Constitution : Jean Bonin répond à Ouattara, »non, M. le président, ce n’est pas un faux débat »

Echange Alassane Ouattara avec une délégation des 11 Régions du Sud de la Côte d'Ivoire, le lundi 17 août 2020

Jean Bonin fait une analyse l'intervention président Ouattara sur la question de la Constitution de 2016 et l'interprétation qu'il en fait.

Attentivement, j'ai écouté l'intervention du chef de l'Etat sur la question de la constitution de 2016 et l'interprétation qu'il en fait. Le moins qu'on puisse dire c'est que son « homélie » posera plus de problèmes qu'elle n'en résoudra. Analysons ses paroles fortes.

1 – « Je ne veux pas rentrer dans ce faux débat de la constitution… ».
Non, M. le président, ce n'est pas un faux débat. C'est même tout le contraire. Vous aviez voulu changer la constitution de 2000 car vous prétendiez qu'elle contenait des dispositions confligènes. Force est de constater que celle de 2016 n'en est pas exempte. Pour preuve, en son nom et à cause d'elle de nombreux viennent d'être assassinés il y a à peine quelques jours. D'ailleurs, la spirale de violence que cette constitution engendre ne semble pas prête de s'estomper. Dès lors, au moins pour le respect que tous, y compris vous-même, nous devons à la mémoire de toutes ces défuntes personnes nul ne devrait qualifier ce débat contemporain de « faux débat ». C'est gênant de banaliser ainsi la question de l'interprétation de notre constitution.

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2 – « Qui a proposé cette constitution pour la 3ème républicaine ? C'est bien … »
Merci M. le président. Au moins les choses sont claires. Cette constitution n'est pas l'émanation du peuple qui l'aurait initié mais de Alassane qui a lui-même décidé de doter notre de SA constitution. Mais alors, M. le président, vous comprendrez donc pourquoi cette constitution « personnelle » est confligène et surtout pourquoi elle ne peut pas concerner tous les ivoiriens, autres que ceux de votre famille politique qui voudraient s'en pour pérenniser leur pouvoir. C'est gênant qu'on puisse instrumentaliser ainsi une loi fondamentale à des fins personnelles de conservation de ses acquis.

3 – « qui peut se targuer de connaître cette constitution mieux que moi ? ».
M. Ouattara, si personne ne connaît mieux que vous cette constitution pourquoi devons-nous faire confiance au dont vos militants nous disent qu'il lui revient en définitive de trancher la question de son interprétation ? Vous pouvez donc comprendre la suspicion légitime que peuvent nourrir nos concitoyens à l'é de ce Conseil Constitutionnel qui, selon vous, ne connaît pas la constitution mieux que vous. Or, étant donné que vous avez déjà tranché en déclarant, , que vous êtes éligible à un 3ème mandat comment pourrait-il dire autre chose, lui qui ne connaît pas la constitution mieux que vous. C'est gênant. Très gênant même.

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4 – « on ne peut pas préparer un successeur en 4 semaines ou en 2 ou 3 mois ».
M. le président, vous pouvez parler de « successeur » lorsqu'il s'agit de votre remplacement à la tête du , mais nullement à la tête de la Côte d'Ivoire. Vous le savez, il n'y a que dans les royaumes qu'on désigne son successeur ; notre pays n'en est pas un. La Côte d'Ivoire est une république à la tête de laquelle un président est élu suite à une compétition électorale. C'est donc gênant de vous entendre parler de succession à la tête de l'Etat M. le président.
Je comprends que vous dans votre clan vous n'ayez préparé qu'une seule personne à la « succession ». C'est une faute politique grave qui vous est imputable, à vous et à vous seul, pas à toute la ivoirienne car il s'agit d'une affaire interne au RDR.

Si en dehors de vous et de feu AGC personne d'autre au RDR n'est apte à la fonction c'est le signe que votre parti lui-même n'était pas préparé à la gestion collective et durable d'un État car gérer c'est prévoir. C'est également pour cela qu'un poste de vice-président a, il me semble, été créé. Gérer c'est aussi anticiper la possibilité qu'un plan « A » ne marche pas et qu'il faudrait peut-être recourir à un plan « B ». C'est élémentaire. Vous avez travaillé dans de grandes institutions internationales. Vous n'ignorez donc pas l'importance de la prévision et de l'anticipation dans la prise de décision. C'est gênant que vous l'ayez soudainement oublié.

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5 – « c'est un sacrifice que je fais. Je veux laisser le meilleur à la Côte d'Ivoire ». Merci M. le président. Cependant, en terme de gain politique, le prix à payer pour ce sacrifice est bien trop lourd. Il crée de l'instabilité, des morts et la certitude de lendemains chaotiques. Le meilleur sacrifice que vous puissiez offrir à la Côte d'Ivoire ce serait de prendre une retraite bien méritée afin que plus jamais une vie humaine ne soit sacrifiée sur l'autel d'une ambition personnelle fortement contestée. Votre sacrifice est gênant. Il n'est pas certain qu'il soit accepté par vos compatriotes et même par les mânes de nos êtres.

Written by Jean Bonin

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