Un cadre du PDCI à Ouattara : »nous vous donnons une nouvelle chance de changer »

Lettre ouverte de Jean-Yves Esso, membre du bureau politique du PDCI au président Alassane Ouattara relative à son message du Nouvel An 2022 à la Nation.

Excellence Monsieur le Président,
Nous venons de parcourir avec beaucoup d'intérêt les points essentiels de votre discours à la Nation à l'occasion de cette nouvelle année. Permettez nous de vous exprimer notre profonde gratitude pour toutes vos initiatives et inexhaustibles efforts à la recherche d'une paix durable, d'une réconciliation véritable et surtout d'une légitimité inespérée pour ce fameux 3eme mandat dont vous vous seriez bien passé n'eût été ce malheureux cas de force majeure.

Il est vrai qu'à un moment il faut vraiment accepter de passer à autre chose. Seul l'idiot continue de mesurer la profondeur de l'eau avec ses deux pieds lorsque la marée monte… Nous avons pris acte de votre passage en force de 2020 et avons décidé pour cette nouvelle année de ne pas faire comme l'idiot et donc d'essayer de retirer notre pied de cette vase montante car nous risquons d'être emporté par le courant.

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Excellence Monsieur le Président,
Dans ce discours, vous avez parlé de paix, de stabilité et de dialogue constructif. Vous vous êtes exprimé sur le plan sécuritaire et infrastructurel. Vous avez parlé d'énergie, de pétrole et de gaz avec la découverte du gisement « Baleine ». Vous avez parlé de l'accès à l'eau potable, de l'alphabétisation, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la Santé et de la Covid-19. Vous avez parlé enfin de vos trois priorités que sont tout d'abord la transformation de nos matières premières grâce à l'accélération de l'industrialisation de notre pays, ensuite l'emploi des jeunes et des femmes et enfin la lutte contre la corruption.

A cet effet, vous avez dit et je cite :
« Nous devons bâtir une conscience nationale imprégnée des valeurs d'intégrité, d'équité, et d'un sens élevé de la responsabilité dans la conduite des affaires publiques. C'est dans ce cadre que j'ai décidé d'instaurer à partir de 2022, un prix portant sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. Ce prix favorisera l'éclosion de cette conscience nationale qui prône le respect des deniers publics, la recherche de l'excellence, et qui place l'intérêt de la Nation au-dessus de tout. « 

Excellence Monsieur le Président,
Sauf votre respect, nous refusons de croire que la principale solution que vous nous proposez pour vaincre, ou même seulement ralentir, cette corruption qui a gangrené tout notre appareil étatique et tous nos services publics allant jusqu'à se substituer à la norme dans nos vies de tous les jours, soit la mise en place d'un « Prix de la Bonne Gouvernance et de la Lutte contre la Corruption ». De grâce, respectons nous…

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Pour cette nouvelle année 2022, nous ne voulons pas replonger dans les méandres et les eaux troubles de la corruption d'Etat avec son lot de délinquance financière, de gabegie et d'abus en tous genres. Cette gangrène corruptive est allé jusqu'à transformer le jeu électoral qui se veut démocratique en un grand marché où tout se monnaye sans scrupules et où l'on assiste quotidiennement à l'achat de conscience, à l'achat de voix d'électeurs, à la falsification de cartes d'électeurs, à l'achat de présidents et assesseurs de bureaux de vote, etc.

Nous ne voulons plus nous laisser attendrir par vos promesses mielleuses et multiples. Nous voulons du concret.
Nous allons désormais nous concentrer sur des sujets uniques et simples à régler pour tester votre bonne foi.
Parlons donc aujourd'hui uniquement de votre promesse de renforcer la lutte contre la corruption qui gangrène le système de gestion de nos Biens Publics en notant tout d'abord que l'absence de procès contre les responsables des sociétés d'Etat épinglés dans le cadre des Audits sur leur gestion est, par exemple, à déplorer. Les personnes incriminées ont été simplement limogées sans que la justice pour la majorité d'entre elles ne soit saisie.

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Nous n'avons plus aucune confiance en ce que vous nous dites car nous constatons que le minimum n'arrive pas être fait correctement.
Voici donc nos trois propositions très simples à mettre en place et qui temoigneraient un tant soit peu d'un minimum de volonté de votre part à mettre un terme à cette pandémie comportementale :

Condamnation de tous les délinquants économiques épinglés par les audits des entreprises publiques à de la prison ferme et au remboursement des sommes détournées.

Déclaration des biens des autorités politiques à une institution judiciaire crée à l'image du Parquet Financier de Paris.

Créer une CEI des marchés publiques avec des personnes irrévocables qui seront elles-mêmes étroitement suivies par le Parquet Financier.

Trois choses simples à mettre rapidement en place…
Ces vices et travers n'ont, certes, pas commencé aujourd'hui mais la mal gouvernance généralisée et banalisée sous vos deux précédents mandats a conduit à une crise profonde de la société, où plus personne n'a confiance en rien ni en personne. Seul l'argent finit comme maître du jeu, et tout est bon désormais pour en gagner : mentir, arnaquer, détourner, voler et même tuer. Pendant ce temps, d'énormes budgets sont décaissés et demeurent sans aucune traçabilité élémentaire. Pendant ce temps, une criminalité transfrontalière a germé et prospéré sous le couvert de cette gouvernance nauséabonde, avec son lot d'argent sale, d'argent facile, de fraudes en tout genre, de blanchiments et d'excès dans la débauche. On peut difficilement faire mieux dans la fourberie et le gougatisme.

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Excellence Monsieur le Président,
Combien de fonctionnaires et d'officiers milliardaires avez-vous dans vos effectifs ? Trouvez-vous cela normal ? Peut-on construire sereinement une nation sur la base de tant d'inconscience et de désinvolture de la part de ceux qui président aux destinées de la Collectivité ? Cette situation affecte grandement, s'il en était encore besoin, l'image de notre pays…
Nous vous reprochons, avec la dernière énergie, votre gouvernance malpropre et celle de votre régime corrompu. Nous dénonçons l'incompétence et les frasques inacceptables de certains de vos ministres. Mais, au-delà de tout, c'est surtout pour les accusations fondées de préjudice à la Nation de certains responsables épinglés et non pénalement sanctionnés que nous nous indignons à travers cette ultime Lettre Ouverte.

Excellence Monsieur le Président,
Nous osons croire que cette nouvelle année sera celle d'un nouveau départ basé sur une justice équitable pour tous et sur une confiance réciproque entre gouvernants et gouvernés.
Que cette nouvelle année soit l'année de la transparence, de l'honnêteté, de la justice équitable, de la démocratie véritable avec la mise en place d'outils réellement indépendants de contrôle de cette démocratie. Mais en êtes vous seulement capable ?
Nous vous donnons une nouvelle chance de changer et vous observons attentivement…
Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président, l'expression de nos salutations respectueuses et profondément dévouées.

Written by Jean-Yves Esso

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