Arafat Dj, Histoire et légende d’une comète: le livre sur le Daïshi

Le livre sur Arafat DJ, un champion des néologismes et des expressions idiomatiques sera disponible les 26, 27 et 28 octobre 2022, au Colloque du CNRTO.

Extrait du livre sur Arafat DJ:

« Dans quelle langue Arafat DJ chantait-il ? On devrait parler des langues d’Arafat tant la panoplie de langues, d’idiomes et de jargons enrichit l’ensemble de son œuvre. C’est vrai, on entend des bribes de senari (sénoufo) dans Zoropoto, mais l’artiste s’arrange pour y glisser le mot «tchoin » qu’il martèle à souhait. On entend aussi un refrain en wè dans le clip-culte où il réclame son « lahan » à un mauvais payeur. En dehors de ces deux ou trois incursions dans l’univers des langues d’Eburnie, Arafat DJ chante surtout dans trois langues : le français abidjanais, le métalingala et l’arafatais, la langue fabriquée par lui-même et dont il détient seul les secrets syntaxiques et sémantiques.

Dans quelle langue Arafat DJ chantait-il ? Pas en mandarin en tout cas, même si l’artiste, véritable linguiste de l’instantané, a exalté un monde mi- imaginaire, mi-réel, la Chine dont il était le président et dont les myriades de Chinois étaient les citoyens sujets.

Avant de proposer un inventaire des jargons, dialectes et idiomes de la lingua arafatis, il faut se pencher sur les supports sur lesquels reposait cette tradition orale, urbaine et moderne, verbeuse et truculente.

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Il y a chez Arafat DJ le chanteur, la permanence de l’improvision systémique des jazzmen, les pulsations des gospels Singers et l’ire psychédélique des hurleurs des groupes de rock de type heavy metal. Il y a chez l’éphèbe au corps gribouillé de tatouages, des élégies dont la plus célèbre chantée, pour Jonathan, propulsa l’adolescent sans acné au-devant de la scène musicale.

Les textes d’Arafat, si l’on peut donner ce nom à ces productions non écrites, empruntent aussi à l’art des griots quand ils convoquent au détour d’une inflexion de la voix, bienfaiteurs, bandits et barons ou quand il s’extasie devant amis et alliés.

Dans cette kyrielle onomastique que constitue le hall of fame de la planète Arafat, l’on retrouve les épanchements filiaux destinés à « Papa Hamed Bakayoko », des invocations laudatives pour Didier Drogba et Samuel Eto’o. Sans oublier, des signatures musicales, sortes de paraphes, pour les arrangeurs, dont le plus régulier, Champi Kilo, est cité moult fois.

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Pour comprendre le texte d’Arafat, il faut aussi reconnaître les accolades musicales dont il étreint affectueusement les membres de son cercle intérieur comme l’intime Olokpatcha l’Empereur, un ami de la trempe de ceux que chez les Bhété on appelle «Gouaméné».

Les mots et les arpèges stridents que Arafat DJ vocifère sont aussi une chronique et une immense fresque de ses déboires sentimentaux et de ses revers de tout genre. Ces cris enragés sont une sorte d’exutoire continuel pour lui et ses Chinois contre « ils », ces ennemis multiformes qui en voulaient à sa personne et à sa carrière, l’équivalent de la Babylone des reggaephiles et rastamen.

Mais le texte arafatien comme une Chanson de Roland est aussi un espace permanent de gestes, de polémiques, de controverses et d’affronts lavés ou à laver. Y passent concurrents, collègues ou collaborateurs tombés en disgrâce. Là, à coup de cris et de quolibets, le virevoltant Yôrôbô, armé de ses 5000 ou 8500 volts, les électrocute un à un et les exécute sur la chaise électrique dont il détient seul le bouton.

Chez le roi du coupé-décalé, le texte bien sûr s’affranchit des codes esthétiques et éthiques habituels. De toute façon, même s’il fait appel de façon abondante au nouchi, la lingua franca dulupen prolétariat des oubliés de la société ivoirienne, Arafat DJ chante en Ivoirien, cette langue cousine du français qui s’en rapproche et s’en éloigne sans états d’âme.

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Cette émancipation à l’égard du linguistiquement correct amène le chanteur à recourir au langage cru des activités génératrices de frissons et de frictions, sans inhibition ; devant son public d’adolescents et d’adulescents bavant de bonheur devant le casseur de codes. Et quand Arafat veut être gentil, il sert des synonymes comme mougou mais bon…la foule comprend et exulte.

Arafat DJ, en plus de sa flamboyance onomastique – une vingtaine de surnoms décomptés – a été un champion des néologismes et des expressions idiomatiques. Le vocabulaire des 14-30 ans de Dakar à Kigali s’est définitivement enrichi d’expressions aussi loufoques qu’hermétiques comme « Avion dans sac » ou « Dêguê braisé »….

Written by Christian Binaté

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