« Gbagbo a eu tort pour avoir eu raison trop tôt en engageant son pays dans la voie d’une véritable indépendance »

En s'installant démocratiquement au palais du Plateau en novembre 2000, Gbagbo savait ce qui l'attendait ? Traoré Mamadou se prononce.

À l'instar des grands leaders africains souverainistes de la période des indépendances (56_60), le Professeur d'histoire et démocrate socialiste ivoirien avait eu tort pour avoir eu raison trop tôt en engageant son pays dans la voie d'une véritable indépendance dès sa prise de fonction en 2000.

En effet, bien avant lui, beaucoup avaient perdu la vie en tentant d'extraire leurs peuples du système de prédation mis en place à Berlin en 1885 par une coalition d'États qui avaient absolument besoin des ressources naturelles du continent africain pour faire tourner leurs usines en Europe afin d'offrir des emplois à leurs populations et pour se développer. Pour ces États européens qui venaient fraîchement de sortir de la traite négrière, la colonisation devait permettre la captation des matières premières des territoires conquis au canon ou par la ruse en avançant sous le masque de l'extension d'une civilisation bienfaitrice censée tirer une partie de l'humanité de la misère, de la sauvagerie et de l'obscurantisme.

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Si à l'heure de leurs indépendances d'éminents leaders nationalistes africains ont subi la furia de ces pays colonisateurs, c'était tout simplement parce que l'intention réelle de la colonisation était en contradiction avec le discours qui la soutenait (cf. Le colonialiste français Jules Ferry). Oui ,tout comme Laurent Gbagbo, ces dirigeants africains furent chassés du pouvoir ou tout simplement assassinés pour ceux qui n'ont malheureusement pas eu de chance comme les souverainistes Patrice Lumumba du Congo ou Sylvanus Olympio du Togo. Oui, tout comme Laurent Gbagbo, le souverainiste malien Modibo Keïta fut chassé du pouvoir par les mêmes.

Gbagbo a eu tort pour avoir eu raison trop tôt

Oui, tout comme Laurent Gbagbo, le panafricaniste ghanéen N'krumah fut chassé du pouvoir pendant qu'il était en visite d'État en Chine. Donc en s'installant démocratiquement au palais du Plateau en novembre 2000, Laurent Gbagbo savait pertinemment ce qui l'attendait. C'est pourquoi bien avant d'accéder à cette fonction suprême, il avait mis dix bonnes années sinon plus, si l'on tient compte de la période de la clandestinité, à enseigner à ses disciples, militants et collaborateurs la nécessité de permettre aux Ivoiriens d'être maîtres de leur destin à travers l'acquisition d'une véritable indépendance qui coupera le cordon ombilical entre la Côte d'Ivoire et l'ancienne puissance tutélaire à savoir la France, en mettant en place des institutions solides à l'abri de toute manipulation venant de l'extérieur.

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C'est cela la Refondation soutenue par une politique du respect de la volonté du peuple, du respect des libertés individuelles et collectives, de la mise en œuvre d'une solidarité nationale à travers l'Assurance Maladie Universelle et d'un développement profitable au peuple par l'accès égalitaire à la santé, à l'école, à l'emploi, et au partage équitable des revenus de la nation sous la forme de l'amélioration des salaires. Refonder une nation, c'est la rebâtir efficacement, la construire sur de nouvelles fondations solides, de nouvelles bases qui permettront à l'édifice de résister aux secousses sociales et politiques résultant des contradictions de ses membres.

Gbagbo a eu tort pour avoir eu raison trop tôt

Refonder la Côte d'Ivoire c'est faire en sorte d'éviter de tomber bêtement dans des conflits intercommunautaires stupides, sanglants et dévastateurs qui peuvent à la longue se muer en guerres civiles, en division du peuple ou en chaos social. Refonder la Côte D'Ivoire, c'était d'une part la dégager de l'emprise du néocolonialisme français et d'autre part la mettre à l'abri de toutes autres formes d'impérialismes, de toutes formes de prédations externes ou internes, afin de lui permettre de se développer en s'appuyant sur le dynamisme de sa population jeune, instruite, qualifiée et sur ses immenses richesses naturelles qui constituent un potentiel économique non négligeable.

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Il demeure vrai qu'une telle politique ne pouvait être mise en œuvre sans que le colonialisme tapi dans l'ombre ne trouve des aventuriers politiques à manipuler, des États vassaux à mettre de son côté pour nuire, des désœuvrés à armer gratuitement pour sévir et des institutions internationales et continentales à cornaquer pour atteindre son objectif à savoir maintenir coûte que coûte la Côte d'Ivoire dans la dépendance extérieure en la faisant reculer méchamment 70 ans en arrière par un massacre de son peuple,une destruction méthodique de ses institutions et par le refus catégorique de la démocratie.

En conclusion, le démocrate Laurent Gbagbo a été combattu à l'intérieur de son pays par toute une région qui avait succombé aux mensonges savamment élaborés pour nuire, combattus par une confession religieuse instrumentalisée grâce aux mensonges et à des enveloppes bien garnies, et enfin combattu par des pays limitrophes qui aujourd'hui n'ont pas eu besoin d'explications en mille mots pour comprendre le sens du combat de Laurent Gbagbo, car ils ont fini par voir de leurs propres yeux comme on le dit chez nous en Afrique. Celui qui a vu de ses deux yeux n'a plus besoin d'explications.

Written by Traoré Mamadou

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