Stéphane Kipré : « devions-nous encore faire de la libération de Gbagbo une priorité pour aller à la paix et la réconciliation ?

Les Ivoiriens tout comme Stéphane Kipré se rappelle du 11 avril 2020 qui vue l'arrestation de Laurent Gbagbo par les forces françaises.

Depuis le 11 avril 2011 et les évènements traversés par notre pays, mes sentiments ont évolué au fur et à mesure sur cette date.

Il y a eu d'abord le 11 avril 2012 où j'étais encore à Accra dans la précarité. Totalement oisif et perdu à me repasser le film des évènements que nous avions vécus. Ce fut la période de la remise en question, de l'introspection ; me demandant ce que nous avions pu faire pour mériter le sort qui était le nôtre.

Puis les années suivantes ont été celles du réengagement en faveur de notre cause. Le transfèrement du président Gbagbo avait occasionné la transposition de notre combat de l' à La Haye. Il fallait se battre pour faire éclater la vérité.

Ce transfèrement semblait avoir sonné le glas de notre combat et ouvrait la lutte permanente contre la tentation de la trahison afin d'acquérir des avantages financiers ou préserver ceux qu'on avait. C'est aussi à cette période que je pris la résolution de relancer mes activités professionnelles pour ne pas tomber dans le dénuement le plus abject.

LIRE AUSSI: Saïd Penda : « 11 avril 2011, l'histoire retiendra que Gbagbo a entraîné son pays dans la guerre civile »

Les 11 avril 2013, 2014 et 2015 furent les plus difficiles pour moi, moralement. Il a fallu résister à l'idée que le voyage à la était un aller simple. Et pourtant, la réalité était implacable : le Président Gbagbo était toujours en prison, empêtré dans un procès interminable tandis que M. Ouattara continuait d'asseoir son hégémonie sur le pays, s'offrant même un deuxième mandat. Comment dans ces conditions se convaincre que la suite pourrait être meilleure ? Comment se projeter dans l'avenir quand le pouvoir, en dépit de tout, refusait toujours de donner une chance à la réconciliation nationale ?

Ce fut la période où certains des nôtres, pour des raisons plus ou moins pertinentes, mirent fin à leur exil. En ce qui me concerne, je m'étais résolu à me tourner vers l'avenir en dépit de l'horizon qui semblait s'obscurcir. Ne dit-on pas que la fin d'une chose vaut mieux que son commencement !

Les années suivantes ont été celles de l'espoir. Certains ont pu rentrer d'exil sans se faire jeter en prison et certains prisonniers politiques ont recouvré la liberté. Mais ce fut aussi la période des troubles dans notre famille politique avec les querelles de positionnement et la question de la place du Président Gbagbo dans notre combat.

Devions-nous continuer d'exiger sa libération ou au contraire, admettre que nous sommes dans un labyrinthe sans fin et en sortir pour nous projeter dans l'avenir sans lui ? En un mot, devions-nous encore faire de sa libération une priorité pour aller à la paix et la réconciliation ? J'ai décidé, quant à moi, de continuer à me battre pour sa libération. Je ne concevais pas comment il était possible de construire une paix durable sans celui en qui une grande majorité d' se reconnait. Même si certaines actions posées par le régime pouvaient contribuer à améliorer le climat politique, elles n'étaient pas assez suffisantes pour nous sortir définitivement de la crise.

LIRE AUSSI: Steve Beko à Gbagbo: « Parlez un peu…Juste un peu! Ça nous suffira »

Bien entendu, la question de mon retour d'exil s'est posée avec acuité mais j'avais le pressentiment que ce n'était pas le bon moment. Puis, au moment où nous-nous y attendions le moins, la vérité a triomphé à la CPI avec l'acquittement du Président Gbagbo. Même s'il n'est pas encore retourné dans son pays, force est de reconnaitre que les 11 avril 2019 et 2020 sont bien meilleures. Ce triomphe de la vérité s'est accompagné d'une réhabilitation politique du Président Gbagbo avec toutes les personnes qui se bousculent pour avoir des entretiens avec lui à Bruxelles où il réside temporairement.

Comment ne pas être fier d'avoir tenu toutes ces années sans jamais se renier ni dévier de ma ligne de conduite politique. Beaucoup des nôtres n'ont pas eu la chance de voir ces jours heureux et je suis reconnaissant envers Dieu d'avoir cette grâce. Depuis mon lieu de , j'ai le regard tourné vers l'avenir ne gardant aucune rancœur ni aucune amertume des difficultés que j'ai vécues. Je ne suis pas revanchard. J'ai muri dans cet exil et je reste confiant que le procureur joue ses dernières cartes avant la victoire finale qui nous reviendra. Alors que nous avons la preuve que nul ne peut décider de l'avenir politique de l'autre, certains font semblant de se réjouir avec nous de l'acquittement du président Gbagbo tout en masquant des agendas secrets. Même si le Chef de l'État actuel tente d'imposer son poulain par des moyens anti-démocratiques, la situation de notre pays n'est pas désespérée.

LIRE AUSSI : CPI : « quand Ouattara reconnaît enfin qu'il s'oppose au retour de Gbagbo »

Ce 11 avril 2020, je suis encore plus convaincu que la loyauté et la fidélité sont des vertus à cultiver et à préserver jalousement. Avant-hier, le 11 avril était un temps de pleurs ! Hier, ce fut un temps de doute. Aujourd'hui, il doit être celui de la préparation afin que les prochains 11 avril soient ceux de la victoire définitive et des chants d'allégresse avec le Président Gbagbo ; le temps de bâtir une Côte d'Ivoire nouvelle est certainement arrivé.

Telle est ma conviction en ce 11 avril 2020.

Written by Stéphane Kipré

Vladimir Poutine atteint du Coronavirus ?

COVID-19 Côte d’Ivoire : 500 cas avec un quatrième décès