Cela fait 13 ans que Gbagbo et Soro sont convenus de donner une chance à la paix. A trois mois de la présidentielle d'octobre que reste-il de ses efforts ?
Cela restera comme l'un des actes forts de la fin des hostilités entre les deux armées qui se sont affrontées à partir du 19 septembre 2002. Après s'être rendu compte que la force des armes ne pouvait régler le différend qui les opposait, et au-delà d'eux, les Ivoiriens dans leur grande majorité, le leader historique du Front Populaire Ivoirien (FPI) et le Secrétaire Général des Forces Nouvelles (FN Guillaume Soro, ont décidé de marquer la fin de la belligérance à travers la flamme de la Paix. L'acte est d'autant plus symbolique et très fort, qu'il est intervenu 5 mois après la signature de l'Accord Politique de Ouagadougou et à peine un mois après que le Premier Ministre Guillaume Soro a échappé de justesse à la mort dans un attentat perpétré contre l'avion présidentiel qui le conduisait à Bouaké.
« Il faut savoir qu'au sortir de l'APO (Accord Politique de Ouagadougou, NDLR) signée dans la capitale burkinabè, le chef de l'Etat Laurent Gbagbo, avait marqué son désir de proclamer la fin de la guerre à Bouaké, c'est-à-dire dans le fief de la rébellion. Devenu Premier Ministre au terme dudit accord, Guillaume Soro a fait de ce dossier une affaire à la fois prioritaire et personnelle. Il tenait d'autant plus à ce que la Flamme de la Paix de Bouaké soit un succès, que cela lui apparaissait comme un bon gage pour tourner la page des affrontements militaires et pour montrer aux yeux de tous sa disponibilité à offrir aux Ivoiriens la paix tant souhaitée. C'est pourquoi quand il y a eu l'attentat contre le Fokker Présidentiel le 29 juin 2007, certains ont redouté une reprise des hostilités ou, à tout le moins, le blocage du processus. Mais, il a fallu de la détermination au Premier Ministre Guillaume Soro et de la disponibilité du Président Laurent Gbagbo pour réaliser ce grand pas vers la paix », se souvient un ancien membre du gouvernement de sortie de crise de l'époque.
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« Et, c'est pour appuyer ces efforts des deux anciens protagonistes, plusieurs chefs d'Etat ont effectué le déplacement à Bouaké, ce jour-là. Le symbole est tellement fort, que c'était la première fois que depuis la survenue de la rébellion le 19 septembre 2002, le Président Gbagbo remettait les pieds à Bouaké », ajoute l'ancien Ministre qui ne manque pas de regretter que trois ans après cet acte fort, les démons de la division n'ont pas manqué de s'infiltrer entre les deux artisans de paix. « Ils n'ont pas su se comprendre parce que des gens n'avaient pas intérêt à ce qu'ils continuent de marcher main dans la main au nom de la paix. C'est ainsi que je m'explique la crise postélectorale qui est venue par la suite pour tout gâter », se désole cet ancien ministre.
Mais 13 ans après cette flamme de la paix, les Ivoiriens n'ont jamais été aussi près d'une nouvelle crise de grande ampleur. « L'atmosphère dans le pays est délétère et n'augure rien de rassurant à six mois de la prochaine élection présidentielle », alertait sur les réseaux sociaux un partisan de Guillaume Soro, le Président de Générations et peuples solidaires, anciennement Président de l'Assemblée Nationale mais contraint à la démission en février 2019, simplement parce qu'il n'épousait plus la vision de l'actuel Président de la République, Alassane Ouattara.
« A trois mois de la présidentielle d'octobre prochain, de potentiels candidats, qui sont pourtant des acteurs majeurs de la politique ivoirienne, sont contraints à l'exil. Sans oublier tous ces autres acteurs politiques, notamment des députés, qui croupissent en prison depuis 8 mois sans jugement. Mon leader, Guillaume Soro, a été condamné à 20 ans de prison, tout simplement parce qu'il a osé dire non aux dérives du régime Ouattara et qu'il a dévoilé ses intentions d'être candidat à la présidentielle. Depuis quand le fait de ne plus partager la vision d'un chef de l'Etat ou de vouloir briguer la magistrature suprême de son pays est devenu un crime ? Ce n'est pas cette façon de faire de la politique que le Président Alassane Ouattara nous a promis », dénonce Ali Camara, sympathisant de GPS.
« Et, pour ne rien arranger, voilà que le Président actionne ses propres partisans, simplement parce qu'il veut renier sa parole. Devant toute la nation, il avait laissé entendre qu'il voulait se retirer au terme de son second mandat. Malheureusement, comme tous les autocrates, le voilà qui se laissent tenter à nouveau par l'idée de s'éterniser au pouvoir. Je comprends maintenant plus aisément pourquoi il a tout mis en œuvre pour se tailler une CEI (Commission Electorale Indépendante, NDLR) et pour modifier unilatéralement la Constitution. C'est sans doute pour cela qu'il met aussi tout en œuvre pour éliminer tous ceux qui peuvent l'empêcher de réaliser son hold-up électoral », fustige Ali Camara, tout en réfutant les allégations de tentative de déstabilisation imputées à son leader.
« Le Président Soro lui-même l'a confessé, la seule action de déstabilisation à laquelle il a participé et pour laquelle il ne cesse de demander pardon à la nation, c'est la rébellion du 19 septembre 2002 dont le grand bénéficiaire se trouve être le Président Alassane Ouattara. En dehors de ça, il s'est toujours investi dans les actions de paix, telle que la flamme de la paix et j'en passe. Pareil pour la Président Laurent Gbagbo qui a accepté de donner la chance à la paix, après que son régime a été attaqué. Même le Président Henri Konan Bédié, vous vous souvenez que lors qu'il y a eu le coup d'Etat du 24 décembre 2002, il n'a pas organisé de contre-offensive, de peur d'envenimer la situation. Il s'est retiré tranquillement et aujourd'hui, il dit avoir pardonné à ceux qui ont fait ce coup d'Etat. Quant au Président Ouattara, en ce qui me concerne, j'attends toujours qu'il nous démontre qu'il est lui aussi un homme de paix », ajoute le partisan du député de Ferké.