Grandes injustices sous Ouattara (acte 5) : Un policier et une princesse de Sakassou en prison sans jugement depuis 12 ans

Plusieurs détenus sont sans jugement à la Maca depuis plusieurs années
Plusieurs détenus sont sans jugement à la Maca depuis plusieurs années

Depuis fin 2015, l' met en œuvre le projet « monitoring des détentions avant procès », afin de veiller au respect des droits des individus au moment de leur arrestation, de leur garde à vue et de leur détention préventive. L'organisation de défense des droits de l'homme revient sur 3 cas emblématiques. OIDH Ouattara.

En général, la sélection des détenus s'est fondée sur des cas de détenus dont la durée de détention est en contradiction avec les prévisions textuelles. Aussi, la représentativité au niveau des sexes a été un facteur déterminant.

Sur la base de ces critères, 115 détenus ont été recensés. Le tableau ci-dessous montre la réparation hommes, femmes et enfants :
Tableau : Détenus préventifs recenser pour bénéficier des services de l'assistance judiciaire

Des cas emblématiques

Parmi ces détenus, trois (03) cas emblématiques ont été relevés. Il s'agit des détenus Diomandé Massandje, Grah Lasm Didier et Edi Picard Dimitri.

Le cas Diomandé Massandje

Née en 1966 et mère de quatre (04) enfants, Diomandé Massandjé est princesse de de par sa mère, Djè Akissi Christine née Diomandé, reine de Sakassou. Elle a été mise sous mandat de dépôt le 16 mai 2012 pour coup mortel.

Après quatre (04) ans de détention préventive, elle est traduite devant la cour d'assises les 13 et 14 juillet 2016. Des débats, il en ressort un arrêt de renvoi aux assises du 16 juillet 2017. Ce jour, la princesse n'est pas extraite pour assister à son procès. Un autre arrêt de renvoi de son procès est alors décidé. Plusieurs demandes de libertés provisoires sont alors formulées par l'avocat de la princesse.

A lire aussi : Sylvie Bossé, la servante arbitrairement accusée de complot, libérée, après 17 mois sans jugement

Mais elles restent lettre morte. Détenue préventivement depuis maintenant six (06) ans, en compagnie de son fils, l'état de santé de la princesse se détériore. Son fiancé l'a abandonné et elle a appris, depuis la prison, le décès de sa mère. Son incarcération a entrainé la perte de tous les attributs liés à sa qualité de princesse.

Le cas Grah Lasm Didier

Monsieur Grah Lasm Didier est en détention préventive depuis 12 ans discontinus. Il est couturier, célibataire et père d'un enfant.

Il a été placé sous mandat de dépôt le 06 juin 2006 et conduit à la pour des faits de meurtre. Après cinq (05) ans de détention préventive, Monsieur Grah sort de la prison à la faveur de la crise postélectorale de 2011. Il y retourne en 2012 sur dénonciation. Son dossier ne passe devant la chambre d'accusation qu'en 2017. Depuis, il a rencontré le juge d'instruction seulement deux (02) fois, la dernière rencontre remonte à environ un (01) an.

Seul soutien financier de sa famille, en raison de l'absence d'une figure paternelle, l'absence de Monsieur Grah est préjudiciable à sa famille. En témoigne le décès en juin dernier de sa sœur cadette, à la suite d'une courte maladie.

Le cas Edi Picard Dimitri

Monsieur Picard Edi Dimitri est en détention préventive depuis huit (08) ans discontinus. A 37 ans, Monsieur Edi est policier et père de deux (02) enfants dont l'un serait décédé, pendant sa détention. Il a été placé sous mandat de dépôt le 25 mars 2009 et transféré à la MACA pour des faits de détention illégale d'arme à feu.

En 2011, il sort de la prison en raison de la crise postélectorale, pour y retourner de son propre chef en 2012. Les enquêtes ayant démontré son innocence, Monsieur Edi était dans l'attente d'un procès lorsqu'est survenu un changement de juge d'instruction. Il en a résulté une perte des auditions de l'enquête. Depuis, Monsieur Edi est en détention préventive.

Constat du point de vue du respect des droits des individus
Tous les détenus recensés ont une durée de détention préventive d'au moins cinq (05) ans. Certains ont une durée de détention préventive au-delà de 10 ans. L'OIDH n'entend pas revenir sur leurs conditions de détention. Cette dimension a fait l'objet d'un rapport scientifique du monitoring des lieux de détention dans les juridictions d'Abidjan, de Bouaké et de Daloa, présenté officiellement le 22 mars 2018, à l'Inades-Formation.

A lire aussi: Urgent / Serge Kanon Blé, pro-Gbagbo détenu depuis 7 ans, mort faute de soins

Certes, la majorité de ces détenus préventifs font l'objet d'une poursuite pour des faits de meurtre. Toutefois, pour l'OIDH, le fait que l'article 138 du code de procédure pénale n'instaure pas de limitations au renouvellement de la détention préventive concernant les cas de crime de sang ne signifie pas qu'il faille prolonger les détentions sans faire avancer la procédure, sans motivations, sans considération des garanties de représentation et des intérêts sociaux en jeu.

L'OIDH considère que plus de cinq (5) années de détention, sans que la procédure ne connaisse une avancée notable est une atteinte au droit d'être jugé dans des délais raisonnables (qui fait partie intégrante des droits de la défense), consacrés par l'article 7 de la charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, et l'article 14 du pacte international sur les droits civils et politiques, ratifiés par l'Etat de Côte d'Ivoire.

Au surplus, ces situations sont des atteintes au principe général de procédure pénale, consacré par l'article 137 du code de procédure pénale, selon lequel la détention est une mesure exceptionnelle ; la liberté étant le principe.
De plus, l'OIDH relève que la durée prolongée de détention de ces détenus préventifs est préjudiciable à leurs familles.

Nombreux sont en effet les principaux responsables de leur famille. Leur détention entraine la rupture d'un lien affectif, des impacts sur l'éducation de leurs enfants, des problèmes financiers et partant, des dislocations familiales. Il est donc indéniable que la détention préventive a fortiori prolongée impacte non seulement les familles de ces détenus mais aussi l'institution étatique tenue de les accueillir à la Maison d'arrêt, de les nourrir, les soigner et les surveiller.

L'OIDH recommande donc aux autorités judiciaires de porter une attention à la situation de ces détenus afin que leur dossier parvienne soit à un jugement ou à une mise en liberté provisoire.

Prince Beganssou avec OIDH

Les grandes (in)justices de l'ère Ouattara (acte 4) : Esclavagisme à la Police universitaire de Bacongo ?

Written by Prince Beganssou

Tuo Fozié nommé préfet hors grade de Bouaké : Est-ce forcément une bonne idée ?

Félix Anoblé : « Je ne suis plus PDCI »