Code de la nationalité ivoirienne, n’est-il pas temps de le dépoussiérer ? (Jean Bonin)

Jean Bonin, président du FIER
Jean Bonin, président du FIER © Crédit Photo DR

Le droit civil ivoirien est largement d’inspiration française. C’est ce qui justifie l’option prise par l’article 48 du Code Ivoirien de la Nationalité. Jean Bonin fait des propositions.

A – LES DIFFÉRENTS MODE D’ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ IVOIRIENNE

La nationalité est généralement définie comme le lien juridique qui lie un individu à un Etat donné. Ce lien entraîne pour les personnes concernées des obligations, mais aussi des droits politiques et civils, voire professionnels.

La nationalité ivoirienne peut résulter :

– soit d’une attribution par filiation (« jus sanguinis – lien du sang » art 6 et 7),

– soit d’une acquisition :

• par adoption (art 11)

• par déclaration (loi de 2013)

• par le mariage (art 12)

• par décret de naturalisation (art 25)

B – LE PRINCIPE DE LA NON RECONNAISSANCE DE LA DOUBLE NATIONALITÉ ACQUISE

Selon l’article 48 al 1er du Code de la Nationalité : “perd la nationalité ivoirienne, l’ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère, ou qui déclare reconnaître une telle nationalité”.

Il résulte de l’application de cet article 48 que l’ivoirien qui acquiert une nationalité étrangère, suite notamment à un mariage avec un conjoint étranger (ce qui peut lui ouvrir droit à acquisition volontaire de la nationalité de son conjoint), perd sa nationalité ivoirienne, sans autre forme de procédure.

Nombreux sont donc nos concitoyens à l’étranger qui, généralement par ignorance (de la loi), croient être ivoiriens ou binationaux, alors qu’en droit ils ne le sont plus depuis qu’ils ont acquis une nationalité étrangère. C’est le cas de la plupart de nos compatriotes qui se sont établis notamment en Europe (France, Italie, Allemagne, Belgique, Suède…), aux USA, au Canada ou en Asie et qui y ont épousé un conjoint étranger.

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Si ces personnes qu’il faut considérer comme déchues de facto de la nationalité ivoirienne ignorent elle-mêmes qu’elles ne le sont plus et continuent de jouir de certains droits et prérogatives réservés aux seuls ivoiriens (droit de vote, détention d’un certificat de nationalité ou d’une carte d’identité ivoirienne…) c’est uniquement en raison de la défaillance de nos services d’etat civil qui ne sont pas toujours informatisés et interconnectés pour les tracer.

Lorsque ces services seront numérisés et interconnectés, il est évident que l’ivoirien qui a acquis une nationalité étrangère et qui se présentera aux frontières du pays, notamment à l’aéroport d’Abidjan, avec son passeport ivoirien s’exposera au risque de se le voir confisqué et détruit, vu qu’il n’est plus ivoirien en vertu des dispositions de l’article 48 précité.

Au regard de son effet privatif d’un droit initialement acquis, l’article 48 du Code de la Nationalité pénalise clairement des milliers de nos compatriotes qui, pour une raison ou une autre, ont dû acquérir une nationalité étrangère sans nécessairement vouloir renoncer ou répudier leur nationalité d’origine.

Dans la grande majorité des cas, cette volonté d’acquérir une autre nationalité résulte d’un mariage avec un conjoint étranger ou est justifiée par des nécessités d’ordre professionnelles (avoir accès à la fonction publique du pays concerné ou à des professions exclusivement réservées aux nationaux). Elle peut aussi être motivée par des considérations de nature sociale telle que la possibilité de bénéficier de certaines prestations sociales ou d’allocations familiales dans le pays d’accueil du compatriote Ivoirien.

Pourquoi l’ivoirien devrait-il être pénalisé pour avoir acquis une nationalité étrangère, en perdant la sienne, alors, par exemple, que son épouse étrangère, elle, par l’effet du mariage peut automatiquement obtenir la nationalité ivoirienne tout en conservant sa nationalité d’origine. En d’autres termes, alors que l’ivoirien, lui, perd sa nationalité, son conjoint étranger, quant à lui, devient binational, par l’effet du même mariage.

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De fait, la femme étrangère ayant épousé un Ivoirien avant l’entrée en vigueur de la décision 2005-09 du 29 Août 2005 modifiant certaines dispositions du Code de la Nationalité acquiert la nationalité ivoirienne au moment de la célébration du mariage.

Depuis la décision 2005-09 du 29 Août 2005, la femme étrangère, épousant un ivoirien, acquiert la nationalité ivoirienne, si elle en fait solennellement l’option au moment de la célébration du mariage.

