Alain Tailly à Ouattara : « il faut savoir s’arrêter »

Alassane Ouattara, le lundi 17 août 2020

Alain Tailly adresse un message au président Alassane Ouattara, relative à son 3ème mandat pour la présidentielle d'octobre.


Excellence Monsieur le Président de la République de Côte d'Ivoire,
Cher père, Je prends l'initiative de vous adresser cette lettre, faute de pouvoir vous rencontrer en personne, car les chemins de la présidence sont semés de nombreuses embûches. Vous voudriez bien me pardonner de m'adresser à vous en public. L'urgence de la situation me l'impose. Le devoir de vérité me l'exige.

Excellence, je vous écris au moment où des nouvelles peu rassurantes nous parviennent avec acuité des faisant état d'armes blanches (couteaux, machettes et haches) entreposées ici et là en différents points du territoire national. Je vous écris au moment où les rumeurs les plus folles parlent de forces parallèles chauffées à blanc pour installer le péril dans le . Les messages de haine des différents camps, les appels à l'extermination des uns et des autres se multiplient et annoncent des jours sombres pour le pays, dans une atmosphère luciférienne.

Or, nous le savons, en Côte d'Ivoire, les rumeurs cachent parfois, hélas, la cruelle réalité.
Je vous écris au moment où la crise pré-électorale précocement meurtrière annonce une campagne troublée, des élections survoltée et une crise post-électorale qui débouchera inéluctablement sur une guerre civile. Ce ne seront plus 3000 morts, mais des millions d' et d' qui se découperont à la machette, s'entretueront à la kalachnikov, car vous le savez, Excellence, les Ivoiriens sont divisés, notre armée est divisée, nos partis politiques sont divisés : la Côte d'Ivoire est une poudrière en attente d'exploser.

Face à un tel péril, il me faut m'adresser non plus au Président Alassane Dramane Ouattara, mais plutôt à l'enfant qui est en vous. Oui, je parle à l'enfant de 5 ou 6 ans qui a été brutalement arraché à sa terre natale et qui s'est retrouvé de façon inattendue et brutale en Haute-Volta (actuel Faso). Je parle à l'enfant qui a subi le martyr dans les rues broussailleuses et poussiéreuses de dans un foyer polygame où les humeurs et maltraitances des marâtres sont toujours sources de douleurs et de souffrances inimaginables. Or l'adulte porte toujours les blessures de l'enfant. Et sans thérapie appropriée il ne peut en guérir, véritablement.

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Je parle aussi au jeune homme qui a été considéré comme un ‘‘diaspo'' dans ce pays étranger et qui a été de ce fait moqué, rejeté et marginalisé parce qu'il a eu le malheur de naître ailleurs. Je parle à l'homme qui a vécu à l'ombre de ce complexe de l'apatride, qui a lutté sueur et sang pour se faire un nom et une réputation afin de devenir ‘‘quelqu'un'' et obtenir, ainsi, le juste respect des autres. Le respect de la valeur intrinsèque.

Je parle au brillant banquier, à l'homme affable, au technocrate rigoureux qui une fois revenu en Côte d'Ivoire, après de longues décennies d'absence s'est vu, là encore, rejeté et combattu au motif qu'il n'était pas d'ici et qu'il venait d'ailleurs. Celui qui se retrouve ainsi entre deux pays souffre ce qu'on appelle le complexe du rejeté, il couve de profondes blessures intérieures qui peuvent fausser son jugement et assombrir ses desseins. Les sentiments qui peuvent s'installer insidieusement dans le cœur de cette personne ont pour noms haine, colère, vengeance, destruction des autres, mais aussi autodestruction.

Je parle enfin à l'homme d'État qui a noué des alliances, accordé sa confiance, propulsé des destins, et qui au soir de son règne, abandonné par ses compagnons de trente ans et ses alliés d'hier, se retrouve presque seul dans la vallée des vainqueurs, point névralgique où le leader se retrouve face à son destin et face au jugement de l'Histoire.

Alors, pour les outrages et souffrances infligés à l'enfant, de à Sindou, pour les blessures faites au jeune homme à , et pour les mille et une humiliations subies par l'homme, ici même en Côte d'Ivoire, Excellence, non pas moi, non pas nous peuple ivoirien, mais Al Hassane, le Pure et Bienfaiteur, Ab'Dramane, le Miséricordieux, Lui-même, vous demande pardon et vous prie de pardonner.

Oui, Excellence, pardonnez, vous le noble héritier des Ouattara, les hommes du Watta, c'est-à-dire, de la Force et de la Puissance. Mais la vraie force d'un homme ne réside-t-elle pas dans sa capacité à transformer les pierres d'injures et d'ingratitude qu'on lui a jetées en des pierres précieuses d'Amour, de Compassion et de Pardon ? C'est dans cette transmutation des sentiments, véritable alchimie de l'Âme et de l'Esprit, que vous réussirez votre plus grande œuvre et que vous achèverez votre mission sur terre en tant que fils de Lumière du Divin Créateur.

