Dans les coulisses du coup d'Etat à la CEI et au Conseil Constitutionnel, les nouvelles révélations de Chris Yapi.
C'est l'histoire d'un coup d'État contre la démocratie et l'État de droit. Les auteurs, les exécutants et le bénéficiaire sont tous connus. La victime n'est autre que le Peuple de Côte d'Ivoire. Le Conseil Constitutionnel de notre pays a décidé, contre le Droit, contre la Justice et contre la morale, d'écarter les principaux rivaux d'Alassane Ouattara à l'élection présidentielle d'octobre 2020. Voici les coulisses de cette forfaiture.
Le dimanche 13 septembre 2020, une session du Conseil Constitutionnel s'est tenue. Ce dernier a reçu de la CEI l'ensemble des dossiers de candidature pour décision. Et lors des travaux de cette juridiction suprême, des tensions sont nettement apparues entre les membres au sujet de la candidature d'Alassane Ouattara.
Sur les sept membres du Conseil Constitutionnel, trois étaient nettement contre la candidature d'Alassane Ouattara qu'ils jugeaient contraire à la Constitution.
Ces trois juges sont :
• Jacqueline Louhoues-Oble ;
• Koné Assata épouse Silué, enseignante chercheur, membre du panel des neuf experts qui ont été chargés de rédiger la nouvelle Constitution de 2016 ;
• Ali Touré, magistrat hors hiérarchie.
Jacqueline Louhoues-Oble est professeur agrégée de droit, doyenne honoraire de la Faculté de droit et réputée n'avoir pas peur d'exprimer ses opinions.
Mme Koné Assata épouse Silué a rappelé l'esprit et la lettre de la nouvelle Constitution dont elle était l'un des rédacteurs. Elle a précisé que celle-ci empêche bel et bien Alassane Ouattara d'être candidat pour un troisième mandat et que c'est l'avis unanime de tous les experts qui ont participé à la rédaction de cette nouvelle Loi fondamentale. Par conséquent, elle ne votera pas pour l'éligibilité du président sortant.
LIRE AUSSI : Révélations Chris Yapi : « l'arrestation des opposants en cours » info ou intox
Ali Touré a été présenté comme un magistrat courageux par ses pairs. C'est lui qui a prononcé le non-lieu en faveur de Mme Simone Gbagbo lorsque l'État de Côte d'Ivoire a engagé des poursuites contre elle pour crimes contre l'humanité.
Les trois autres juges des fidèles du Président Ouattara qui estimaient qu'il était éligible contre vents et marées sont :
• Vincent Koua Diéhi,
• Me Mamadou Samassi
• Rosalie Kouamé Kindoh épouse Zalo.
Le président de cette instance, Koné Mamadou, craintif, hésitait, balançait. Lui qui pendant longtemps a été un dévoué collaborateur de Guillaume Soro, d'abord dans la rébellion et ensuite bombardé par le même Guillaume Soro, à divers postes de responsabilité, ne savait pas dans quel camp il devait pencher. Il ne voulait pas se dédire, vu les décisions antérieures prises en 2018, dans lesquelles il estimait que la nouvelle Constitution de 2016 ne faisait pas table rase de toutes les dispositions de la Loi fondamentale précédente, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives à l'élection présidentielle. Réputé faiblard, il ne savait à quel saint se vouer. Mais, surtout, il était tétanisé par l'éventuelle réaction d'Alassane Ouattara, si ce dernier n'était pas déclaré éligible.
Soupçonnant que le président Koné Mamadou pourrait pencher du côté de ceux qui estimaient qu'Alassane Ouattara n'était pas éligible, Me Mamadou Samassi, la taupe au sein du Conseil Constitutionnel, envoya un SMS au Ministre Cissé Ibrahim Bacongo afin qu'il alerte le président de la République sur la situation au sein de cette juridiction. Il lui indiqua qu'il y avait péril en la demeure, car en cas d'élection, le Conseil Constitutionnel serait majoritairement favorable à un rejet de la candidature d'Alassane Ouattara.
Le SMS de Me Samassi à Cissé Ibrahim Bacongo a tout déclenché.
