Bédié, Ouattara, Gbagbo… laissez Houphouët en paix

27 ans après la mort d'Houphouët, Bédié, Ouattara, Gbagbo, les politiques ne cessent de revendiquer son héritage, selon Francis Akindès.

Jamais la figure de n'a semblé aussi vivace qu'aujourd'hui. Au sein du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), dirigé par , qui fut le dauphin constitutionnel de Félix Houphouët-Boigny, comme du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), mené par le président , qui fut son Premier ministre, et même du Front populaire ivoirien (FPI) de , qui fut son farouche opposant, chacun se dispute la mémoire du grand homme.

Or Félix Houphouët-Boigny, c'était une vision particulière de la Côte d'Ivoire en construction, une façon d'être libéral qui lui était propre. C'était une ingénierie personnalisée de politique intérieure et de gouvernance, une manière très particulière de penser le rapport de son pays avec le reste de l'Afrique de l'Ouest, une manière spécifique d'envisager sa relation avec l'Europe et le monde. Le temps d'Houphouët-Boigny est aujourd'hui fini. Et il n'y a guère eu grand effort de fait pour entretenir sa mémoire politique. L'on se demande alors quelle dimension de l'houphouétisme est ainsi invoquée, puisque nul ne le dit.

À l'analyse, cette référence excessive à la figure tutélaire n'est que le symptôme du malaise qui étreint la classe politique et la société ivoiriennes, orphelines et démunies. De son vivant, Félix Houphouët-Boigny aimait souvent dire : « Le vrai bonheur ne s'apprécie que lorsqu'on l'a perdu. »

Depuis la mort du « père », qui pensait à tout à la place de tous, la Côte d'Ivoire semble plus que jamais confrontée à la réinvention de son devenir. L'architecte disparu, les plans de la maison à la main, ses ingénieurs ne savent plus que construire. Ils semblent transis, ne parvenant ni à avancer ni à reculer.

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En un quart de siècle, le contexte international a complètement changé, la Côte d'Ivoire s'est démographiquement et sociologiquement transformée, le rapport à l'autorité y a évolué, la population a de nouvelles revendications, la guerre est passée par là…

Si l'on peut s'en inspirer, il n'est plus possible d'appliquer les mêmes méthodes qu'au temps de Félix Houphouët-Boigny. L'on ne peut envisager l'avenir en étant tourné uniquement vers son passé : il est temps de réinventer le présent. Le pays est à un carrefour de son histoire. La société est aujourd'hui anxieuse, habitée par le traumatisme d'une décennie de conflits qu'elle ne parvient pas à soigner, traversée par les inégalités sociales, des sentiments de mal-être et de revanche. La construction de la nation a été laissée en friche par le « père de la nation ».

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Les héritiers politiques d'Houphouët sont aujourd'hui dans une impasse , leur recours incessant à la mémoire du défunt président en est révélateur. C'est aussi le signe que la fin de cette génération est arrivée. Mais elle n'en prend guère la mesure, persistant à croire qu'elle peut contrôler le futur avec les réflexes du passé et, de ce fait, ne parvient pas à passer le relais à la génération suivante sans conflit. Il faut pourtant faire de la place aux jeunes.

Aujourd'hui, on qualifie ainsi des hommes et femmes politiques de 50 ans, voire de presque 60 ans, en raison de l'embouteillage dans les allées du pouvoir tel que le conçoivent et l'organisent les partis. Est-on réellement jeune à 50 ans ? Plus de 60 % de la population ivoirienne a moins de 35 ans. La plupart d'entre eux n'ont pas souvenir du premier président, beaucoup n'étaient même pas nés. Ils ne le connaissent qu'en tenue officielle, figé sur des photos suspendues aux murs. Ce sont pourtant eux les électeurs et les citoyens d'aujourd'hui et de demain.

Pour construire avec eux un avenir, ne serait-il pas temps de se souvenir de Félix Houphouët-Boigny certes, mais en le dépassant ?

Written by Francis Akindès

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