2018, année de tous les dangers : Un décryptage de SEM Jean-Vincent Zinsou

Voici une analyse et un décryptage de Jean-Vincent Zinsou sur l'année 2018. Une année de tous les dangers selon lui lais aussi de surprise dans un dans un monde concurrentiel, instable, incertain

Dans un monde concurrentiel, instable, incertain, un seul mot pour qualifier l'année qui vient de s'écouler : surprise. Les standards normaux se sont effondrés, nous avons assisté à un retour de l'histoire dans tous les domaines. L'Americano-japonais Francis Fukuyama, vers la fin du 20eme siècle, qui avait prédit la fin de l'histoire, doit être le premier étonné. (La Fin de l'Histoire et le dernier Homme).

Un nouveau président en France

La France a vu en mai 2017, avec surprise, l'élection d'un nouveau président de la République jeune, quasiment inconnu, que personne n'attendait. Il avait pour l'appuyer ni parti politique ni réseaux d'élus. Et pourtant, fort de sa belle devise « ni de gauche ni de droite, mais pour tous les Français », il s'est imposé, évitant à la France ce cauchemar qu'eut été un duel entre les leaders du Front National de Marine le Pen et de la France insoumise de Melenchon.

La victoire d'Emmanuel Macron a stupéfié les observateurs, habitués à commenter cet affrontement entre gauche et droite, qui, depuis plus de 30 ans, à force de détricotage, a condamné la France à l'immobilisme.

Elle a fait éclater les partis traditionnels. Le parti socialiste, dans un coma très avancé, les Républicains, avec Laurent Wauquiez qui peine à rassembler, en proie aux querelles de clochers et des égos.

La bonne politique n'est ni de gauche ni de droite

Le Président français Macron a raison de s'inspirer de cette phrase de l'ancien Premier ministre travailliste anglais « La bonne politique n'est ni de gauche ni de droite, c'est celle qui marche ».

Sur le plan européen, le vieux continent, Macron qui préfère la fine tradition de la diplomatie mitterrando-gaulienne, cherche à refonder l'Europe et à relancer le moteur franco-allemand avec , affaiblie, qui tente de former un futur gouvernement de « grosse coalition » avec le leader du SPD (Social démocratie) Martin Schulz. L'Allemagne aura-t-elle un gouvernement à Pâques, cinq mois après les législatives de septembre 2017 ? D'ici là, un parcours d'obstacles attend la chancelière après la trêve des confiseurs.

Pendant longtemps, la politique étrangère a fait consensus en France avec des marqueurs bien précis : dialogue nord-sud, discours tiers-mondiste de François Mitterrand, en passant par la conférence nord-sud proposée par Monsieur Giscard d'Estaing, coopération avec la Russie en pleine guerre froide, présence forte en Afrique, etc… .

En ce qui concerne l'Afrique, Macron l'a annoncé haut et fort : « la Françafrique, c'est fini ». Finies les relations spéciales entre Paris et son « pré carré » francophone, finis les petits secrets et les grands services entre amis. Si la promesse est séduisante, reste l'épreuve des faits. Tant de secrets gisent encore dans les coffres et dans les dossiers.  Heureusement ou malheureusement pour le Président français, il existe un problème éternel en politique : ce qui aide à gagner l'élection n'est pas toujours ce qui permet de gouverner.  Mieux, des trésors d'habileté vont donc être nécessaires au Président Macron pour expliquer que le temps des réformes dans un pays de râleurs précède celui des résultats. Ici, il n'y a pas de « en même temps ».

Donald Trump, la grand surprise

La grande surprise de l'année 2017 nous vient de l'Amérique avec l'élection de Donald Trump le candidat républicain à la Maison Blanche, au détriment de Hillary Clinton, la candidate démocrate. Personne n'aurait parié un centime sur la victoire du républicain, qui a fait fortune dans l'immobilier. Un outsider arrivé en politique par effraction. Pour les Etats-Unis, première démocratie moderne de l'histoire, 2016 a été une année électorale. Décrit notamment par Tocqueville, le modèle démocratique américain est toutefois aujourd'hui mis en difficulté par des divisions partisanes dans la vie politique, qui tendent à détourner les électeurs et à restreindre la représentativité.

Les élections présidentielles sont les plus importantes, et les plus suivies de la vie politique américaine. Le régime politique est en effet dominé par le bipartisme qui oppose les républicains et démocrates depuis le milieu du 19ème siècle. Les élections présidentielles américaines se démarquent par leur durée et leur organisation au suffrage universel indirect. Le nouveau locataire du bureau ovale a été élu par un collège électoral composé de 538 grands électeurs, soit autant que les membres du Congrès (100 sénateurs et 435 députés) auxquels sont ajoutés trois grands électeurs pour le district de Columbia (Washington D.C.), non représentés au Congrès. Leur nombre est attribué à chaque Etat proportionnellement à sa population et varie d'une élection à l'autre.

