interne ne s'offre à l'équipe de Monsieur Semien, la loi en question étant une loi d'organisation administrative d'une autorité administrative indépendante en charge d'organiser les élections.
Dès lors, l'équipe du Président Semien, à travers le courrier n°212-2014/BEN 2011-2014/PR du 09 juillet 2014, adresse une Requête aux fins de Saisine de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Dans cette requête, l'équipe de Monsieur Eric Aimé Semien demande à la Cour de constater la violation des dispositions de l'article 17.1 de la Charte Africaine sur la Démocratie, les Elections et la Gouvernance, en tant qu'instrument pertinent des Droits de l'Homme, puis de condamner l'Etat de Côte d'Ivoire à réviser cette loi pour non-conformité vis-à-vis de ses engagements internationaux.
En clair, l'équipe de Monsieur Semien reproche à la CEI de ne pas répondre aux critères d'indépendance et d'impartialité en raison de sa composition à majorité par des personnalités politiques, et qu'elle pourrait constituer en conséquence une institution aux antipodes des principes et valeurs promus par la charte.
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La requête est reçue par le Greffe de la Cour le 12 juillet 2014 et une audience publique est organisée le 03 mars 2016. Au cours de cette audience, se confrontent l'APDH et l'Etat de Côte d'Ivoire. Il en résulte selon la décision finale de la Cour que l'Etat de Côte d'Ivoire a effectivement violé son obligation de créer un organe électoral indépendant et impartial, prévu par l'article 17 de la Charte africaine sur la démocratie et l'article 3 de la CEDEAO sur la démocratie ; et son obligation de protéger le droit des citoyens de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, garanti par l'article 13 (1) et (2) de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
Bien d'autres violations sont également relevées.
La Cour ordonne par ailleurs à l'Etat de Côte d'Ivoire de modifier la loi n°2014-335 du 18 juin 2014 relative à la Commission Electorale Indépendante pour la rendre conforme aux instruments ci-dessus cités. Ces considérations et ce rappel permettent à l'OIDH d'encourager l'Etat de Côte d'Ivoire à faire de cette volonté affichée une réalité.
L'OIDH recommande à l'Etat de faire du processus menant à la réforme de la CEI un processus inclusif.
L'OIDH demande à l'Etat de créer des garantis nécessaires à la pleine et effective autonomie de la CEI en vue d'élections plus transparentes qui traduisent les réelles aspirations des populations. L'OIDH souhaite, par ailleurs, que la gestion de la CEI relève exclusivement des organisations de la société civile. Un processus démocratique pourra par la suite conduire à la désignation des personnes devant composer la Commission.
Prince Beganssou avec OIDH