Sur ordre du Président Ouattara, un groupe de juristes factieux, composé de Cissé Ibrahim Bacongo, Sansan Kambilé, Mme Cissé Loma épouse Matto, Me Emmanuel Assi, s'est réuni d'urgence pour organiser la parade. Ils ont examiné secrètement l'ensemble des dossiers de candidature que Me Samassi Mamadou avait scanné et leur avait envoyé. Ainsi, sans aucune légitimité, ils ont retenu ceux qui devaient être autorisés à compétir et ceux qui devaient être écartés, selon les instructions claires dictées par Alassane Ouattara en personne.
LIRE AUSSI : Voici la liste des candidats retenus pour la présidentielle ivoirienne de 2020, selon Chris Yapi
Ils ont ensuite rédigé la décision finale qui devrait être lue par le Conseil Constitutionnel au nom du peuple de Côte d'Ivoire, sans aucune modification.
Le lundi 14 septembre 2020 à 8 heures, sur ordre d'Alassane Ouattara, la sécurité présidentielle, le GSPR avec une unité de combat, s'est déportée à l'intérieur des locaux du Conseil Constitutionnel, où les membres devaient délibérer et rendre leur décision dans la matinée. Dès que les conseillers sont arrivés, ils ont été l'objet, les uns après les autres, d'une séquestration qui ne disait pas son nom. C'est devant les membres médusés que la Présidence a fait rédiger un communiqué annonçant la publication de la liste définitive des candidats retenus pour l'élection présidentielle.
Koné Mamadou a refusé de signer ce communiqué, vu que les délibérations n'avaient pas encore commencé et que le vote n'avait pas eu lieu. Le texte a donc été signé par le chargé de communication de cette institution. Quand ils sont entrés dans la salle des délibérations, on leur a tendu le document rédigé par les juristes de la Présidence, qu'ils devaient valider. Les quelques membres intègres du Conseil Constitutionnel se sont offusqués de cette manière de les traiter.
Le président Ouattara, informé, a lui-même appelé Koné Mamadou, le président de cette instance, pour le menacer terriblement. Dans la foulée, il a menacé chacun des trois autres juges qui doutaient de la légalité de sa candidature.
Enfin, les membres du Conseil Constitutionnel ont été conduits dans une salle où ils devaient délibérer. On leur a précisé qu'ils ne sortiraient pas de la salle tant qu'ils n'auraient pas trouvé un accord pour valider le texte que la Présidence leur avait envoyé. Ils ont discuté longuement et à la fin, ont décidé de sauver leurs têtes en se pliant au bon vouloir de la Présidence de la République.
Cependant, ils ont imposé que le document soit lu par Koné Mamadou. Et tous ceux qui ont regardé sa prestation à la télé, pouvaient voir qu'il lisait un texte qui lui avait été dicté, tant il n'arrivait pas à s'en détacher et gardait les yeux rivés obstinément sur son bout de papier. Il était devenu un pantin entre les mains d'Alassane Ouattara et sa prestigieuse carrière de magistrat venait d'être définitivement enterrée avec sa prestation de ce lundi 14 septembre 2020.
LIRE AUSSI : Validation de la candidature de Ouattara : le Conseil Constitutionnel divisé, selon Chris Yapi
Il sait que plus jamais, il n'aura le respect d'un seul juriste en Côte d'Ivoire et que l'histoire ne retiendra de lui que l'ignominie dont il s'est rendu coupable en déclarant, contre sa conscience et en violation de notre constitution, Alassane Ouattara éligible pour un troisième mandat à la présidence de la République.La forfaiture est devenue manifeste quand des candidats comme Kouadio Konan Bertin dit KKB et
Pascal Affi N'Guessan, dont il est notoire qu'ils n'avaient pas réussi à atteindre le nombre minimal de parrains pour voir leurs candidatures validées, ont malgré tout été acceptés par le Conseil Constitutionnel. Comment KKB qui n'avait pas réussi à réunir même un tiers des parrainages requis a réussi à faire valider sa candidature ? Simple.
La cellule technique mise en place au Conseil Constitutionnel pour examiner la validité des parrainages, a reçu l'ordre de compléter le nombre des parrains manquants chez KKB en les prenant chez le candidat Marcel Amon-Tanoh, qui avait réussi à avoir des parrains dans 22 régions sur les 31 que compte la Côte d'Ivoire. C'est le même schéma qui a prévalu pour Pascal Affi N'Guessan, dont le dossier de parrainage comportait beaucoup de doublons, qui une fois élagués, devaient entrainer inéluctablement sa disqualification. Alassane Ouattara a ordonné qu'il soit repêché et il l'a été.