Pour être élu Président, il faut rassembler la majorité absolue du collège électoral, soit 270 grands électeurs. Précisons que Donald Trump a été devancé par sa concurrente au nombre de voix sur le plan national.

L'élection de Donald Trump à la Maison Blanche annonce une nouvelle ère, sûrement celle du nationalisme populiste, surtout celle de l'imprévisibilité et de l'isolationnisme affiché, qui inquiètent à l'étranger. Relents de la guerre froide, Vladimir Poutine aura-t-il les mains libres en Europe, au Moyen-Orient et au Proche-Orient,  et comme l'atteste la présence russe dans le conflit syrien qui dure depuis sept ans ? En Asie, les alliés de l'Amérique s'alarment de l'abandon de la stratégie de pivot prôné par son prédécesseur Obama. L'aide militaire américaine, le traité de libre-échange, le soutien contre l'expansion chinoise en Mer de Corée du sud vont-ils continuer ? Les amis des Etats-Unis en Asie s'alarment.

Une vision sombre du monde

Sur le plan de la politique étrangère, le 45ème Président des Etats-Unis qui a une vision sombre du monde affirme ne pas avoir confiance aux diplomates, s'est entouré des anciens militaires de l'Irak et de l'Afghanistan. Notamment de John Kelly, fraichement retraité, bombardé White House Chief of Staff, chef de cabinet de la Maison Blanche. Tous ces généraux qui entourent Donald Trump semblent liés par un pacte secret. Si l'un d'entre eux devait partir, alors tous présenteraient leur démission d'un bloc.  Ce qui rendrait intenable la position du Président américain. Des « mousquetaires » en somme, dont la devise serait : « Un pour tous et tous pour Trump ». En matière de relations internationales, les deux mandats du Président Obama furent marqués par la recherche du consensus.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis d'Amérique avaient une politique étrangère marquée par la continuité. Certains présidents pouvaient innover, mais ils ne détricotaient jamais ce qui avait été conçu par leurs prédécesseurs. Après les déboires de l'isolationnisme des années 1920-1930 qui avait entièrement détruit le travail diplomatique du Président Wilson, la parole de l'Amérique avait peu ou prou regagné après-guerre, un certain degré de fiabilité. Trump a rompu avec ce principe de continuité. Est-ce à dire qu'il serait isolationniste à l'image des Présidents Coolidge (1920-1928) et Hoover (1929-1933) ? Non car on l'a vu s'engager avec succès sur plusieurs grands dossiers étrangers (guerre contre l'Etat islamique, livraisons d'armes défensives au gouvernement de Kiev, bras de fer avec le Président nord-coréen KIM Jong-un, partenariat stratégique avec l'Arabie saoudite du Prince héritier Mohamed Ben Salam, dans le soutien de la droite israélienne.

Mais le point fort de ce ravage de l'unilatéralisme américain a eu lieu le 25 janvier 2017, avec le retrait par Trump du Partenariat Transafrique (TPP), accord de libre-échange signé en Nouvelle-Zélande, visant à intégrer les économies dans les régions Asie-Pacifique (sauf la Chine) et l'Amérique tout en leur imposant les mêmes contraintes juridiques et sociales.

Le retrait américain de l'UNESCO

Il y a ensuite la dénonciation de l'Accord de Paris de décembre 2015 sur les efforts planétaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et les facteurs humains de réchauffement climatique. Il y a enfin eu le 12 octobre 2017 l'annonce du retrait américain de l', organisation dont les objectifs sont nobles, et la réduction du budget de fonctionnement de l'ONU, qui reste un forum diplomatique, est de 6 milliards de dollars par an.  L'équivalent de dix semaines de dépenses pendant la guerre d'Irak, après l'invasion de mars 2003, par laquelle les Etats-Unis n'avaient jugé utile de demander l'autorisation du Conseil de Sécurité.

Lorsqu'il foule aux pieds le multilatéralisme, le Président Trump se rend-il compte qu'il méprise une grande invention américaine ? N'est-ce pas le Président Wilson qui est en partie à l'origine de la SDN, même s'il ne parvient pas, en raison de petites manœuvres politiciennes, à la faire accepter en même temps que le Traité de Versailles en mars 1920, par le Sénat ? Le Président Roosevelt ne peut-il pas être légitimement considéré comme le père de l'ONU ? La décision de Trump est venue souligner un grand paradoxe des Américains.  Autant ils sont soucieux de respecter le droit chez eux, c'est la sacro-sainte « rule of law », autant dans les relations internationales, ils peuvent parfois s'en libérer.

On parlera longtemps sous la présidence du 45ème Président des Etats-Unis, des ravages de l'unilatéralisme américain.

