Kyria Doukouré: « Quand on dit qu’on va maîtriser la sécurité des obsèques d’Arafat et qu’on n’a pas fait, on doit admettre son échec »

La blogueuse ivoirienne, Kyria Doukouré dans une de ses analyses a essayé de situer les responsables dans l'affaire de la dépouille de Dj Arafat profanée.

Ci-dessous l'intégralité de son analyse

Hier, je me suis laissé emporter par la colère à la vue de la profanation de la tombe de Didier et dans la colère j'ai dit certaines choses que je pense mais que je n'aurais peut-être pas dû dire. Maintenant, je vous propose une analyse à froid de cette situation qui était prévisible afin de situer la responsabilité.

De la responsabilité du comité d'organisation

Quelques jours avant le drame, je m'inquiétais auprès de ma cousine de la négligence de l'aspect psychologique des funérailles de Didier. Toutes les communications portaient sur les moyens de contribuer financièrement et sur la mobilisation. Sachant que le défunt a toujours vécu dans l'extrême en ayant enfermé ses chinois dans une bulle où tout le monde est contre lui et partant contre eux, il fallait axer les efforts d'abord sur l'acceptation de sa disparition puis sur celle de ses concurrents avec qui il était constamment en clash. Rien n'a été fait à ce niveau. On a satisfait les desiderata des fans de l'artiste en interdisant à certains hommes du milieu du showbiz de lui rendre hommage. Comme Si Didier était un saint et les autres des diables. Là est venu le premier problème. Il aurait fallu des messages d'apaisement, mettre l'accent sur le recueillement plutôt que sur la fête. On a minimisé la popularité de Arafat Dj et l'extrême jeunesse de ses fans. À l'occasion de ses obsèques, on a voulu en faire un héro en oubliant que même si c'était un artiste talentueux et il ne saurait être érigé en modèle pour la jeunesse de ce pays. Arafat, c'était un Ange avec beaucoup de démons. Il fallait en tenir compte. Rien ne pressait pour les obsèques. Les services de renseignements auraient dû prévoir et anticiper les risques de débordements.

Des tentatives de recuperation

C'est malheureux de constater la récupération politique que le pouvoir a tenté de faire de ses funérailles. C'est avec désolation que je lis des membres de la case qui accusent les opposants. La première tentative de récupération est l'annonce du montant alloué par le gouvernement pour enterrer Arafat : 150 millions. En , le gouvernement a pris en compte les funérailles de Johny Halliday. Nous ne savons pas combien cela a couté. Et surtout que l'on ne me parle pas de volonté de transparence. « Le gouvernement prend en charge les obsèques de Arafat » aurait suffi. D'ailleurs juste après cette annonce, elle s'est transformée en « Ouattara offre 150 millions pour les obsèques de Arafat ». Les captures des publications de certains membres de la case peuvent en attester.

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Que dire alors de la déclaration qui M. Bictogo pour qui le pouvoir allait démontrer à travers la parfaite maitrise de la sécurité lors des obsèques que le pays est bien dirigé ? Que dire de la parade que s'est offerte M. au stade ? On n'était pas à un meeting mais à des funérailles ! Quel message voulait-il passer en affirmant : « le président m'a dit que si Arafat Dj est mon fils, c'est que c'est son petit-fils » ? Quand on a dit qu'on allait maitriser et qu'on n'a pas maitrisé, on doit admettre son échec. C'est simple, c'est clair.
Ils ont oublié que la fin d'un cadavre, c'est d'être enterré dignement. Ils ont mis l'accent sur le côté bling-bling des obsèques avec le concert au stade en négligeant totalement tout le reste.

Face à ses tentatives de récupération, certains cyber-activistes de l'opposition ont réagi en distillant des rumeurs les plus folles. Ils ont manqué de sagesse et ils ont une part de responsabilité dans ce drame.

De la responsabilité du Pouvoir

La société ivoirienne est malade. Elle a été touchée dans ses fondements par les différentes crises que nous avons vécues. On a érigé des contre-valeurs en valeurs. On a célébré la médiocrité. Pendant dix ans, nous avons vécu un conflit armé et on ne soigne pas une telle population avec le bitume. Il faut proposer un modèle de société, un nouveau projet social, un nouveau pacte national. Mais le pouvoir a certainement pensé qu'il était plus important de se faire aimer en investissant massivement dans les routes. Je ne dis pas que c'est mauvais les routes mais cela n'est pas suffisant pour soigner un peuple déchiré. Ces enfants qui ont profané la tombé ont quel âge ? Ce sont des enfants qui sont nés dans la guerre et qui ont grandi avec. Ils sont sans repères et sans valeurs. Le civisme est une notion lointaine pour eux. Pendant des années, nous avons célébré la rébellion. Nous avons érigé la violence en modèle de contestation de l'autorité et on s'attend à ce que ces gamins ne soient pas violents ? Au lieu de penser aux élections, il faut penser aux futures générations. Il y a le feu ! L'école ivoirienne ne forme plus à la citoyenneté. La famille, premier cercle d'éducation est totalement disloquée. Nous sommes dans le gouffre.

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Regardez jusqu'où les gens sont prêts à aller pour vérifier la véracité d'une mort. Imaginez que la présidentielle de 2020 débouche sur une contestation violente. Ils vont se poursuivre dans les rues avec des machettes comme au .

Que faut-il faire ?

Il n'y a qu'en Côte d'Ivoire qu'il n'y a pas d'intellectuels libres. Tout le monde fait de la politique et personne ne réfléchit sur la société pour proposer des alternatives. Il faut des gens qui en dehors des chapelles politiques jettent un regard froid sur la société et attirent l'attention de tous sur les dangers qui nous guettent.

Il nous faut reformer en profondeur notre système éducatif et en faire un moyen de socialisation et d'élévation à la citoyenneté.

Il faut mettre l'accent sur la réconciliation nationale. Non pas seulement entre les acteurs politiques mais dans notre société. Il est clair que les gens vivent ensemble mais nourrissent des rancœurs qui n'attendent que la première occasion pour exploser.

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Il faut maitriser le flux migratoire. Comment en effet éduquer une population quand elle est constamment en mutation ? Un étranger qui arrive en Côte d'Ivoire doit suivre un processus d'intégration. C'est partout ainsi.

Pour finir, soyez plus exigeants envers vos leaders politiques. Attendez d'eux qu'ils proposent une vraie alternative sociétale. Nous avons la preuve que dire : « je vais construire X écoles, Y hôpitaux… » n'est plus suffisant. Il faut proposer un modèle ivoirien.

Il y a encore beaucoup de choses à dire…

Mais les auteurs de cet acte doivent être arrêtés et répondre devant la justice. »

Written by Kyria Doukouré

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