En ce qui concerne l’homme étranger ayant épousé une Ivoirienne, depuis la décision précitée du 2005-09 du 29 Août 2005, il acquiert la nationalité ivoirienne, s’il en fait solennellement l’option au moment de la célébration du mariage.

Il acquiert d’office la nationalité ivoirienne au moment de la célébration du mariage (l’option solennelle a été supprimée), depuis une loi n°2013-654 du 13 septembre 2013.

PROPOSITIONS :

Le droit civil ivoirien est largement d’inspiration française. C’est ce qui justifie l’option prise par l’article 48 du Code Ivoirien de la Nationalité.

En effet, jusqu’en 1973, le droit français disposait d’une solution générale de prévention de la binationalité, ou de ce que l’on appelle plus souvent le conflit positif de nationalités. En cas d’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère, l’intéressé perdait automatiquement sa nationalité française (art. 87 ancien du Code de la nationalité).

Cependant, contrairement au droit ivoirien qui n’a pas évolué sur la question, cette disposition a été abandonnée en France par la loi du 9 janvier 1973.

Ainsi, l’article 23 du Code civil dispose que « toute personne majeure de nationalité française, résidant habituellement à l’étranger, qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ne perd la nationalité française que si elle le déclare expressément ».

Cette solution évite de priver le ressortissant français de sa nationalité d’origine notamment dans les cas où la personne a acquis une nationalité étrangère pour la commodité de ses affaires ou de son établissement, sans pour autant souhaiter perdre ses liens avec la France.

FIER propose que l’article 48 soit amendé de sorte que le Code Ivoirien de la Nationalité témoigne d’une plus grande tolérance à l’égard de la plurinationalité. Dès lors, la loi amendée offrirait au compatriote ivoirien qui acquiert volontairement une nationalité étrangère la possibilité, à sa seule discrétion, d’opter soit pour la binationalité, en gardant sa nationalité d’origine, soit de décider de la répudier.

Cette option a l’avantage de ne pas pénaliser nos compatriotes en leur ôtant un droit acquis, ce qui n’est pas le cas notamment de leur conjoint étranger.

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Par ailleurs, la Côte d’Ivoire pourrait ainsi se priver d’un certain nombre de talents (intellectuels, sportifs ou culturels) qui pourraient bénéficier ou servir le pays. Que gagne la Côte d’Ivoire a se priver de la matière grise de notre diaspora qui de façon directe ou indirecte œuvre à la prospérité de pays étrangers ?

En réintégrant dans la nationalité ivoirienne les personnes concernées, l’Etat ne pourra que les associer plus facilement au développement socio-économique et politique du pays.

L’évolution du Code de la Nationalité que nous appelons de tous nos vœux est rendue nécessaire d’autant plus qu’exceptés le Cameroun, le Malawi, la Guinée Équatoriale et la République Démocratique du Congo, la majorité des pays du continent africain acceptent le principe, avec ou sans restriction, de la double nationalité acquise.

Au regard de tout ce qui précède, l’article 48 alinéa 1er précité du Code de la Nationalité pourrait donc être amendé comme suit : “ tout ivoirien majeur, qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ne perd la nationalité ivoirienne que s’il le déclare expressément”.

Comme nous l’avons précédemment abordé, le code de la Nationalité offre la possibilité quasi automatique à l’étranger ou l’étranger conjoint d’un ivoirien d’acquérir la nationalité ivoirienne. Dans le principe ce n’est pas une mauvaise chose.

Cependant, si le conjoint étranger peut devenir automatiquement ivoirien, il n’en est pas le cas pour le conjoint ivoirien qui lui n’acquiert pas automatiquement la nationalité étrangère de son conjoint.

Nous pensons qu’il faut instituer une clause de réciprocité de sorte à ce que le conjoint étranger n’ait pas systématiquement plus de droits que son conjoint ivoirien. Ainsi, est-il nécessaire de modifier l’article 12 du Code de la Nationalité comme suit : « le conjoint étranger d’un national ivoirien acquiert la nationalité ivoirienne, dans les formes prescrit par la présente loi, sauf le cas de non existence de clause de réciprocité avec le pays tiers du conjoint étranger ».

Ainsi, un français, un congolais ou un malien qui épouse une ivoirienne ne devient pas automatiquement ivoirien, si cette faculté n’est pas ouverte à l’ivoirien en France, au Congo ou au Mali, ce qui n’est pas le cas actuellement. Le conjoint étranger devra en conséquence être soumis à une procédure régulière, mais facilitée, d’acquisition de la nationalité ivoirienne.

Telles sont les deux propositions de FIER en vue du toilettage du Code Ivoirien de la Nationalité et des dispositions constitutionnelles sur l’exclusivité de la nationalité ivoirienne.

Jean Bonin kouadio

Juriste

Membre du cabinet international d’avocats Serres et Associés

President du Think Tank FIER

Written by Jean Bonin

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