Dans le monde arabo-musulman, la grande surprise vient de la perte du leadership occidental. En Libye, où les puissances occidentales interviennent militairement en mars 2011, aucune de leurs valeurs ne s'applique : on est revenu à une société de tribus et de trafic qui a même renoué avec l'esclavage. Au Moyen-Orient, on assiste à des alliances nouvelles qui fourbissent leurs armes. Un axe Amérique-Israël-Arabie Saoudite contre un axe Turquie-Iran-Russie qui pourrait, si l'on n'y prend garde, dégénérer à un affrontement généralisé. En Syrie, et il y aura d'autres cessez-le-feu dans les villes comme la Ghoutta Orientale et d'autres violations du cessez-le-feu. On verra toujours des images violentes qui pincent le cœur et des enfants qui regardent dans le vide ou baissent les yeux.

Le temps est si long. Le froid cynisme des acteurs qui s'illustrera dans la pantomime diplomatique au Conseil de Sécurité de l'ONU avant d'aboutir à une pseudo-trève, quasi inexploitable par les organisations humanitaires. Comment imaginer, dés lors, une issue diplomatique ? Sept ans de guerre, des enfants nés hors de leur pays, des vieillards morts loin de chez eux, des familles sans perspective. Double, triple  peines auxquelles nul ne peut rester insensible. L'indifférence est l'antichambre du cynisme, a-t-on coutume de dire. L'ère mondiale du chacun pour soi a-t-il sonné, même si dans  les relations internationales, le principe de la poursuite du bien n'a jamais été une garantie de paix

Le remerciement en douceur de Mugabe

En Afrique, continent qui s'éveille, le meilleur côtoie le pire ; la surprise a été le remerciement en douceur de Robert MUGABE. Le père fondateur de l'ancienne Rhodésie a été victime d'un coup d'Etat qui n'a pas dit son nom. Le Zimbabwe, ancien grenier de l'Afrique australe, avec  son président, naviguait à vue. Il a fallu des interventions énergiques et fermes des chefs d'Eat dont le Président de la Côte d'Ivoire en faveur d'un traitement en faveur du camarade BOB. La suite est connue.

Une grande surprise, en Afrique de l'Ouest, a été l'élection de l'ex-footballeur George Weah, candidat des jeunes et des démunis, à la présidentielle en remplacement du prix Nobel de la Paix Ellen Johnson Sirleaf. L'ancienne Présidente du Liberia avait hérité d'un pays dévasté par la guerre civile. La population lui reconnaît d'avoir ramené la sécurité aussi qu'une grande liberté de parole, mais la pauvreté est toujours là.

Pour la première fois, « un native », descendant de la population indigène du Liberia, est élu à la Présidence. Véritable rupture.  C'est inédit depuis la fondation du Liberia, en 1822,  quand les premiers esclaves affranchis sont arrivés des Etats-Unis et qu'ils commençaient à mettre en place une structure coloniale avec l'aide de l'américan Colonial Society. En 1847, le Liberia devient la première république africaine indépendante. Mais il faudra attendre 1980 pour qu'un descendant de la population indigène accède au pouvoir, avec le coup d'Etat de Samuel Doe.

Le principal défi de George Weah

Pendant un siècle et demi, le pays a été dominé par des représentants de l'élite Américano-libérienne appelée « Congos » pour souligner leur non apparence originelle au territoire qu'ils ont bâti en Etat pour eux-mêmes.  Le principal défi de George Weah sera de répondre aux attentes de ceux qui l'ont élu, c'est-à-dire les jeunes et les masses défavorisées. La candidature de Weah, c'est l'espoir de la reconnaissance du Liberia, du développement, d'une intégration de tous dans le projet national libérien.

Weah devra faire ses preuves par les actes car, soyons clairs, il n'avait pas de programme. Les anciens chefs de guerre sont en embuscade. Mais le fait être d'être une icône aux crampons ne fait pas automatiquement un bon Président.

La dernière grande surprise en Afrique est la mise sur pied du G5 Sahel, même si le format, le discours et la méthode sont discutables. Avec ses 16 000 migrants morts en Méditerranée selon les chiffres de l'OIM. Sommes-nous alors en guerre ? La distinction entre terrorisme, ce mot valise,  et la guerre, est ténue.  L'Afrique va continuer à vivre avec ces terroristes, délogés de Mossoul, qui vont s'installer petit à petit dans des maillons faibles que constituent certains Etats africains où ils aspirent à un sécessionnisme vain.  Après tout, à long terme, des terroristes sont perdants. Il n'y a aucune chance au monde que ces gens l'emportent.  C'est ça, ce message qu'il faut marteler aux opinions. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est faire du mal, créer un sentiment de terreur, mais ils ne peuvent pas gagner la « guerre » avec ou sans guillemets. Il s'agit  pour nous de ne pas perdre notre façon d'être un monde : ça serait leur véritable victoire.

Jean-Vincent Zinsou

Written by YECLO.com

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