En fait, un deal existe entre Alassane Ouattara et ses deux adversaires de pacotille que sont KKB et Affi N'Guessan. Dès la proclamation des résultats par la CEI, indiquant la victoire d'Alassane Ouattara dès le premier tour, Affi N'Guessan et KKB s'empresseront de le saluer pour reconnaitre sa victoire et paraitront ainsi beaux joueurs. Quand Henri Konan Bédié se mettra à contester en criant à la fraude, personne ne l'écoutera et on dira que c'est lui le mauvais perdant. Il faut signaler qu'il était prévu d'écarter la candidature de Bédié. Alassane Ouattara ne voulait prendre aucun risque.
Cependant, sa candidature a été sauvée in extremis. D'abord, un coup de fil d'un conseiller important ainsi que les anciens ambassadeurs, Jean-Marc Simon et Lennon Walker, lui ont conseillé de le repêcher, car ils auront toutes les peines du monde à obtenir que Washington et Paris soient conciliants et adoubent sa victoire, si Henri Konan Bédié était éliminé. Il faut dire qu'Alassane Ouattara est très méticuleux. Il a tout prévu. Il a déjà étudié et arrêté les scores de ses adversaires. Il veut d'abord les valider avec ses mécènes avant de les transmettre au Président de la CEI qui devra proclamer les résultats. Il n'a pas prévu de second tour. Ses conseillers lui ont fait bien comprendre que la candidature de Bédié a bien des avantages :
1- En allant à l'élection Henri Konan Bédié, reconnaîtrait de facto qu'Alassane Ouattara est bel et bien éligible comme l'a déclaré le Conseil Constitutionnel. Et qu'en réalité, Alassane Ouattara a droit à un troisième mandat. Ceci conforterait la position de ce dernier face à Emmanuel Macron. Souvenez-vous : le Président français avait estimé qu'Alassane Ouattara ne devait pas se présenter à l'élection. Ce serait donc sa première victoire. En d'autres termes, cela signifierait qu'il n'a pas violé la Constitution.
2- La candidature de Henri Konan Bédié légitimerait l'exclusion des candidatures de Laurent Gbagbo et Guillaume Soro. Alassane Ouattara arguerait que le droit a été dit. Et qu'il n'avait aucune raison d'écarter par peur les candidatures de ceux-ci puisqu'il a accepté la candidature du seul vrai poids lourd de l'opposition. Ce qui conforterait la thèse selon laquelle le Conseil Constitutionnel n'a fait que dire le droit et ne pouvait valider la candidature de repris de justice que sont Guillaume Soro et Laurent Gbagbo.
Les conseillers américains et français d'Alassane Ouattara se sont donc satisfaits de la candidature de Bédié. Une fois cela validé, ils se disaient prêts à défendre la réélection d'Alassane Ouattara aux États-Unis et en France. Ils obtiendraient des déclarations, certes pas enthousiastes, mais prenant acte de son élection dès le premier tour.
Le Président Ouattara aura usé de tous les stratagèmes pour venir à bout de ces hommes et femmes du Conseil Constitutionnel. La stratégie du bâton et de la carotte aura payé. En effet, il entend gratifier chaque membre de cette instance de la « modique » somme de 200 millions de FCFA. Quant au Président Koné Mamadou, c'est bien 500 millions de FCFA qu'il empochera. Cela valait visiblement la peine de sacrifier son honneur et sa dignité !
Alassane Ouattara dit à son entourage qu'il existe un deal entre lui et Affi N'Guessan avec des portefeuilles ministériels pour le compte du FPI dans le prochain gouvernement, voire la présidence d'une institution. Mais, Chris Yapi préfère prendre ses propos avec prudence, car il a l'habitude de mentir. Il serait bon qu'Affi N'Guessan nous éclaire là-dessus, comme il sait le faire.
KKB également devrait hériter d'un strapontin pour son soutien à Alassane Ouattara et pour le peu de voix akans qu'il réussira à soustraire de l'électorat de Henri Konan Bédié.
Que de telles combinaisons se fassent en 2020 est hallucinant. Les seules inconnues à ce scénario bien huilé d'Alassane Ouattara demeurent la réaction du peuple de Côte d'Ivoire et de l'armée nationale, la grande muette. Les jours à venir nous situeront.