Côte d’Ivoire : Le piège du pseudo « dialogue politique »

« Il faut obligatoirement un dialogue national inclusif », a déclaré Traoré Mamadou qui donne sa position sur la reprise du dialogue politique en cours en Côte d’Ivoire..

En réponse à la demande de dialogue inclusif adressée au gouvernement par le Président Henri Konan Bédié appuyé par le Président Laurent Gbagbo, le Président Alassane Ouattara semble avoir choisi plutôt de reprendre le dialogue politique qu’il affectionne et l’on sait pourquoi.

En effet, le gouvernement ivoirien avait ouvert un dialogue politique du temps du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly pour, avait-on dit, plancher sur des questions qui constituaient la majeure partie des préoccupations des partis politiques de l’opposition et relatives aux élections de 2020. Le gouvernement était resté campé sur ses positions et finalement ces rencontres n avaient donné aucun résultat concret.

La présidentielle de 2020 s’était donc ouverte dans un contexte de durcissement des positions qui devait inévitablement aboutir à ce qu’il nous avait été donné de constater avec désarroi à savoir une quasi guerre civile.

Après les élections présidentielles tumultueuses d’octobre 2020 qui firent beaucoup de morts comme d’habitude, plusieurs centaines de blessés et des dégâts matériels incalculables, le gouvernement, cette fois-ci dirigé par le Premier ministre Hamed Bakayoko, avait estimé qu’il était devenu nécessaire de reprendre le dialogue politique avec l’opposition pour faire d’une part baisser la tension, et d’autre part pour préparer les législatives de mars 2021 avec beaucoup plus de sérénité.

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Ce deuxième round du dialogue politique fut ouvert à la veille de Noël le 21 décembre 2020 et prit fin le 29 décembre de la même année. Des décisions importantes avaient été prises de commun accord et le document final avait été signé par l’opposition et par le gouvernement qui d’ailleurs s’en était réjoui. Mais curieusement, aucun des points de cet accord n’avait été respecté par le gouvernement avant les législatives de mars 2021 si bien que toute l’opposition s’était retrouvée prise dans le piège d’une élection truquée. Le dialogue politique de décembre 2020 fut un traquenard contre l’opposition.

Car le découpage des circonscriptions électorales était resté déséquilibré et en faveur du parti au pouvoir, la composition du bureau central était restée dans les mains du pouvoir et plus grave, la liste électorale était restée hors de contrôle de l’opposition.

Rien n’avait donc changé malgré les discussions officielles et l’intervention de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (Cadhp). Peut-être pour montrer sa bonne foi ou bien pour vérifier ses « calculs » politiques théoriques, l’opposition avait choisi d’aller à une élection non transparente tout en comptant sur ses schémas d’alliance dans les circonscriptions de vote.

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Le résultat fut catastrophique car non seulement le pouvoir s’en était sorti requinqué par un grand nombre de Députés mais en plus, le 3ème mandat présidentiel décrié venait d’avoir la caution d’une opposition peu rigoureuse sur ses propres principes. On ne peut pas dénoncer une commission électorale que l’on sait pertinemment prise en otage par le pouvoir et s’y soumettre par la suite sans aucun changement.

On ne peut pas dénoncer un découpage électoral déséquilibré en faveur du pouvoir, saisir une juridiction internationale à cet effet, et s’en accommoder par la suite sans pouvoir présenter de candidats à la députation dans toute la partie septentrionale du pays transformée en chasse gardée par le parti au pouvoir.

Bref, l’opposition ivoirienne n’a rien obtenu de consistant lors des dialogues politiques précédents. C’est pourquoi il lui faudra désormais éviter de se laisser prendre dans le jeu hypocrite du dialogue politique. Il lui faut exiger ici et maintenant l’ouverture par le pouvoir des chantiers d’un dialogue national inclusif qui prendra en compte tous les aspects de la vie de la nation. La vie d’aucune nation ne se limite aux questions électorales. Malheureusement le gouvernement ivoirien a pris la mauvaise habitude de réduire toutes ses rencontres avec les partis politiques et quelques organisations non gouvernementales à des questions électorales pendant que des problèmes cruciaux sont mis au placard.

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Il est temps d’ouvrir les chantiers du dialogue national inclusif demandé avec insistance pour trouver les solutions appropriées à nos problèmes afin d’éviter à la Côte d’Ivoire de sombrer à nouveau dans le chaos avec son lot de morts, de blessés et d’orphelins sans avenir. Disons donc que si le dialogue est considéré comme une vertu, c’est parce qu’il aboutit à la résolution pacifique de nos mésententes et fait avancer la communauté.

Mais lorsqu’il ne sert que de prétexte pour raffermir une domination, ce n’est plus un dialogue mais un piège sans fin pour neutraliser ses adversaires politiques après les avoir menés en bateau.

En conséquence, il faut obligatoirement un vrai dialogue, c’est-à-dire un dialogue national inclusif qui abordera toutes les questions qui nous fâchent et un dialogue auquel tous les représentants des différentes composantes de la société ivoirienne seront présentes pour dire ce qu’elles pensent de l’état de santé du pays et les remèdes qu’elles proposent afin qu’on guérisse pour longtemps.

Written by Traoré Mamadou

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