Les pro-Gbagbo doivent-ils combattre Tidjane Thiam ou être des alliés objectifs dans le cadre de combats communs de l'opposition contre le RHDP ?
Chaque jour, les signaux tendant à montrer que Tidjane Thiam, ancien ministre du Plan d'Henri Konan Bédié et ancien patron du BNETD, pense à la future élection présidentielle “le matin en se rasant”, selon l'expression rendue populaire par Nicolas Sarkozy. Bien entendu, il fait peur au camp Ouattara, parce qu'il possède les atouts qui ont permis à l'actuel chef de l'Etat de s'installer au palais présidentiel du Plateau : les réseaux d'influence internationaux et la capacité de lever des fonds qui vont avec.
Dans le même temps, au sein de l'opinion pro-Gbagbo, une sorte d'hostilité diffuse commence à se manifester. Notamment pour des raisons idéologiques : venu des cercles de la finance internationale, remis en selle juste après sa disgrâce au Crédit suisse par François Pinault, patron du groupe Kering, dont il est désormais administrateur, il est également corédacteur d'un rapport rédigé à la demande de l'exécutif français alors dirigé par François Hollande, intitulé « Un partenariat pour l'avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l'Afrique et la France ».
LIRE AUSSI: Copier le lienDivorce Ouattara Amon Tanoh : Jeune Afrique nous donne les raisons
Des Ivoiriens se souviennent que le métis Franco-Béninois Lionel Zinsou, un autre corédacteur de ce rapport, avait été catapulté à la tête du gouvernement de son pays sous Yayi Boni et “sponsorisé” pour devenir président à sa suite. Ce qui avait échoué : son adversaire Patrice Talon, en jouant sur la carte du “nationalisme”, était parvenu à le vaincre dans les urnes. Tidjane Thiam apparaît donc comme le nouveau Lionel Zinsou, sorti de la poche de Paris pour assurer la continuité de ses intérêts à Abidjan. Des intérêts qu'Amadou Gon Coulibaly, le dauphin peu charismatique d'Alassane Ouattara, serait incapable de maintenir.
Et pourtant. De fait, à ce moment précis de la controverse politique ivoirienne, les pro-Gbagbo et les pro-Thiam sont des alliés objectifs. Si Thiam devient finalement candidat, il aura besoin d'un environnement électoral rénové et de règles du jeu moins truquées qu'elles le sont actuellement. C'est ce que demande le FPI de Gbagbo.
Mais ce dernier, mal vu par la “communauté internationale” qui n'a cessé de le combattre désormais sournoisement, n'a pas de relais internationaux suffisants. En revanche, il a une base militante puissante, qui pourra se mettre en branle dans le cadre de combats communs de l'opposition. Une relation d'intérêts où chaque partie a quelque chose à apporter est naturellement équilibrée.
LIRE AUSSI: Coronavirus : « un remède conçu en Côte d'Ivoire disponible en mai »
De plus, Tidjane Thiam ne mordra pas, du moins dans le cadre d'un premier tour d'une présidentielle, sur l'électorat naturel de Laurent Gbagbo – si son parti a un champion dans les starting-blocks. Il est assez fort pour conquérir une partie de l'électorat RHDP historique, mais pas assez pour l'avaler.
Son entrée en scène ne peut que participer à une recomposition du jeu politique local et à un éclatement de ce RHDP historique au sein duquel plusieurs prétendants se feraient face : Thiam, au moins une autre figure issue du PDCI, Guillaume Soro, Amadou Gon Coulibaly, et peut-être Mabri Toikeusse de l'UDPCI.
LIRE AUSSI: Scandale à la Banque mondiale : des révélations de détournements qui incriminent les dirigeants africains
Le FPI de Gbagbo, en “accueillant” avec bienveillance – mais sans complaisance – une proposition politique idéologiquement différente de la sienne, et un homme d'origine étrangère par un de ses parents – comme de très nombreux Ivoiriens, y compris farouchement pro-Gbagbo – pourrait également montrer qu'il se dissocie des théories “nativistes” et “ivoiritaires” qui peuvent constituer un “plafond de verre” électoral dans un pays plus que jamais métissé.