Excellence, nous en sommes-là. Gouverneur de la , Directeur Adjoint du , , Président de la République de Côte d'Ivoire, vous avez atteint tous vos objectifs et réalisé tous vos rêves légitimes. Devant vous se présente désormais l'ultime épreuve : l'épreuve du Feu et de la Vérité, celle où l'Amour triomphe de la Haine, où la Paix triomphe de la Colère, où le Pardon triomphe de la Vengeance ; l'épreuve ultime où l'homme accompli, parvenu au sommet de la gloire, dans un sursaut de lucidité dit à ses laudateurs, hagiographes et autres thuriféraires : non, cela suffit ! Il faut savoir s'arrêter ! Il faut savoir raison garder ! Il ne faut pas détruire ce que l'on a construit avec tant de passion et d'engagement. Pour l'honneur, et pour la Côte d'Ivoire, je m'arrête !

Et vous poursuivrez votre démarche en disant : Parce que je suis le plus fort, ayant pour moi tous les instruments du pouvoir : armée, justice et argent, j'irais, avec humilité et empathie, vers mes frères Henri Konan Bédié et ainsi que mon fils . Nous ferons la paix des braves pour sauver la Côte d'Ivoire et la vie de 23 millions d'Ivoiriens. Nous ferons ensemble le choix courageux de renoncer à l'affrontement de trop qui embrasera le pays et ruinera cette belle terre qui nous a vu naître et qui nous a porté avec tant de générosité.

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Je dirais à mes frères Bédié, Gbagbo et Soro, que nous avons le devoir sacré de transmettre à la nouvelle génération, une Côte d'Ivoire en paix, un pays d'amour et de fraternité ainsi que nous l'a enseigné le plus illustre d'entre nous, le Père de la , le Président .

Et pour cela, il n'y aura pas de plus beau sacrifice de notre part, nous les différents protagonistes de cette crise interminable, il n'y aura pas plus belle preuve d'amour pour notre peuple que celle du dépassement de soi, de son égo, de son orgueil et de ses intérêts de clan.

Il n'y aura pas de plus grande élégance d'esprit que celle de se ré autour d'une même table, de se parler comme des frères d'une même terre, de se pardonner mutuellement et de décider ensemble de choisir ceux des plus brillants des fils et filles de Côte d'Ivoire en leur disant : nous avons fait notre part. Nous avons droit au juste repos.

Nous nous retirons tous les quatre, car nous avons cristallisé trop de haine, de colère et de rancœurs. C'est notre devoir d'humilité, de fraternité et de solidarité envers le peuple de Côte d'Ivoire. Il n'y aura donc plus de Pro-, de pro-Gbagbo, de pro-Bédié ou de , car il faut à ce merveilleux pays des pro-Côte d'Ivoire.

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Excellence, un bon compromis vaut mille fois mieux qu'une guerre imprévisible, désastreuse et inutilement meurtrière. Je vous prie avec la dernière énergie d'écouter la voix intérieure qui vous parle quand vous êtes seul avec vous-même, et de toutes les humeurs et fureurs qui vous entourent, si souvent. La voix de la sagesse vous parlera et vous aidera à choisir la voie du dialogue et de la concertation, le dialogue étant l'arme des forts.

Dès lors, en accord avec vos trois autres frères, vous choisirez de façon inédite et consensuelle le meilleur profil pour conduire les destinés du pays dans la confiance et la sérénité. Ce sera de préférence un homme nouveau, une personne neutre, à équidistance de tous les camps. Un tel homme, une telle femme existe en Côte d'Ivoire. Excellence, vous le savez. Nous le savons tous.

Cette personnalité, homme ou femme de rassemblement, sera la plus qualifiée et présentera le meilleur profil psychologique, moral, intellectuel et professionnel, afin de recoudre le tissu social déchiré, guérir les plaies encore béantes de la crise post-électorale de 2010-2011, construire l'Ivoirien nouveau, maintenir et accélérer la croissance, produire et partager équitablement la richesse, développer nos 8000 villages, rénover et promouvoir nos 201 villes et communes, réformer l'école du primaire à l'université afin de générer des ressources humaines de qualité. Les chantiers sont tellement nombreux, Excellence. Vous le savez, mieux que quiconque. Et nous avons besoin d'une paix durable pour y travailler. Et nous avons besoin d'union et de pour y oeuvrer.

J'ai parlé en amoureux de la Côte d'Ivoire, mais aussi en fils qui aime et respecte son père. J'ai également parlé en tant que poète de la Nation, Messager et libre-penseur : celui qui le 17 novembre 2008 au Palais de la Culture Bernard Dadié, pendant qu'un autre gouvernait, vous a dit avec courage que vous serez le prochain Président de la Côte d'Ivoire, mais cela au prix du sang versé.

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Excellence, je vous en conjure, par les compassions de Dieu et pour l'amour de votre peuple, ne permettez plus jamais qu'une seule goutte de sang ivoirien coule sur cette terre d'Éburnie. Agissez en homme de paix, en rassembleur et en guérisseur. Déchirez la page de douleur des conflits de personnes, des trahisons rocambolesques et des séparations tapageuses.

Ouvrez pour vos enfants et petits-enfants une nouvelle page, belle et magnifique, où nous pourrons écrire, ensemble, dans l'Amour fraternel et la cohésion retrouvée, le nouveau récit ivoirien, la terre de la nouvelle espérance promise à toute l'humanité.

Un grand et noble dessein.
Excellence Monsieur le Président de la République, écrivez en lettre d'or sur une tablette d'ivoire le nom d'Alassane Dramane Ouattara dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. Faites le choix admirable de rentrer dans l'Histoire par la grande Porte.

Written by YECLO.com

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